“Aller vite”. Loin du temps de développement d’Ariane 6, Maiaspace, filiale d’Arianegroup, développe son mini lanceur spatial réutilisable qu’elle souhaite pouvoir lancer fin 2025 afin de se faire une place sur un marché en plein essor.
Dans la forêt de Vernon, en Normandie, un cylindre métallique de 14 mètres de haut préfigure l’étage supérieur de la future fusée. Neuf mois se sont écoulés entre la conception du prototype « Quasi-modo » et sa réalisation.
Les deux réservoirs superposés contenus dans le cylindre sont utilisés depuis juillet pour des tests de remplissage d’azote liquide à -196 degrés, avant de passer aux tests avec de l’oxygène liquide et du biométhane cryogénique qui le propulseront.
Avec la couche de givre qui se forme sur les parois et qui fait office d’isolant, “on s’est rendu compte qu’on pouvait se passer de protection thermique” sur la fusée, autant d’économies futures en temps et en argent lors de la fabrication, confie Jérôme Vila, le patron du programme, selon qui « c’est exactement le genre de choses que l’on veut apprendre dans une zone test ».
Dans quelques mois, « Quasi-modo » laissera la place à « Quasi-perfect », le deuxième prototype de l’étape, équipé cette fois de son moteur Prometheus pour les essais de tir. Une troisième version sera ensuite utilisée pour l’intégration à la scène principale pour les derniers essais au sol avant le tir inaugural.
Au total, Maiaspace prévoit de se lancer moins de quatre ans après le début du projet, quand sa grande sœur Ariane 6 ne volera que dix ans après le lancement du projet mené par la maison mère Arianegroup en 2014.
« Nous voulons aller vite car nous nous sommes lancés un peu après les autres acteurs et avoir un retour sur investissement rapide », confie Yohann Leroy, le patron de Maiaspace.
Les projets de micro et mini-lanceurs capables de mettre en orbite plusieurs centaines de kilos se multiplient pour tenter de conquérir une part de marché des 2 600 « smallsats », ces satellites de moins de 500 kilos, qui seront lancés chaque année au cours de la prochaine décennie, selon aux prévisions d’Euroconsult.
Il n’y aura de place sur le marché mondial que pour « 3 à 4 mini-lanceurs », estime-t-il. L’allemand Isar Aerospace annonce cette année un lancement inaugural de sa fusée Spectrum, tandis que l’Electron du néo-zélandais Rocket Lab est opérationnel depuis 2018.
Plus grosse que ses compagnes, Maia, la fusée Maiaspace, pourra emporter 1,5 tonne en orbite basse, 500 kilos si elle revient sur terre pour être réutilisée.
– De « Quasi-modo » à « Presque parfait » –
Cette flexibilité permettrait d’avoir “deux lanceurs pour le prix”, selon Yohann Leroy, selon qu’on le réutilise en récupérant ou non la scène principale.
Et la capacité de charge utile devrait s’améliorer avec le temps, la conception du lanceur permettant une plus grande charge utile. Mais pour aller vite Maiaspace ne prétend pas à la perfection immédiate.
« Cela permet de sécuriser le calendrier. Cette approche, consubstantielle à une méthode agile, réduit fortement les risques de retard », explique Yohann Leroy.
Maiaspace peut aussi compter sur la proximité de sa maison mère : à quelques mètres de « Quasi-modo », le moteur réutilisable Prometheus développé par Arianegroup est préparé pour les essais de tir, aux côtés des composants du démonstrateur d’étage réutilisable Themis également développé par Arianegroup.
Maiaspace concède « s’inspirer » de Themis pour l’étage principal de son lanceur qui utilisera trois moteurs Prometheus et un autre pour l’étage supérieur.
Ce soutien du géant spatial européen suscite les critiques des start-up qui développent leur propre mini-lanceur et jugent la concurrence faussée.
Avec Prometheus, Maiaspace évite des développements longs et coûteux. « Mais nous sommes clients de notre maison mère dans les conditions du marché, comme tout client potentiel », argumente Yohann Leroy.
Pour viser un à deux lancements mensuels en vitesse de croisière, la start-up prépare l’industrialisation de sa production dans une « Maia Factory ».
Pour l’instant, l’ancien hall d’assemblage du moteur Ariane 5 Vulcain sert d’atelier pour les éléments de la future fusée.
«C’est le prototype de l’usine», explique Jean-Michel Sannino, son directeur. “C’est la mentalité de SpaceX, l’usine est un produit comme les autres.”