Alexander Kachpourine, un grand talent révélé

Alexander Kachpourine, un grand talent révélé
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La salle Bourgie a rendu hommage ce week-end à Sergueï Rachmaninov avec trois récitals. Celle de samedi soir a révélé un tout étonnant pianiste russe, quasiment inconnu en Occident, Alexander Kachpourine.

Placé peu ou prou sous le parrainage de Louis Lortie, qui a joué avec les deux dimanche après-midi, l’Ukrainien Illia Ovcharenko, vainqueur du Concours Honens 2022 (cette compétition canadienne qui s’est distinguée par sa « clairvoyance » pour avoir dans un premier temps éjecté les candidats russes) et le Russe Alexander Kashpurin, que la francisation nous amène à épeler « Kachpourine », étaient les vedettes du week-end Rachmaninov dans la salle Bourgie.

Nous avons choisi de découvrir Kachpourin, dont la biographie ne permet pas de le situer très précisément à ce moment. Après un cursus très traditionnel à Saint-Pétersbourg, il rejoint la Chapelle Reine Elisabeth de Bruxelles en 2021-2022. Il a également étudié l’administration artistique d’organisations symphoniques et chorales. Est-il actuellement bruxellois ou en poste quelque part à Saint-Pétersbourg ?

En tout cas, sa carrière de pianiste international n’a pas encore fait ses preuves, et c’est bien dommage. En effet, son récital nous ramène aux questions soulevées lors d’un entretien jadis avec Sergeï Babayan qui végétait et ruminait dans l’ombre pendant des années et des années : qu’importe qu’un artiste perce ou non ?

Lignée et filiation

Pendant tout Études-Tableaux op. 39, nous n’avons pensé qu’à une chose : tous les dithyrambes lus depuis deux décennies ou plus, toutes les bêtises et absurdités sur l’un des pianistes les plus agréables mais ordinaires de notre planète musicale, Nikolaï Luganski. Selon certains confrères, notamment français, ce Luganski serait « le » représentant, avant tout, de la lignée de la grande tradition russe, mêlant technique, intelligence, panache, flamboyance etc. Et voilà que tous ces dithyrambes, prétentions, affirmations qu’on lisait sur ce pianiste depuis vingt ans sans jamais rien percevoir musicalement, nous les avions en direct devant nous, sous les doigts d’Alexandre Kachpourin. Le côté solide, cadré, comme coulé dans le bronze, avec une intelligence musicale infinie, une touche raffinée, ombrée quand il le faut, des envolées audacieuses, un vrai panache, mais sans destruction du clavier (style Matsuev) : Kachpourine a exactement tout ça.

La curiosité était trop grande : dès notre retour à la maison, nous écoutions ça Opus 39 de Rachmaninov sorti en CD il y a tout juste un an chez Luganski, disque évidemment multi-primé. Une eau tiède comme celle-là, ce n’est même pas possible, comparée à ce que le public de la salle Bourgie avait servi en direct par Kachpourine trois heures auparavant ! La question se pose donc : qu’est-ce qui fait une carrière ? Qu’est-ce qui fait une aura (à part quelques leaders d’opinion qui crient fort et des « followers » qui suivent pour ne pas avoir l’air de rater le coche) ? Nous ne pouvons que souhaiter à Kachpourin le meilleur pour l’avenir.

Même brio de Rachmaninov, même grande jambe et grand style russe dans le 1D Sonate, dont Lukas Geniušas a exploré avec encore plus de subtilité les méandres lors de son concert au Ladies’ Morning en février 2023, sonate incluse dans son dernier disque, sorti chez Alpha, qui fait désormais référence, avec l’enregistrement de Steven Osborne (Hyperion) . Dans cette véritable « Sonate de Faust », tout comme Liszt écrivait une Faust-SymphonieGeniušas (dont l’appartenance pianistique et l’esthétique sont bien plus mixtes et complexes) scrute le texte, tandis que Kachpourine l’utilise pour faire du piano un instrument plus grand que nature.

Du point de vue de la manière de faire sonner et résonner l’instrument, ce concert a été l’un des plus exaltants de la saison. Et à ceux qui n’ont pas encore expérimenté le nouveau Steinway de Bourgie avec un pianiste de cette trempe dans un programme de ce type, on ne peut que recommander de ne pas trop tarder.

Pour rappel, pour calmer le jeu, Kachpourin a joué le Prélude op. 32 n°5 de Rachmaninov, avec une magie surpassant cette fois en subtilité Geniušas dans son intégralité. Quant à l’autre comparaison – celle avec le successeur désigné de Richter, Ashkenazy et on ne sait trop qui d’autre – vous avez compris où elle menait en ce qui nous concerne.

Hommage à Rachmaninov

Études-Tableaux, op. 39. Sonate pour piano n° 1. Alexander Kachpourin (piano). Salle Bourgie, samedi 6 avril 2024.

A voir en vidéo

 
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