Une sergente de la Sûreté du Québec fait actuellement l’objet d’une enquête criminelle pour parjure parce qu’elle aurait menti lors d’un procès, a appris notre Bureau d’enquête.
La policière Dany Lafleur est en difficulté depuis qu’elle a comparu en Cour supérieure à la fin de l’été 2020 pour témoigner dans le cas de Christian Lanthier, un proche des Hells Angels qui faisait alors face à huit chefs d’accusation. accusations de trafic de drogue et de possession d’armes à feu.
“Son témoignage est à la fois trouble, incongru et invraisemblable”, a insisté le juge Michel Pennou, dans son jugement [voir extraits ci-dessous].
En novembre 2017, le policier Lafleur et ses collègues se sont rendus au domicile de Lanthier, à Mascouche, pour effectuer une perquisition dans le cadre d’une enquête pour fraude. Une fois sur place, les limiers auraient pourtant détecté une odeur de cannabis.
Lanthier a alors produit un permis de Santé Canada, qui lui permettait de détenir du cannabis à des fins médicales, mais le sergent Lafleur a exprimé des doutes quant à la véracité de ce document.
Photo Agence QMI, Martin Alarie
Les policiers ont donc demandé et obtenu un télémandat afin de procéder immédiatement à une perquisition à la résidence.
Ils auraient déclaré au juge autorisant que le permis de Santé Canada semblait faux, sans autre explication, relate le jugement. Pourtant, celui-ci était authentique.
Lors de la perquisition, la police a découvert de la drogue, des armes à feu et des munitions, ce qui a donné lieu à des accusations criminelles.
Lors de son procès en 2020, Lanthier a attaqué la validité du mandat de perquisition en affirmant que la police avait induit en erreur le juge autorisant en suggérant que le permis de Santé Canada était faux.
La policière Lafleur a alors affirmé sous serment qu’elle avait fait des appels à Santé Canada pour s’assurer de la véracité du permis. Mais les journaux d’appels ne font état d’aucune communication avec l’agence fédérale, constate le juge Pennou.
“[Je] ne peut que conclure qu’une tentative a été faite pour inciter [le juge-autorisateur] par erreur», affirme le magistrat, qui a exclu toutes les preuves recueillies auprès de Lanthier lors de la perquisition.
Extraits de la décision du juge Michel Pennou sur le témoignage du policier Dany Lafleur
” [Le témoignage de Dany Lafleur] a tous les attributs d’un témoignage de complaisance. Il est donc difficile d’y croire. »
« Un tel comportement met en danger l’intégrité du système judiciaire. Ils sont des plus sérieux. »
« Cette façon de signaler les faits au juge d’autorisation représente une violation claire et grave du devoir bien établi qu’ont les policiers de faire preuve de franchise et de transparence. »
Sans preuve contre lui, Lanthier a finalement été acquitté dans cette affaire, en juillet 2021.
Pour la juge à la retraite Nicole Gibeault, le témoignage du policier est « affligeant ». ” C’est inacceptable. Nous n’attendons rien de moins que la vérité de la part d’une personne qui représente les forces de l’ordre », a-t-elle déclaré.
Déplacements administratifs
En juin dernier, Lanthier a intenté une poursuite civile contre le policier et ses collègues [voir texte ci-dessous] en plus de déposer une plainte à la Sûreté du Québec en février dernier. Selon nos informations, la police a consulté le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) afin de déterminer s’il y avait lieu d’ouvrir une enquête sur les agissements du policier.
” [Le DPCP] nous a demandé d’enquêter […] sur le parjure concernant [la sergente Lafleur]. Actuellement, je m’occupe de l’aspect criminel», écrivait fin août un lieutenant-enquêteur des normes de police, dans deux courriels adressés à Christian Lanthier que nous avons pu consulter.
Selon nos informations, le policier Dany Lafleur a depuis été affecté à des tâches administratives le temps de l’enquête.
Ni le DPCP ni la SQ n’ont souhaité commenter ce dossier.
Le trafiquant Christian Lanthier exige un demi-million de dollars de la police
Le trafiquant et ami proche des Hells Angels Christian Lanthier poursuit trois policiers de la Sûreté du Québec pour un demi-million de dollars pour avoir passé 712 jours derrière les barreaux, une détention qu’il considère « illégale ».
Christian Lanthier a déposé sa demande de deux pages au palais de justice de Joliette, le 29 juin.
Le plaignant soutient que les actions des policiers et ultimement du Procureur général du Québec (PGQ) – également visé par cette poursuite – l’ont conduit à être illégalement détenu du 21 décembre 2018 au 3 décembre 2020.
« Les accusés ont violé les droits constitutionnels du plaignant et induit le tribunal en erreur », a-t-il écrit.
Lanthier prétend que cette détention est directement attribuable à des preuves obtenues illégalement par les policiers lors d’une perquisition effectuée à son domicile en novembre 2017 (voir texte principal).
Il leur réclame 356 000 $ pour la durée de sa détention, ainsi que 200 000 $ de dommages exemplaires et de perte de revenus qu’il fixe à 200 000 $.
Pas la première poursuite
Christian Lanthier n’en est pas à son premier procès contre l’État. En 2020, il poursuit le PGQ pour près de 20 000 $. Il accuse la police d’avoir endommagé sa voiture Mercedes d’époque lors d’une perquisition. Aucune décision n’a encore été prise dans cette affaire.
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