L’enfer de la drogue fait des ravages au coin des rues

L’enfer de la drogue fait des ravages au coin des rues
Descriptive text here

Ce n’est pas la première fois qu’Audrey s’arrête devant les bureaux du QUB. Ce n’est pas la première fois qu’elle se penche, la tête entre les deux pieds, les bras pendants, dans un état d’inconscience quasi totale. Je ne sais pas si elle dort ou si elle meurt simplement sur le trottoir, seule, devant tout le monde.

Dans l’indifférence des gens qui la croisent, des gens qui se demandent quoi faire, s’ils doivent intervenir.

Finalement, Audrey reste seule, dans son monde. Je sors, je cherche la police. A l’heure du déjeuner, ils sont ailleurs. Le coin Berri–Ste-Catherine est désert. Nous appelons le 911. Il est 12h39.

Prochaine dose

Je la surveille depuis au moins 10 minutes, me demandant si je vais devoir utiliser la naloxone que nous avons au bureau. Elle chancelle d’un côté à l’autre, mais ne tombe jamais. Aujourd’hui, je trouve le courage d’intervenir. J’ai posé ma main sur son dos. Elle commence douloureusement.

“Êtes-vous ok?”

« Mes médicaments. Mes médicaments ont été volés.

Je peux à peine l’entendre. Les mots sont à la limite de l’intelligibilité. Ils viennent de loin. De loin. Je lui demande si on peut en trouver d’autres pour elle, mais comme elle les a achetés au marché noir, c’est impossible. Son médicament est probablement sa prochaine dose. Elle réussit enfin à se redresser un peu. Ses yeux sont vitreux. Absent. Je ne peux pas dire si elle a la trentaine ou la cinquantaine. Elle n’a plus de dents.

Elle attrape son manteau. Je me penche et ramasse son sac en plastique blanc.

“Faites attention, il y a des seringues là-dedans.”

Je regarde ses mains, sales et patinées par le froid. J’ai peur qu’elle tombe sur la face tellement son équilibre est fragile. Je l’invite à s’asseoir contre le mur, mais elle refuse. Finalement, sans rien me dire, sans me regarder, elle traverse la rue, avec difficulté. Heureusement, il n’y avait pas de voiture.

Univers infernal

La police est arrivée à 13h22. Ils ont établi le contact avec elle. Elle est revenue au coin de la rue et s’est allongée devant la station de métro Berri. Un homme était assis à côté d’elle. Je crois que tous les deux venaient de fumer du crack. Comment voler encore plus haut, encore plus loin, comment oublier une existence pareille.

Hier, toujours dans le même coin, un homme dort sur le trottoir. Ses bras sont levés et son pull remonte. Je vois son ventre, et les trente épingles médicales qui ferment sa poitrine. Du nombril jusqu’au sommet. Du côté droit, une autre plaie est refermée avec une dizaine d’épingles supplémentaires. Les plaies sont rougies. Cela ne ressemble pas à une opération médicale. Plutôt une opération de sauvetage. Cela détourne l’attention de son pied, qui présente également une blessure importante. Les gens qui le croisent froncent les sourcils. Je ne peux pas dire si c’est du dédain ou de la pitié. Il continue de dormir.

Peut-être est-il allé retrouver Audrey dans son monde, et ensemble ils dansent au son d’une musique entraînante. Peut-être que cette fête est si bonne que d’autres sans-abri locaux y assistent tous les jours. Peut-être qu’une fois sur place, vous ne voudrez plus jamais retourner dans le monde réel.

Mais moi, le parti, je ne le vois pas. Je ne l’entends pas. Tout ce qui se trouve devant mes yeux, c’est une femme et un homme pris dans l’enfer de la drogue, et des gens qui manquent désespérément de moyens pour les aider.

André-Sylvain Latour, Radio QUB

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Lot. Un EHPAD vient d’ouvrir dans le nord du Lot, déjà 10 soignants ! – .
NEXT Européennes : Bardella lance le compte à rebours vers une victoire annoncée à Perpignan : Actualités