- Ce lundi, la famille de Philippe Monguillot, le chauffeur de bus mortellement battu à Bayonne le 5 juillet 2020, s’est exprimée devant la cour d’assises de Pau.
- Wyssem Manai et Maxime Guyennon y sont jugés depuis vendredi et jusqu’à jeudi pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la provoquer.
- La veuve et ses trois filles ont parlé d’une vie de famille « heureuse et simple » et ont raconté la difficulté de vivre après cette perte brutale.
En fin de journée ce lundi, après les conclusions froides et objectives des experts en médecine légale et toxicologie, la parole est donnée à la famille de la victime, Philippe Monguillot, le chauffeur de bus qui a été mortellement agressé par deux jeunes hommes en juillet. 5 2020 à Bayonne. A la barre, ses « quatre filles », comme il aimait les appeler, oscillaient entre souvenirs heureux et douleur encore profonde. Le chauffeur du bus a été grièvement tabassé après une altercation sur fond de refus de porter un masque, il est tombé lourdement après un dernier coup de poing et a succombé à ses blessures cinq jours plus tard.
Wyssem Manai et Maxime Guyennon sont jugés depuis vendredi et jusqu’à jeudi devant la cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la provoquer.
“Ma force, ce sont mes trois princesses”
Véronique, l’épouse de la victime, est la première à comparaître. En robe à fleurs, la quinquagénaire parle d’une voix tremblante de sa rencontre avec celui qui deviendra son mari et de leur vie de famille « simple et heureuse » avec leurs trois filles. On sent dans sa voix le plaisir d’évoquer les souvenirs de cet être cher : « Il était beau, il était à moi », raconte-t-elle. Ils allaient fêter leur 28e anniversaire de mariage le 26 octobre 2020. Une date si importante pour elle qu’elle se le fait tatouer depuis le drame sur son poignet, au-dessus de deux mains s’enlaçant. La veille de l’attentat, ils avaient célébré ensemble, dans un restaurant, la fin d’une procédure de huit ans liée à des défectuosités du lotissement où se situe leur maison. « Dans un an, je serai à la retraite et nous achèterons un camping-car pour partir en voyage », lui avait-il alors annoncé, raconte Véronique Monguillot, ravie de cette perspective.
« Depuis qu’il n’est plus là, c’est un calvaire quotidien. Je le cherche, dit la veuve avec tension. Je ne fais plus rien de ma vie, c’est la survie. » Elle dit qu’elle oublie d’éteindre sa cigarette avant de la mettre à la poubelle ou qu’elle laisse son portefeuille à la maison et s’en rend compte au magasin, elle n’arrive plus à se concentrer. À tel point que le médecin l’a déclarée inapte au travail après ce traumatisme. Elle a été suivie par un psychologue pendant deux ans et demi et la contacte toujours pour des séances à distance, si nécessaire. Sinon, elle confie être allée « crier et pleurer dans la forêt », celle où ils allaient se promener ensemble. «Ma force, ce sont mes trois filles, mes trois princesses», se souvient-elle.
Chacun d’eux voulait placer une feuille de notes devant ses yeux au bar. L’aînée, Mélanie, 27 ans, est esthéticienne et dresse le portrait d’un papa « toujours juste » qui transmettait des valeurs. Elle refuse le soutien psychologique, pensant qu’il vaut mieux s’en sortir seule. Pour s’en sortir, elle part « faire des randonnées quand ça ne va pas ».
---« La souffrance de ma mère et de mes sœurs me terrifie »
Manon, étudiante de 24 ans, salue le « soutien inconditionnel » de ses parents pour ses choix et ceux de ses sœurs. Elle décrit un deuil très difficile, qualifié de « pathologique » par un professionnel. « J’ai fait beaucoup de cauchemars, j’avais des idées noires », a-t-elle déclaré à la Cour. J’ai toujours vu les images de papa dans le cercueil. Elle parle aussi de la difficulté de continuer à avoir une vie sociale. « Je me retire trop, j’ai perdu beaucoup d’amis », estime la jeune fille. Chacun de nous souffre et on se dit du mal… La souffrance de ma mère et de mes sœurs me terrifie. »
Marie, 21 ans, est la sportive de la famille. Elle annonce fièrement qu’elle va signer un CDI dans une entreprise de sport. « Il regardait ce que nous faisions en classe, tout en nous faisant confiance », se souvient-elle. Tant que nous faisions quelque chose que nous aimions, il nous soutenait. » Il lui a offert une planche de surf sur laquelle elle est fière de se tenir désormais. Le jour du drame, elle a rencontré son père dans une gare routière vers 18h30, peu avant l’attaque qui a eu lieu vers 19 heures. « Je fais mon dernier voyage et je reviens », lui a-t-il dit.
Lors des aveux de cette famille, qui a tenu à montrer quelques instants Philippe Monguillot vivant aux yeux de la Cour, les deux accusés ont gardé la tête baissée.
Elsa Provenzano