Débâcle du Groupe Huot : la police ouvre une enquête criminelle

La Sûreté du Québec vient d’ouvrir une enquête criminelle sur la débâcle retentissante du Groupe Huot, a appris notre Bureau d’enquête.

• A lire aussi : Débâcle du Groupe Huot : Stéphan Huot visé par une première poursuite civile

L’unité des crimes économiques enquête ainsi sur l’effondrement de ce géant de l’immobilier, qui a notamment mené à la faillite spectaculaire de son directeur, Stéphan Huot (voir encadré ci-dessous).

Selon nos informations, des discussions préliminaires ont déjà eu lieu entre les plaignants et les enquêteurs, qui entendent procéder à un réexamen complet du dossier.

« L’ensemble du dossier sera évalué pour déterminer si des crimes ont été commis et si oui, par qui », résume l’une de nos sources.

Plusieurs allégations

Des allégations de systèmes de Ponzi, de transactions irrégulières, de faux reçus, de prêts usuraires et de transferts illégitimes ont fait la une des journaux ces derniers mois à la suite de cette débâcle.

Ces allégations ont été soulevées dans le cadre d’une poursuite civile intentée contre Robert Giroux, un homme d’affaires québécois qui a incité 75 millionnaires locaux à investir d’énormes sommes dans l’empire de Stéphan Huot.

Lors du procès civil, un expert-comptable judiciaire a témoigné que les transactions entre les sociétés de Giroux, les fonds d’investissement des millionnaires et les entreprises de Huot avaient des « caractéristiques de Ponzi ».

Ce stratagème consiste à utiliser l’argent d’un investisseur pour verser de faux rendements à d’autres investisseurs, les amenant à croire, à tort, que l’argent investi produira les rendements promis.

L’expert a également ciblé quelque 40 millions $ de transactions irrégulières. Par l’intermédiaire d’une de ses sociétés, Giroux aurait accordé des « prêts cachés » à Huot, à des taux d’intérêt « usuraires » pouvant atteindre 60 %, soutiennent les millionnaires.

« Opérations suspectes »

Robert Giroux, qui nie ces allégations, a fait appel à son propre expert pour analyser ses finances (voir le texte ci-dessous).

Dans sa défense écrite déposée avant le début du procès, Giroux accuse plutôt Stéphan Huot d’avoir procédé à une série « d’opérations douteuses » ainsi qu’à des transferts illégitimes entre ses différentes sociétés, alors qu’il était à la tête du Groupe Huot.

Photographie STEVENS LEBLANC

Il affirme avoir la preuve de « faux reçus » fabriqués par Huot, pour faire croire à tort aux banques, par exemple, que des sous-traitants avaient effectué des travaux, et ainsi obtenir un paiement.

Robert Giroux a également déposé une contre-poursuite contre les millionnaires, réclamant 25 millions de dollars pour atteinte à leur réputation. Il a refusé de commenter davantage.

De son côté, Stéphan Huot nie les allégations qui pèsent contre lui. Concernant l’enquête policière en cours, il affirme qu’il n’a « rien à cacher » et que ses « livres sont grands ouverts ».

La Sûreté du Québec a pour sa part réitéré qu’elle ne commente jamais les enquêtes en cours, refusant ainsi de confirmer ou d’infirmer nos informations.

L’AMF se retire

Il convient également de noter que l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui avait mené des vérifications dans cette affaire l’an dernier, a depuis classé le dossier.

« De notre côté, le dossier ne sera pas approfondi », a déclaré le porte-parole Sylvain Théberge, qui n’a pas souhaité commenter davantage, invoquant la confidentialité des vérifications et des enquêtes de son organisation.

Aucune irrégularité, selon l’expert Giroux

Robert Giroux et ses sociétés n’ont effectué aucune transaction irrégulière, selon un rapport d’expertise, qui note au passage que les millionnaires québécois ont empoché 71,8 millions $ en intérêts pour les sommes injectées dans le Groupe Huot, avant son effondrement.

Les juricomptables Luc Marcil et Alain David, de la firme LMD, ont produit un volumineux document à la demande des avocats de Robert Giroux et ses sociétés, poursuivis pour 150 millions $ par une cinquantaine de millionnaires du Québec.


Photo prise sur LINKEDIN, LUC MARCIL

L’analyse de 224 pages, déposée au tribunal, critique le rapport produit par l’expert comptable et financier François Fillion de KPMG pour le compte des millionnaires.

Cet expert en est venu à la conclusion que des transactions irrégulières et/ou présentant des caractéristiques de type Ponzi ont eu lieu entre les sociétés de Giroux, les fonds d’investissement des millionnaires et les sociétés de Huot.

Ces conclusions sont balayées d’un revers de main par LMD, qui soutient que cette analyse repose sur une « méconnaissance » des transactions étudiées, qui n’ont rien d’irrégulier.

Le rapport précise d’emblée qu’entre 2017 et 2022, les millionnaires ont gagné et reçu 71,8 millions $ en intérêts et frais pour les sommes injectées dans les fonds de Giroux, qui ont prêté au Groupe Huot. Plusieurs investisseurs avaient également des sommes dans les deux fonds – FIISH et Q-12 – destinés à financer Huot.

Des sommes ont été transférées entre les fonds de Huot et des entreprises, reconnaît le rapport. Mais ces transactions n’étaient pas inhabituelles, selon les experts, qui y voient plutôt « l’application d’un simple mécanisme de compensation entre des entités qui transigent régulièrement entre elles dans le cours normal des affaires ».

LMD accuse également son homologue d’avoir « outrepassé son champ de compétence en qualifiant certaines transactions de type Ponzi », une question juridique qui relève « exclusivement de la compétence du tribunal ».


Photo prise sur LINKEDIN, FRANÇOIS FILION

Les experts de LMD n’ont pas encore témoigné au procès civil, qui doit durer six semaines et est actuellement suspendu pour une durée indéterminée, à la suite d’une demande de récusation du juge déposée par le clan Giroux.

L’effondrement du Groupe Huot

Février 2023

Le Groupe Huot, géant immobilier de Québec comptant 6 000 unités locatives, met ses chantiers en pause. Au cours des prochains mois, toutes les entités du Groupe seront fermées, vendues ou mises hors de portée de leurs créanciers.

Juillet 2023

Des millionnaires québécois intentent une poursuite de 150 millions $ contre Robert Giroux, qui les a poussés à investir des sommes colossales dans le Groupe Huot. Ils se disent victimes d’un stratagème qui « s’apparente à une pyramide de Ponzi ».

Septembre 2023

Stéphan Huot cherche à se mettre à l’abri de ses créanciers pour des dettes colossales totalisant près de 1,2 milliard $. Il assure ensuite vouloir éviter la faillite.

Avril 2024

Stéphan Huot déclare faillite pour 463,6 millions $, ce qui en fait la plus importante faillite personnelle de l’histoire du Québec. Le promoteur dit toutefois espérer réduire substantiellement sa dette.

Mai 2024

Dans sa défense écrite déposée au tribunal en vue du procès civil, Robert Giroux soutient que Stéphan Huot aurait procédé à une série de transactions douteuses, dont de faux reçus et des transferts illégitimes. Le procès débute, avec trois semaines d’audiences prévues au printemps et trois autres à l’automne.

Septembre 2024

Le procès entre Robert Giroux et les millionnaires a été suspendu à la suite d’une demande de récusation du juge par le clan Giroux.

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