Ce boulanger et cet éducateur spécialisé travaillent sur le projet depuis plusieurs mois. Le 2 avril, Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, Le Figaro est allé à leur rencontre.
Le Figaro Nantes
Le Reflet (à Nantes), Cafés Joyeux… Nicolas Mainguy et Célia Baril l’ont constaté : les restaurants employant des personnes handicapées se multiplient sur le marché. Ils n’hésitent pas à saluer ces initiatives. « Il faut que ça existe » assurent-ils, joints par téléphone. Mais ils souhaitent faire un pas de côté, à travers leur future boulangerie inclusive. Leur objectif sera d’employer trois apprentis autistes, afin de leur offrir un tremplin vers l’insertion en milieu ordinaire.
« En septembre, mon patron a décidé de vendre sa boulangerie, et l’idée a pris racine », raconte Nicolas Mainguy, boulanger depuis 20 ans. Quant à son épouse, elle travaille depuis près de 25 ans comme éducatrice spécialisée, “principalement avec les personnes autistes plus ou moins autonome ». Elle a remarqué que le monde du travail pouvait leur être difficilement accessible, en raison d’inquiétudes ou de préjugés. Le couple d’une quarantaine d’années connaît d’autant mieux le sujet que leur aîné, âgé de 18 ans, est lui-même autiste.
Une cagnotte
Tous ces éléments les ont amenés à travailler sur leur projet pendant plusieurs mois. Ils ont déjà trouvé une place. S’ils souhaitent rester discrets à ce sujet, ils peuvent toutefois préciser que l’entreprise sera implantée à Saint-Nazaire (44), non très loin de la commune de Saint-Malo-de-Guersac où ils habitent. « Nous avons décidé de déménager dans une grande ville pour que les apprentis puissent se déplacer eux-mêmes »précise Nicolas Mainguy, évoquant les transports en commun.
Outre les partenaires bancaires et les organismes et fondations qu’ils ont sollicités, ils ont lancé il y a trois semaines une cagnotte ouverte au grand public afin de récolter 30 000 €. Ils espèrent pouvoir ouvrir leur boulangerie en janvier 2025, afin d’accueillir dès juillet des apprentis atteints de troubles du spectre autistique. « Nous voulons avoir six mois pour rassurer les travailleurs (les professionnels qui les accompagneront, NDLR) et adapter le magasin à tous types de handicaps ».
Outre un suivi personnalisé avec des espaces désignés ou une caisse adaptée, le lieu de vente sera conçu pour être accessible à tous. Certaines étiquettes pourront être en braille, il n’y aura pas de musique et certains vendeurs pourront être formés à la langue des signes.
Avec des outils, une organisation adaptée et un accompagnement, les jeunes autistes peuvent se former et travailler dans un milieu ordinaire.
Célia Baril, éducatrice spécialisée et responsable du projet boulangerie inclusive
A travers ce projet, Nicolas Mainguy, qui a reçu une médaille d’or départementale pour la tradition baguette en 2018, souhaite transmettre sa passion artisanale tout en contribuant à une meilleure insertion des jeunes dans le milieu ordinaire. Sa femme veut démontrer « qu’avec des outils, une organisation et un accompagnement adaptés, les jeunes autistes peuvent se former et travailler dans un milieu ordinaire ». Parallèlement, elle lance une association de soutien aux jeunes qui pourrait, à terme, servir à d’autres entreprises. Les initiateurs du projet n’ont pas peur, et ce « malgré la situation économique du prix de l’électricité dans les boulangeries ». Leur but est de vivre de leur structure qui s’appellera L’Evidence, en référence à la philosophie d’un « lieu où la différence devient évidente ».
Selon leurs recherches, il s’agit du premier concept de boulangerie inclusive en France. Cela se fait déjà en Belgique ou au Québec. Ils espèrent vraiment pouvoir donner envie aux employeurs d’embaucher par la suite leurs apprentis. En attendant que le projet démarre, ils recherchent des bénévoles qui auront du temps pour les aider. Pour les contacter : [email protected]
