Peintures, sculptures ou tapisseries : le Palais des Nations à Genève regorge d’œuvres d’art. Ce patrimoine, souvent très politique, fait l’objet d’une attention particulière, alors que le siège européen des Nations unies est pris dans un gigantesque chantier de rénovation.
La rénovation du Palais des Nations à Genève, construit entre 1929 et 1936, bat son plein. Derrière ses murs se cachent environ 1 500 trésors artistiques qu’il faut protéger le temps des travaux.
« On peut sortir beaucoup d’œuvres pour les stocker ailleurs », explique Andrea Hoffmann Dobrynski, la gardienne de ce patrimoine, dans l’émission RTS Couleurs locales. “Cela se complique pour les ouvrages destinés aux pièces, qui font partie intégrante du décor.”
Par exemple, le tableau du Genevois Maurice Barraud, « L’embarcation », pièce maîtresse d’une des 34 salles de conférence du Palais des Nations. « Nous les protégeons avec un matériau comme le Gore-Tex qui laisse passer l’air. Avec l’œuvre, il faut faire très attention aux changements de température, qui peuvent créer de la condensation, des chocs et des vibrations », décrit la conservatrice. et restaurateur.
« L’embarcation » du peintre genevois Maurice Barraud. [RTS]
Protéger les ouvrages sur site
Depuis 2017, une grande partie des travaux réalisés dans les bâtiments historiques sont de nature technique et informatique : amélioration de l’efficacité énergétique, accessibilité des personnes à mobilité réduite et installation d’écrans supplémentaires pour faciliter le travail à distance notamment. « Lors de l’installation du système vidéo, nous avons essayé de préserver les boiseries, en ne perçant pas de trous inutilement », explique-t-elle.
Les murs, chargés d’histoire, n’ont cependant pas été touchés. Dans le Hall III, les tapisseries de la manufacture Wit en Belgique n’ont pas bougé depuis la construction du Palais des Nations. Pour Andrea Hoffmann Dobrynski, l’œuvre est un parfait exemple de la « monumentalité » du bâtiment.
---Un détail d’une des deux tapisseries de la manufacture Wit en Belgique. [RTS]
dons politiques
Lors de sa construction, les États membres avaient le projet de faire du Palais de la Société des Nations, l’ancêtre de l’ONU, un “Versailles laïque”, raconte Federica Martini, co-auteur deune étude sur l’aménagement intérieur du Palais des Nations. Ainsi, les œuvres et le mobilier – des meilleurs fabricants internationaux – ont été offerts par les États membres.
Des dons qui n’étaient pas désintéressés. «Les pays ont vite compris qu’il ne s’agissait pas seulement d’offrir quelque chose, mais de se présenter sur une scène prestigieuse», indique le professeur à la Haute école d’art et de design de Genève.
Cependant, les dons ont été dissimulés dès l’inauguration du bâtiment. « C’est le cas d’une tapisserie offerte par l’Autriche. Pour le secrétaire délégué turc, il était impossible de négocier dans une salle où l’Empire ottoman était “insulté”. Le mur construit pour accueillir l’ouvrage de huit mètres est donc resté vide. Les cadeaux sont aussi le reflet de la “géopolitique asymétrique” de l’époque, explique Federica Martini.
Estimée à 836,5 millions de francs, la rénovation du Palais des Nations devrait s’achever en 2025.
>> Écoutez l’interview de Federica Martini dans Forum :
Guillaume Matinez/vajo