CONTRECette rencontre tenue en présence de plusieurs experts et professionnels a été l’occasion de lancer le débat sur les différents enjeux et politiques liés à l’amélioration du secteur de l’éducation, notamment les nouvelles méthodes d’enseignement et d’apprentissage, la technologie et l’innovation.
Le colloque marquait son départ par une série de présentations sur les grands enjeux de la conquête de l’esprit scientifique à l’école, les freins à la lecture, ou encore l’apport de l’intelligence artificielle à l’école ainsi que les menaces et dangers que cette technologie peut représenter.
Dans son propos d’ouverture, Alain Bentolila, linguiste, président fondateur du Centre international de formation et de recherche en éducation de l’Université Paris Cité et président du colloque, a d’abord mis en lumière les apprentissages à l’ère du numérique.
« Aujourd’hui plus que jamais, nous devons établir et maintenir la distance nécessaire entre savoir et apprendre, notamment parce que le monde dans lequel nous vivons, ce monde des réseaux sociaux, célèbre la complicité plutôt qu’il n’explique les différences. Elle invite très peu au dialogue et a tendance à nous enfermer dans un autre moi imbécile, dont nous ne sortons pas ».
Lire, oui, mais sur place
De plus, Bentolila a parlé du détachement de certains enfants de la lecture. “On pense souvent que si certains enfants ne lisent pas c’est qu’ils n’ont aucune curiosité et aucune envie de savoir lire, ce qui est totalement faux”. Et d’expliquer : « En effet, la plupart des enfants qui refusent de lire ne veulent pas prendre le temps d’apprendre à lire, ils veulent plutôt lire tout de suite. Toute attente posée par l’apprentissage les paralyse et peut les envoyer dans une colère paralysante. Ces enfants, qu’on déplore pour leur manque d’intérêt pour la lecture, brûlent de savoir. Ils sont prêts à faire beaucoup pour y arriver, sauf à faire l’effort de construire leur propre sens à partir des choix faits par un autre.
---Dans le même ordre d’idées, Yves Quéré, vice-président de l’Académie des sciences de Paris, a précisé que les enfants sont naturellement curieux et que les écoles doivent gérer au mieux cette curiosité. « Les enfants sont curieux, ne serait-ce qu’à cause des “pourquoi” qu’ils demandent à leurs parents, et l’école doit satisfaire cette curiosité. Ainsi, l’enfant doit être tendu vers la vérité. En effet, nous distinguons deux catégories de vérités. D’abord l’évidence, puis la vérité que nous ne connaissons pas et que nous devons chercher toute notre vie. Étant dans un monde de plus en plus envahi par les fake news, il est essentiel d’apprendre aux enfants à rechercher cette vérité », insiste-t-il.
De son côté, Serge Boimare, directeur pédagogique et administratif du Centre médico-psychologique Claude Bernard à Paris et enseignant-chercheur au Centre international de formation et d’outils pour enseignants (CIFODEM), a souligné les deux principales raisons qui font qu’une activité évolutive, telle que la lecture ou l’écriture, vécue par certains enfants comme un danger.
« La première raison pour expliquer ce dérapage est que l’équilibre psychologique des enfants est menacé par les trois contraintes majeures des apprentissages. Il s’agit d’abord de reconnaître ses lacunes, puis de savoir attendre et enfin de respecter des règles précises. Cela s’avère mission impossible pour des enfants qui arrivent à l’école en ayant construit leur équilibre psychique sur des idées de complétude, sur un besoin d’immédiateté et dans un environnement qui ne les a pas préparés à être confrontés aux grandes règles de la vie ». Selon l’expert, ces contraintes dans les apprentissages provoquent chez certains enfants des flambées de sentiments parasites, de peurs et d’émotions excessives qui infiltrent leur fonctionnement intellectuel et pervertissent très vite l’objet d’apprentissage.
Concernant la deuxième raison de ce déséquilibre, Boimare note qu’il s’agit du fait d’appartenir à un monde « trop faible ou trop chaotique pour atténuer ou gérer les effets de cette déstabilisation. Dans ce cas, les peurs et les émotions excessives se transforment rapidement en troubles d’apprentissage et/ou de comportement.
A noter qu’outre les conférences, ce colloque a été marqué par l’organisation de plusieurs ateliers approfondis en lien avec les différentes thématiques abordées par les différents intervenants.