Cyanobactéries dans les prises d’eau de quatre communes

Cette ville de près de 3 000 habitants est la seule de la région à puiser son eau dans la baie Missisquoi. Elle alimente également en eau potable les municipalités de Saint-Armand, de Stanbridge-Station et du canton de Bedford.

Devant ces problèmes récurrents, Bedford décide de modifier sa prise d’eau du lac Champlain.

Jamais vu auparavant

Les eaux de cette partie nord du lac Champlain sont connues pour leur forte teneur en algues bleu-vert, également appelées « cyanobactéries ».

L’été 2024 a été pire que jamais à cet égard.

« Nous avons eu un été catastrophique en termes de cyanobactéries. C’était un record comme nous n’en avions jamais eu auparavant. C’était énorme, énorme… »

— Claude Dubois, maire de Bedford

Le maire de Bedford, Claude Dubois, devant la baie Missisquoi (lac Champlain), près de l’usine de filtration qui alimente quatre municipalités en eau potable (Catherine Trudeau/La Voix de l’Est)

« Les épisodes de proliférations de cyanobactéries ont été récurrents et particulièrement importants cette année », confirme l’Organisme de bassin versant de la baie Missisquoi (OBVBM) par courriel.

Précocité

Les premières « proliférations de cyanobactéries » cette année ont été observées le 6 juin, « deux à trois semaines plus tôt que d’habitude », a précisé l’organisation environnementale.

Le 1er août, la Ville écrivait sur sa page Facebook qu’« un épisode de cyanobactéries d’une telle virulence est une première pour notre prise d’eau au lac Champlain ».

Lors de cet épisode virulent, le traitement au charbon actif utilisé à l’usine de filtration n’était plus en mesure d’éliminer les toxines des cyanobactéries et a nécessité l’utilisation d’un nouveau produit.

Résultat d’un échantillon d’eau prélevé à la marina de Venise-en-Québec le 16 août par l’OBVBM. (Organisme du bassin versant de la Baie Missisquoi)

« Le 3 septembre 2024, nous observions encore la présence de cyanobactéries au quai de Philipsburg », précise l’OBVBM.

L’organisme a effectué une tournée d’inspection et d’échantillonnage d’eau de la baie Missisquoi (trois sites à Venise-en-Québec, un site à Philipsburg) tout au long de la saison estivale.

L’élément déclencheur des cyanobactéries provient des nutriments, dont le phosphore, rappelle Johanne Bérubé, directrice générale de l’OBVBM.

« À mesure que la fréquence des fortes pluies augmente, les quantités de nutriments qui s’écoulent dans les rivières et la baie augmentent », a-t-elle déclaré.

Privé d’eau depuis plus d’un mois

Bien que l’usine de filtration ait connu quelques défaillances cet été, notamment le 9 juillet (bris d’équipement) et le 14 septembre (distributeur de chlore non fonctionnel), qui ont donné lieu à des avis d’ébullition de l’eau — le plus récent était toujours en vigueur mardi —, le maire Dubois assure que « notre usine fonctionne bien ».

Entre les bris et les cyanobactéries, les citoyens n’ont pas pu boire l’eau du robinet, à moins de la faire bouillir, entre le 9 juillet et le 12 août.

Claude Dubois, maire de Bedford, et Anick Laplante, directrice chez Aquatech, devant l’usine de filtration située à Philipsburg (Catherine Trudeau/La Voix de l’Est)

Le 11 juillet, un réservoir d’eau potable a été mis à la disposition des résidents et des entreprises. Il n’a été retiré que le 6 septembre, bien après la levée de l’avis d’ébullition, car les résidents se plaignaient du goût et de la couleur de l’eau.

La Santé publique de l’Estrie, le ministère de l’Environnement du Québec et l’entreprise Aquatech, mandatée pour le traitement des eaux, ont été rencontrés à plusieurs reprises durant cette période, selon la Ville.

Réduction de la consommation d’eau

Les citoyens ont même été appelés à contribuer, le 4 juillet dernier, lorsque la Ville de Bedford leur a demandé de réduire leur consommation d’eau.

La raison? Les réserves d’eau potable de la ville avaient fortement diminué en raison de la reprise de la production de l’entreprise Nortera (transformation de légumes), a expliqué le maire de Bedford lors du conseil municipal du 3 septembre, selon l’OBVBM.

La ville, n’ayant pas été prévenue, n’a pas pu se préparer en conséquence et a donc demandé à ses citoyens de réduire leur consommation, selon l’OBVBM.

L’entreprise Nortera (ex-Bonduelle) a également accepté de réduire sa consommation, après que la Ville lui a demandé de le faire, « vers la mi-juillet », estime le maire.

« Cela nous a vraiment aidé que Nortera ait réduit sa production, de plus c’était le début de sa saison. »

— Claude Dubois, maire de Bedford

L’entreprise aurait délocalisé une partie de sa production pendant un certain temps, la quantité d’eau disponible à Bedford étant insuffisante pour maintenir 100 % de ses opérations. Contactée mardi matin, Nortera ne nous avait pas répondu au moment de la publication de cet article.

Projet de nouvelle prise d’eau au lac Champlain

La ville de Bedford semble toutefois avoir trouvé une solution à ses problèmes d’eau potable.

« Nous voulons amener notre prise d’eau plus loin dans le lac », a déclaré le maire, dans une interview à La Voix de l’Est.

Il nous explique que la prise d’eau actuelle, située dans une petite baie, se trouve dans un endroit où l’eau stagne et où les cyanobactéries ont tendance à s’accumuler.

Parc Jameson, Venise-en-Québec, 12 juillet 2024. Un promeneur et son chien dans l'eau, malgré la présence apparente de cyanobactéries. Cette municipalité, comme Clarenceville, est aussi affectée par la mauvaise qualité de l'eau de la baie.

Parc Jameson, Venise-en-Québec, 12 juillet 2024. Un promeneur et son chien dans l’eau, malgré la présence apparente de cyanobactéries. Cette municipalité, comme Clarenceville, est aussi affectée par la mauvaise qualité de l’eau de la baie. (Organisme du bassin versant de la Baie Missisquoi)

« Nous pensons qu’en déplaçant la prise d’eau loin du rivage, selon les ingénieurs, cela nous aidera », a-t-il déclaré.

L’ajout éventuel d’aérateurs à proximité de cette nouvelle prise d’eau brute est envisagé.

En créant des bulles, ces appareils pourraient disperser les algues présentes sur leur passage et ainsi permettre d’obtenir une eau brute de meilleure qualité.

Les plans et devis ont déjà été élaborés, et les gouvernements provincial et fédéral ont été contactés.

Claude Dubois, maire de Bedford, en Estrie

Claude Dubois, maire de Bedford, en Estrie (Catherine Trudeau/La Voix de l’Est)

« Ce qui nous préoccupe, c’est la vie humaine », justifie M. Dubois.

Le nouveau pipeline prévu se trouverait à environ 360 mètres du rivage, soit environ deux fois plus loin que la prise d’eau actuelle, selon notre lecture du plan que nous a fait parvenir la Ville, datant de janvier 2022.

Le projet est actuellement estimé à 1,8 million, selon Richard Joyal, directeur général de Bedford.

L’avis du gouvernement fédéral est essentiel avant de pouvoir lancer l’appel d’offres, car Ottawa doit donner son aval pour un tel projet.

La députée fédérale de Brome-Missisquoi, Pascale St-Onge, confirme être au courant de la situation, affirme son attaché de presse, Charles Thibault-Béland.

Le paysage bucolique de la baie Missisquoi, à Philipsburg (Saint-Armand)

Le paysage bucolique de la baie Missisquoi, à Philipsburg (Saint-Armand) (Catherine Trudeau/La Voix de l’Est)

La Ville de Bedford s’était vu offrir par le gouvernement de réaliser les travaux cet hiver, selon le maire, mais « ce délai est très court et avec les hivers que nous connaissons actuellement, nous n’aurons pas assez de glace pour faire les travaux ».

Bedford a donc demandé que les travaux soient réalisés ce printemps « afin d’être prêt pour cet été ».

« Mme St-Onge est très sensible à la situation et travaille avec les ministères concernés et les différents intervenants pour trouver une solution », a ajouté son attaché.

 
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