Elle l’a répété à de nombreuses reprises, tant lors de son procès en première instance que devant la Cour d’appel de Bruxelles : Lin (ce n’est pas son vrai nom) ne voulait pas faire de mal à son petit garçon, Tom (prénom d’emprunt). Ses intentions étaient louables, a-t-elle plaidé. Sans succès.
Le jugement pénal est confirmé : cette mère d’une quarantaine d’années est condamnée à deux ans de prison, dont trois ans avec sursis. Elle était coupable d’avoir privé de nourriture et de soins son enfant, dont la garde lui avait également été retirée. Le jeune homme vit désormais aux Etats-Unis, avec son papa, Etienne (pseudonyme).
Lait maternel et petites soupes
Tout commence en 2018. Etienne, professeur de mathématiques dans une grande université américaine, souhaite rendre visite à ses parents en Belgique. Il fait le déplacement avec sa petite famille. A Bruxelles, le papa d’Etienne est inquiet : son petit-fils ne semble pas en grande forme. Il le trouve anormalement maigre et insiste pour que l’enfant soit transporté au plus vite aux urgences. Lin, la mère, refuse. Elle explique.
S’il paraît pâle, le petit n’est pas en mauvaise santé, assure-t-elle. Cela pourrait s’expliquer par le fait que Tom est nourri exclusivement au lait maternel. En dehors de l’allaitement, il ne reçoit rien, sauf des petites soupes d’Oméga 3 que l’enfant suce dans de petites pipettes. Un régime strict, mais sain et préparé dans l’intérêt du petit, justifie la maman. Mais le grand-père insiste : Tom ne va pas bien. Sans plus attendre, ils se sont dirigés vers les cliniques universitaires Saint-Luc.
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Sur place, les médecins sont clairs : le pronostic vital de Tom est compromis. Il est dans un état de malnutrition sévère, son poids est inférieur à celui d’un enfant de six mois. Il sera soigné en urgence, mais un an d’hospitalisation sera nécessaire pour le sortir du pétrin. Cela comprend une rééducation de la mâchoire (qu’il ne sait pas utiliser puisqu’il n’a jamais mâché d’aliments solides), ainsi qu’un suivi psychologique pour réduire les séquelles sur sa santé mentale.
---Au cours de ce long processus de guérison de l’enfant Lin, la mère est interrogée d’abord par la police, puis par des experts psychiatres. Ces dernières sont claires : la mère ne souffre pas de troubles mentaux, sa capacité de discernement est complète et elle ne représente pas un danger social global. Mais – même si elle défend d’agir avec gentillesse – elle représente un danger pour son enfant. Elle sera donc poursuivie puis condamnée.
Et le papa ?
Par souci de justice, Lin est coupable de ne pas avoir volontairement nourri et pris soin de son enfant. Pour cela, elle s’est appuyée sur ses propres recherches, sans jamais consulter un médecin, ni pour un avis médical, ni pour la moindre consultation. On apprend également que Tom n’a reçu aucun vaccin depuis sa naissance. Ici aussi, c’est une décision prise par la mère, dit-elle, dans le meilleur intérêt de l’enfant.
Une série d’éléments qui auraient pu avoir de graves conséquences pour Tom et qui n’ont pas permis à Lin d’échapper à une condamnation. Si la peine n’a pas été alourdie en appel, le tribunal s’est montré assez sévère dans les détails du jugement, soulignant la gravité de la situation, notamment de la part d’une mère qui doit avant tout protéger son enfant. Si Lin a échappé à une peine plus lourde, c’est en raison de l’ancienneté des faits, et d’une forme d’introspection de sa part, certainement »limité» mais qui donne l’impression que, peut-être, elle a compris qu’il n’était plus nécessaire de répéter la chose.
Dans sa plaidoirie, Maître Catherine Toussaint, défenseur de Lin, a mis en avant un élément qui n’a cependant pas été retenu par les tribunaux : le fait que le père de l’enfant soit considéré partie civile, alors qu’il devrait être considéré également responsable du sort de Tom et de son dégradation. Mais le tribunal a jugé que c’était la mère de l’enfant, seule, qui avait décidé de ne pas nourrir son enfant sur la base de ses propres réflexions, elles aussi menées seules.
En sortant de la salle d’audience, Lin (qui ne parle pas français) semblait complètement décontenancée. Seule en Belgique, elle était là alors que la procédure judiciaire se terminait. C’est le cas, mais elle s’estime lésée par ce jugement. “Ce n’est pas de l’abus, c’est par amour que j’ai fait tout ça», a-t-elle répété. Elle envisage de saisir la Cour de cassation et même de porter l’affaire devant la justice européenne.