Le martyre de Chantal résolu grâce à un mégot de cigarette

Le martyre de Chantal résolu grâce à un mégot de cigarette
Le martyre de Chantal résolu grâce à un mégot de cigarette

Pendant longtemps, l’affaire Chantal de Chillou est restée une affaire classée. Un martyr un peu oublié. Dix-neuf ans. Un corps jeté dans une clairière de la Drôme. Et puis, la solution est venue d’un mégot de cigarette. Un ADN et enfin une réponse. A partir de ce lundi 25 septembre, un homme, Raymond Toillet, aujourd’hui âgé de 58 ans, devra répondre devant la justice du meurtre précédé du viol de cette femme qui avait 55 ans lorsqu’elle a croisé son chemin en août 2001.

C’est le 2 août 2001 qu’un chasseur découvre le corps de cette femme à Chatuzange-le-Goubet. Il était 12h30 lorsqu’il a appelé la police. Dans une « clairière » du bois, comme le précise le dossier, ils ont découvert une scène très sombre : le corps mutilé d’une femme, le bas du corps dénudé, partiellement calciné. Elle est allongée sur le ventre. Il y a des traces de sang et de multiples marques de coups.

La police traite méticuleusement la scène du crime. Un mégot de cigarette situé à 30 cm du corps a été saisi. La victime n’a pas de papiers mais une petite annonce d’un journal relative à une machine à écrire permet de l’identifier. Cette femme torturée s’appelle Chantal de Chillou de Saint-Albert.

Un nom de particule qui sent la noblesse jusqu’à ce que les gendarmes découvrent qu’en réalité elle vit avec sa mère à Allauch (Bouches-du-Rhône) dans une maison qui n’a rien de commun avec un château et que ses seules ressources à l’époque étaient le minimum. le revenu d’insertion (RMI). Comment cette mère célibataire s’est-elle retrouvée dans ce bois de la Drôme ? La question résonnera longtemps dans l’esprit des enquêteurs.

Une offre d’emploi, un billet de train… et rien de plus

Pourtant, ils ont vite établi que Chantal de Chillou n’était pas là tout à fait par hasard. En recherche d’emploi, elle répond à une annonce pour un poste saisonnier de femme de ménage dans une colonie de vacances à Vars (Hautes-Alpes). Elle a pris le train depuis Marseille (Bouches-du-Rhône) le 1er août avec un changement à Valence (Drôme). Mais, dès son arrivée, plus de correspondance. Elle avait cherché un hôtel pour la nuit. Les ouvriers du chantier TGV l’avaient informée. Et puis plus rien.

En fouillant dans sa vie, les gendarmes ont vite découvert que son fils était incarcéré aux Baumettes, à Marseille. Un garçon un peu perdu qui va lui-même les mettre sur la trace de malfrats qui auraient pu s’en prendre à sa mère. Mauvais chemin. Les enquêteurs s’accrochent à leur scène de crime, à ce mégot de cigarette, à ces traces de pneus dont ils font un moulage, un morceau de custode de voiture. Ils interrogent les chasseurs des environs, tentent de reconstituer le planning des dernières heures de Chantal de Chillou, mais tombent forcément sur un écart de plusieurs heures entre son arrivée à la gare et cette clairière.

Dans la hiérarchie de leurs hypothèses, ils finissent par privilégier le chiffre 6 : celui d’une mauvaise rencontre. Une conclusion qui sonne comme un échec. Le 6 décembre 2012, onze ans après la découverte du corps de Chantal de Chillou, l’affaire est close par un non-lieu. Un sommeil qui durera sept ans.

En 2019, une trace ADN qui « fait basculer »

En 2019, le procureur et les gendarmes sortent le dossier des archives et exhument une lettre anonyme reçue par les enquêteurs en 2002. L’éditeur évoque une dispute le 1er août 2001 sur un rond-point entre une femme ressemblant au portrait de la victime et un homme conduisant une Renault blanche. La piste peut paraître mince des années plus tard mais elle permet de rouvrir le dossier et, surtout, de faire ressortir les sceaux de l’époque.

Tout est revu. Passé au tamis de la science, qui a progressé. Et la lumière viendra de ce mégot de cigarette sur lequel a été prélevé un ADN qui ne porte jusqu’à présent qu’un numéro tant qu’il est anonyme : 340000780000. Douze numéros qui soudain « basculent » dans la génétique du Fichier National Automatisé d’Empreintes Digitales (FNAEG). Douze numéros qui donnent un nom : Raymond Toouillet. Un homme fiché pour faits de violences, qui travaillait à l’époque dans le secteur des meurtres et dont l’enquête menée auprès de son entourage dresse un portrait aussi lugubre que la scène du crime : alcoolique, impulsif et violent, notamment envers les femmes.

Le 3 juin 2020, les gendarmes le placent en garde à vue. Il a rapidement confirmé qu’il travaillait et vivait en août 2001 dans la région, y compris dans la commune où le corps a été découvert et où il allait « braconner ». Les gendarmes poussent leurs pions : l’ADN sur le mégot de cigarette retrouvé à 30 cm du corps ? “Cela veut dire que j’étais définitivement là”, répond-il. Puis, plus loin, parlant de Chantal, dont il a oublié le prénom, il dit : « Je me souviens qu’on s’est disputé et c’est tout. »

Les auditions s’éternisent. Il reconnaît une relation sexuelle « consensuelle » avec la victime puis lâche en guise d’aveu : « Oui, j’ai été impliqué dans sa mort mais je n’ai jamais voulu la tuer. »

Un suspect qualifié de « dangereux sur le plan criminologique »

Raymond Touillet n’ira pas plus loin tout au long de l’enquête, revenant même sur ses premières déclarations, évoquant sa rencontre avec Chantal de Chillou dans un bar où elle était arrivée avec ses valises, mais sans plus. Ni les coups, ni les tueries sordides dans la clairière. L’enquête sur l’entourage de Toouillet permettra de connaître le profil inquiétant de cet homme pétri d’alcoolisme et de tabagisme depuis des années : deux de ses proches, sa sœur et une de ses belles-filles, dénonceront même des faits de viol et d’agression sexuelle pour lequel il sera également jugé. Ce que les experts en psychologie résument en deux mots : « dangerosité criminologique ».

Une rencontre dangereuse un soir d’été de Chantal de Chillou dans un village de la Drôme. « Le procès qui s’ouvre permet enfin à la famille De Chillou d’espérer une issue à ces années d’incertitude et d’angoisse. Le frère du défunt est décédé sans connaître l’assassin de sa sœur. Sa veuve et son fils porteront également sa voix», commente Fabien Bousquet, avocat de la famille. Sans un mégot de cigarette et la persévérance des enquêteurs, ce dossier serait resté une affaire froide.

 
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