Port de Montréal | Ancien bras droit d’un Hells et grutier

Port de Montréal | Ancien bras droit d’un Hells et grutier
Port de Montréal | Ancien bras droit d’un Hells et grutier

Un débardeur du port de Montréal qui joue un rôle clé dans le chargement des conteneurs a été le bras droit des Hells Angel Marvin Casper Ouimet entre 2007 et 2008. Congédié alors qu’il faisait l’objet d’une enquête policière, il a été réembauché après avoir plaidé coupable à accusations de gangstérisme, de blanchiment d’argent et de complot en vue d’importer de la cocaïne, a appris La presse.


Publié à 00h47
Mis à jour à 5h00

Yves Lafontaine, un bon gaillard qui fut également membre en règle des défunts Rockers, le club-école des Hells Angels impliqué dans la sanglante guerre des motards, est aujourd’hui opérateur de portique. Ces immenses appareils, qui déplacent les conteneurs entre les navires et les quais portuaires, sont pilotés uniquement par les débardeurs les plus anciens.

Malgré un rapport du ministère de la Sécurité publique, qui soulignait en 2011 l’infiltration du crime organisé dans les ports canadiens et la « corruption potentielle des employés portuaires, [y compris] les débardeurs », M. Lafontaine occupe cet emploi sans détenir une « cote de sécurité en transport ». Ce document, obtenu après une enquête sur les antécédents criminels de la GRC et du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), exclut spécifiquement toute personne qui « est ou a été membre d’une organisation criminelle », selon la réglementation fédérale en en vigueur depuis 2004.

Seul un « Pass Port Zone Réglementée 1 » est nécessaire pour circuler sur les quais, mais il ne donne pas accès aux zones plus strictement contrôlées. Le fait que certains travailleurs puissent circuler dans les ports avec ces laissez-passer plus permissifs a été qualifié de « défaut évident » par le Comité sénatorial permanent de la sécurité et de la défense en 2007 dans un rapport sur la sécurité maritime.

« Je ne pourrai jamais être patron, ni auditeur, ni travailler pour les sociétés d’amarrage. Je n’ai pas accès aux salles où travaillent les patrons », a déclaré M. Lafontaine, qui a accepté de parler à La presse par souci de transparence.

Même s’il reconnaît que son passé est tumultueux, il jure de ne plus avoir rien à voir avec la pègre. « J’ai tout perdu quand c’est arrivé, ces histoires. Je suis complètement parti de zéro, je travaille et j’ai réussi à reconstruire ma vie et un nom bancaire», raconte cet homme de 58 ans, tout proche de la retraite.

Sa prise de conscience s’est produite en prison, dit-il, alors qu’il purgeait une peine de deux ans et demi pour les crimes dont il avait été reconnu coupable.

Quand votre enfant de 7-8 ans vient vous voir à l’intérieur pour une visite pendant les vacances, et qu’il est blanc comme un drap et qu’il a peur, ça fait réfléchir. J’ai décidé de changer complètement de vie.

Yves Lafontaine

Licencié puis réembauché

Comme tous les autres débardeurs de l’époque, Yves Lafontaine a été embauché à la fin des années 1990 par la liste de référence du Syndicat des débardeurs, seule porte d’entrée possible à cette époque. Mais il part rapidement en arrêt maladie, après seulement huit mois de travail.

Tout en conservant son lien d’emploi avec le port, il ouvre des restaurants, des bars et une entreprise de lotissement foncier, sans reprendre son travail pendant des années.

Des documents policiers allèguent qu’entre 2007 et avril 2008, il aurait fait partie d’une organisation criminelle dirigée par Marvin Casper Ouimet, membre en règle des Hells Angels qui a été libéré d’une peine de 14 ans de prison le 13 avril dernier, sous de lourdes peines. conditions. Le groupe avait tenté d’infiltrer l’économie légale de la construction en prenant le contrôle de l’entreprise de maçonnerie LM Sauvé. Selon les documents policiers déposés en preuve, M. Lafontaine était l’homme sur le terrain qui « contrôlait le territoire ». [au] bénéfice des Hells Angels » dans cette affaire.

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ARCHIVES DE PRESSE

Marvin Casper-Ouimet

En avril 2008, l’Association des Employeurs Maritimes (AEM) l’a licencié, sous prétexte qu’il ne s’était pas présenté à une réunion avec ses supérieurs. Le Syndicat des débardeurs a immédiatement déposé un grief.

Cinq mois plus tard, M. Lafontaine a été menotté. Il a plaidé coupable de gangstérisme et de blanchiment d’argent dans le cadre de l’enquête Diligence, ainsi que de complot en vue d’importer de la cocaïne par voie terrestre en Outaouais.

Puis, en septembre 2010, alors qu’il attend de connaître la durée de sa peine de prison, Yves Lafontaine est réembauché comme débardeur. Le président du Syndicat des débardeurs de l’époque, Daniel Tremblay, et le président de l’AEM, Jean Bédard, ont signé un règlement de grief qui annulait son congédiement et le réintégrait en « congé sans solde » sans perte d’ancienneté. M. Lafontaine a ainsi pu conserver son emploi pendant son incarcération.

L’AEM n’a pas souhaité commenter la réembauche de M. Lafontaine ni les raisons qui ont mené à cette décision, se contentant de dire que l’entente est confidentielle.

Le Syndicat des débardeurs défend vigoureusement cette décision.

En 2010, le président de l’AEM et le président du syndicat ont parié que ce type pourrait se ressaisir, et ils ont eu raison.

Conseiller syndical Michel Murray

M. Murray souligne que les crimes de M. Lafontaine n’ont rien à voir avec les opérations portuaires et soutient qu’il est de toute façon impossible pour les débardeurs de jouer un rôle dans des opérations clandestines impliquant des conteneurs. « Les gars ne savent pas ce qu’il y a dans les cartons », dit-il. Les camions ne peuvent pas aller et venir à leur guise. Le port est un lieu très contrôlé», insiste-t-il.

Corruption, intimidations et « cellules silencieuses »

De nombreux rapports traitant de la criminalité dans le port de Montréal prétendent le contraire.

Le crime organisé parvient à créer des « cellules silencieuses », notamment grâce au placement syndical, qui peuvent être « activés » à des moments cruciaux, relate la criminologue Anna Sergi, dans un rapport d’enquête sur la criminalité dans les ports de Montréal et de New York, publié en 2020. dans leRevue internationale de droit, crime et justice. « C’est très courant, dans de nombreux ports », assure-t-elle.

Les employés portuaires corrompus peuvent déplacer les conteneurs « de manière à éviter intentionnellement » les inspections sur les quais, indique un rapport publié en 2011 par le ministère de la Sécurité publique, basé sur des entretiens avec les autorités policières.

“Des conteneurs ont déjà été suspendus au-dessus de véhicules lors d’une inspection, pour être ensuite lâchés “accidentellement” à proximité des inspecteurs – un avertissement sévère que leur vie est en danger”, a écrit le Comité sénatorial permanent de la sécurité et de la défense, dans un rapport qui a examiné la question. en 2002.

Le Syndicat des débardeurs soutient que ce sont plutôt d’autres types d’emplois portuaires qui sont généralement en cause lors des descentes de police au port. «Je ne me souviens pas d’un seul débardeur qui ait été accusé, ces dernières années, de trafic ou de complicité avec des groupes criminels en lien avec son travail sur les quais», insiste Michel Murray.

Yves Lafontaine assure qu’il n’y a aucun risque qu’il soit pris dans ce type de complot.

«J’ai quitté ce monde», jure le débardeur.

« Quoi qu’il en soit, avec mon passé, je suis probablement surveillé. Au port, il y a 5 000 caméras, la GRC, la Sûreté du Québec, les douanes qui sont présentes… on est encerclés par les policiers toute la semaine», souligne-t-il.

Les risques de « corruption »

En 2013 et 2014, deux travailleurs du port de Montréal qui entretenaient des liens étroits avec des personnes accusées d’un complot visant à importer 43 tonnes de haschich ont perdu leur habilitation de sécurité, nécessaire pour accéder aux installations portuaires critiques. Ils les ont récupérés après de longues contestations judiciaires.

Brenda Forget, une contrôleure portuaire de Montréal qui a perdu son accès en 2014, est la sœur de Brian Forget, un homme au lourd passé criminel associé au West Gang qui a été condamné à cinq ans de prison pour complot en vue de l’importation de drogue.

Elle figurait sur la liste des « personnes d’intérêt » dans les rapports de la GRC depuis 2005. Sa résidence avait déjà fait l’objet d’une perquisition parce qu’elle était soupçonnée d’avoir « fabriqué des documents nécessaires » pour voler des biens.

« Il existe des motifs raisonnables de soupçonner que vous pourriez vous trouver dans une situation où vous êtes susceptible d’être soudoyé pour commettre un acte. […] ce qui pourrait poser un risque pour la sécurité du transport maritime», a expliqué Transports Canada dans sa décision annonçant la suspension de son autorisation.

La décision a cependant été annulée par la Cour fédérale, qui a conclu qu’elle avait été rendue « sans faits perceptibles », au seul motif que « Mmoi Forget a un frère qui a un long casier judiciaire.

Lynn Teresa Neale, une employée du port chargée de rédiger les documents de camionnage permettant aux conteneurs d’entrer et de sortir du port, a également perdu son habilitation de sécurité en 2013, après que son partenaire a été arrêté dans la même opération visant un complot d’importation de haschich.

Mmoi Neale avait garanti la libération de son mari et l’avait accueilli chez elle en attendant son procès. Invoquant «des inquiétudes concernant son jugement et sa fiabilité», un sous-ministre adjoint de Transports Canada a statué que Mme.moi Neale était « dans une position risquant d’être suborné » pour commettre un acte criminel.

Les avocats de Mmoi Neale a fait valoir que le ministère l’avait rendue « coupable par association » et avait violé le principe sacré de la présomption d’innocence, mais la Cour ne s’est pas prononcée en sa faveur.

En 2018, l’épouse de Mmoi Neale a été complètement disculpée et la travailleuse a finalement gagné sa cause en arbitrage et a pu retrouver son habilitation de sécurité.

En 2020, le Tribunal fédéral a néanmoins estimé que les pouvoirs exceptionnels accordés au ministre des Transports, qui lui permettent d’annuler l’habilitation de sécurité sur la base de simples soupçons, sont nécessaires, « notamment contre les risques de sécurité provenant de l’« interne », tels que corruption, éléments subversifs internes et manipulation psychologique du personnel portuaire ».

 
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