Ces pierres endormies. En Indre-et-Loire, comment sauver la Sainte-Chapelle de Champigny-sur-Veude ? – .

Ces pierres endormies. En Indre-et-Loire, comment sauver la Sainte-Chapelle de Champigny-sur-Veude ? – .
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La Sainte-Chapelle pourrait-elle être maudite ? Au cœur de Champigny-sur-Veude, charmant village de près de huit cents âmes du sud de l’Indre-et-Loire, se niche un joyau patrimonial en voie de disparition. L’édifice religieux en pierre de tuffeau blanc, haut de seize mètres au niveau de sa nef, s’élève majestueusement, à quelques pas de la route goudronnée qui traverse le village.

Mais ce chef-d’œuvre de la Renaissance aux vitraux colorés n’est plus ouvert aux visiteurs depuis trois ans, ni entretenu ni restauré. “C’est navrant”, déplore Marie-Pierre Terrien, 64 ans, historienne, présidente de la société historique Richelieu, auteur d’un livre consacré au lieu mystique. Dans le village, les questions inquiètes autour de l’avenir de ce joyau architectural bruissent. “C’est assez désespéré” souffle un habitant de la commune, qui connaît l’édifice chrétien, ainsi que le château qui lui jouxte – tous deux classés aux Monuments historiques – visités en toute illégalité par des intrus.

Des pierres qui meurent

Les remparts entourant la chapelle, en très mauvais état, ont été renforcés il y a quelques années, grâce à des travaux réalisés par l’Etat.
© Photo NR Flore Mabilleau

Début 2022, le syndic, à l’âge de la retraite, part sans être remplacé. Les mauvaises herbes ont progressivement envahi les impressionnantes douves et les cours du château. Il semble bien loin qu’aucun brin d’herbe ne dépassait du jardin à la française. Le mur d’enceinte du domaine de près de 80 ha est désormais lépreux, parsemé de trous béants.

Touses vieilles pierres – la Sainte-Chapelle, le château, un haras, une maison ainsi qu’un logement de gardien –, pans d’une histoire nationale, s’éteignent, lentement mais sûrement, sous les yeux impuissants des habitants et des élus locaux. .

Marie-Pierre Terrien, historienne, a écrit un livre sur la chapelle de Champigny-sur-Veude. Un bâtiment qu’elle a montré à de nombreuses reprises lorsqu’il était encore ouvert au public.
© (Photo NR Flore Mabilleau)

Ordonnances de danger

La mairie a émis deux nouveaux arrêtés de danger en octobre 2022, une lucarne et une partie du mur d’enceinte s’appuyant dangereusement sur la voie publique. Mais le quasi-silence des propriétaires américains rivalise avec leur absence. Depuis près de quatre ans, Bernard et Joan Carl, repreneurs du domaine en 1999, n’ont plus mis le pied sur ces terres de Touraine. « On a des contacts avec eux par visio, et j’essaie de faire avancer les choses en étant dans l’échange, en les encourageant à travailler », avance, prudemment, Aurélie Rocher, la maire de Champigny-sur-Veude.

Le mur d’enceinte de la propriété, qui s’étend sur plusieurs kilomètres, s’est effondré par endroits.
© Photo NR Flore Mabilleau

Au-delà du danger des pierres qui pourraient accidentellement blesser de rares passants, c’est la préservation de ce patrimoine exceptionnel qui pose question. «C’est un bâtiment unique» répète Marie-Pierre Terrien. L’une des sept Saintes-Chapelles subsistantes sur les douze construites au XIIIee à 16 anse siècle dans le royaume de France, par les descendants de Saint-Louis, abritant des reliques de la passion du Christ. Un édifice chrétien construit sur le modèle de celui de Paris, dans lequel entre une lumière inimitable, filtrée à travers onze verrières de huit mètres de haut.

Les vitraux Renaissance de la Sainte-Chapelle.
© Photo Marie-Pierre Terrien

Japonais tordu

Le monument avait déjà été laissé en friche, entre 1988 et 1999, par des acheteurs japonais véreux, rattrapés par la justice. Les propriétaires américains, quant à eux, se lancent dans de gros travaux dès leur arrivée sur leur lieu de résidence. Mais depuis, c’est complètement calme. “C’est une histoire sans fin, notre seule solution c’est le préfet” soupire Aurélie Rocher. Ni la préfecture ni la direction régionale des affaires culturelles, qui est, selon nos informations, en conflit avec les Carl, n’ont répondu à nos demandes d’entretiens. Les amoureux de la chapelle attendent cependant une réaction de leur part.

Flore Mabilleau

dates clés

16e siècle : construction de la Sainte-Chapelle de Champigny-sur-Veude.

1635 : destruction du premier château de Champigny-sur-Veude appartenant à Gaston d’Orléans. La Sainte-Chapelle a été sauvée par le pape Urbain VIII.

1988 : rachat du domaine par la société Nippon Sangyoo pour 22 millions de francs à la famille Bazin.

1989 : riverains, élus et services de l’État interviennent pour que la Sainte-Chapelle ne soit pas dépouillée de ses trésors (statue, retable) par ses propriétaires japonais.

1995 : les pinacles de la Sainte-Chapelle, menacés de chute, furent démontés sur ordre des Monuments Historiques. La chapelle est mise en vente par la société japonaise pour 20 millions de francs.

1996 : arrestation de Kiko Nakahara, agent en Europe de Nippon Sangyoo, qui a acheté des propriétés françaises classées pour les piller. Visite du ministre de la Culture Philippe Douste-Blazy au chevet de la chapelle.

1999 : achat de la propriété par un riche couple américain, les Carl.

Des propriétaires américains aux abonnés absents

Ils brillent par leur absence depuis quatre ans. Bernard et Joan Carl – qui n’ont pas répondu à notre demande d’entretien – ont acquis le domaine de Champigny-sur-Veude en 1999. Lui, avocat d’affaires à la retraite, a fait carrière dans le private equity, tandis qu’elle a notamment travaillé à la tête de la maison française de linge de luxe Porthault, que le couple avait sauvée en 2005. C’est ainsi qu’elle a été faite, en 2009, chevalier de la légion d’honneur par Nicolas Sarkozy. La société a depuis été placée en liquidation judiciaire.

Pourquoi les Carl ne mettent-ils plus les pieds à Champigny-sur-Veude ? Pourquoi ne veulent-ils pas non plus vendre ce domaine alors que des acheteurs potentiels se sont fait connaître ? Mystère. «Ils semblaient aimer cette propriété, notamment une de leurs filles s’est mariée à la Sainte-Chapelle», observe un habitant du village. « Les Carl faisaient du travail, ils voulaient se développer, mais les contraintes étaient importantes, raconte l’historienne Marie-Pierre Terrien, qui visite les lieux depuis longtemps. Chaque année, ils invitaient des personnes qui montraient la chapelle. » Un cocktail a été organisé à la fin de la messe annuelle de la Saint-Louis.

Mais entre-temps, les batailles juridiques se sont accumulées comme des nuages ​​alors qu’une tempête approche pour les riches propriétaires. La fête de mariage new-yorkaise, avec 250 invités, de leur fille aînée, raconte le Washington Post, s’est soldée par un procès entre le couple et l’organisateur de l’événement, pour des dettes impayées s’élevant à plusieurs centaines de milliers de dollars. La vente, par Bernard Carl, d’une Ferrari exceptionnelle pour 44 millions de dollars, en 2018, à un collectionneur, a également abouti devant les tribunaux, détaille le Fois. Et selon nos informations, l’épouse du dernier gérant du domaine de Champigny-sur-Veude est toujours en litige avec l’avocat américain… pour six mois de salaire impayé.

 
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