En Formule 1 plus qu’ailleurs, le fond (plat), c’est la forme. Mais comment fonctionne le soubassement d’une monoplace de Grand Prix actuelle ? La contre-performance de Red Bull à Singapour le week-end dernier s’explique-t-elle par la nouvelle directive technique de la FIA limitant la flexibilité de ces éléments ?
PARCOURS COMPLET
Si les F1 tournent à plein régime, c’est grâce à lui.
On le dit souvent, mais le fond plat est bel et bien la partie la plus importante d’une voiture de Formule 1 actuelle, comme le confirme Andrea Stella, actuel directeur de l’équipe McLaren et ingénieur de formation :
« Dans cette génération de F1, la plupart de ce qui crée la performance n’est pas visible et se trouve sous la voiture. Si vous regardez sous le châssis, vous verrez des couloirs, des chicanes verticales, des appendices en bordure, qui jouent tous un rôle important.
« Ces voies et ces déflecteurs fonctionnent ensemble. On ne pouvait pas dire : ‘Hé, j’ai vu des couloirs intéressants sur une autre voiture, je vais les copier.’ Vous devez comprendre le flux d’air sous la voiture en trois dimensions.
« Cette complexité explique pourquoi il ne suffit pas d’avoir abordé le bon concept de base pour aller vite. Les formes doivent également être extrêmement précises : c’est une question de millimètres ici et là. Les ailettes et les découpes sur le bord du fond plat, par exemple, produisent de petits tourbillons : là, quelques millimètres de plus ou de moins font une énorme différence.
« Il faut donc multiplier les itérations en soufflerie pour trouver les bons volumes. »
Regardons donc sous une F1 2023, la Mercedes W14 en l’occurrence, pour comprendre comment fonctionne un fond plat actuel. Les principes restent les mêmes que pour le fond plat avant 2022, mais les moyens utilisés sont complètement différents.
DÉLAVAGE
Sur cette image prise lors du Grand Prix de Monaco, on peut mesurer la complexité des flux d’air circulant sous la voiture.
LE flèches jaunes ci-dessus représentent le flux d’air qui est dirigé vers les côtés par les déflecteurs latéraux installés à l’entrée du soubassement. Ces déflecteurs, qui créent des couloirs, fonctionnent comme les anciens « bargeboards » et guident une partie du flux d’air vers l’extérieur (ce qu’on appelle en anglais « outwash »).
Leur mission est de produire un flux énergétique qui entraîne les turbulences provoquées par la rotation des roues avant. Pour simplifier, ces déflecteurs agissent donc comme une sorte de sèche-cheveux, qui, en soufflant, chasse du fond plat les turbulences produites dans le sillage des roues avant (sans eux, ces turbulences s’infiltreraient sous le fond plat et le perturberaient). ). opération).
FOND PLAT = TUBE VENTURI
Quant à flèches bleues (ci-dessus), ils matérialisent le flux d’air qui va produire un appui au sens strict. Il ne s’agit pas d’un flux qui est dévié, mais d’un flux qui va traverser des volumes différents et donc à des vitesses différentes.
L’air passe le long du séparateur (qui se trouve sous les pieds du pilote), s’infiltre par le couloir le plus intérieur et s’écoule vers le diffuseur.
Sur cette trajectoire, la force d’appui sera créée par la façon dont le flux d’air traverse des sections de différentes hauteurs.
En effet, le fond plat et le diffuseur d’une voiture de Formule 1 se comportent comme une sorte de tube Venturi (ou demi-tube) en contractant l’air sous la voiture et en le dilatant à l’arrière, en trois étapes :
---(1) Le flux d’air pénètre sous la voiture par une section convergente, de plus en plus étroite : c’est le bord d’attaque du fond plat.
(2) Puis, à mesure que le débit du fluide augmente et que le diamètre diminue, la vitesse d’écoulement augmente tandis que simultanément, la pression diminue : une dépression se produit sous le fond plat, qui est comme aspirée.
(3) Très bien. Mais ce flux doit ensuite être ralenti de manière contrôlée (afin d’éviter les risques de décollement) pour le ramener au niveau de pression ambiante. C’est le rôle du diffuseur qui dilate l’air et le ralentit progressivement.
Sur les anciennes monoplaces, le tube avait une entrée minuscule et une sortie de taille moyenne (le diffuseur). Sur les F1 développées depuis 2022, l’ensemble formé par le bord d’attaque, le fond plat et le diffuseur ressemble beaucoup plus clairement à un tube Venturi. L’entrée est beaucoup plus grande et subdivisée en plusieurs petits couloirs, tandis que la sortie est agrandie et surélevée.

COMME DES JUPES
LE Flèches rouges (ci-dessus) indiquent le flux d’air à haute pression (venant du dessus du fond plat) qui s’écoule à travers une encoche pratiquée au bord de la base.
En coupant le fond plat, les aérodynamiciens soufflent de l’air à haute pression vers l’extérieur pour créer une sorte de barrière empêchant l’air à haute pression de s’infiltrer.
En fait, la dépression créée sous la voiture aspire naturellement de l’air à haute pression. Il faut donc trouver des solutions, puisque les jupes (qui fermaient les côtés du fond plat dans les années 1980) sont aujourd’hui interdites.

« JET DE PNEU »
Finalement, le flèches vertes (ci-dessus) indiquent le flux d’air produit pour gérer les turbulences causées par la rotation de la roue arrière.
Cet air sale (« jet de pneu ») ne gêne plus autant qu’avant puisque les bords du diffuseur sont fermés par des parois verticales descendant assez bas.
Cependant, il doit être contrôlé, et c’est précisément le rôle de cette section incurvée du fond plat, qui travaille en sympathie avec les ailettes situées à l’intérieur de la roue (qui produisent elles-mêmes une charge sur la roue). surface de contact du pneumatique).

FOND PLAT : FINesse AÉRODYNAMIQUE
Le bon fonctionnement du fond plat n’est pas automatique, dans la mesure où une série de phénomènes (turbulences liées à la rotation des roues, tentatives d’intrusion d’air sous haute pression, etc.) perturbent son fonctionnement. Comme nous l’avons vu, les aérodynamiciens tentent de contrer ces perturbations en toutes sortes de moyens.
Pour conclure, il faut garder à l’esprit que le fond plat ne fonctionne pas comme un élément isolé. Comme nous l’avons expliqué dans notre dossier dédié au diffuseur, fond plat et extracteur forment un système qui fonctionne comme un tube Venturi pour créer un support sous la voiture en contractant l’air sous la voiture et en l’étendant vers l’arrière.
Avec le diffuseur, le fond plat génère environ 60 % de l’appui de la F1, produisant seulement 10 % de sa traînée totale.
Elément aérodynamique le plus efficace en termes de finesse (c’est à dire de rapport charge/traînée), le fond plat permet aux voitures de Grand Prix d’aller fort.