Jamais vu ! A la sortie de l’hiver, les barrages des Pyrénées-Orientales affichent un niveau historiquement bas. Pour aggraver les choses, le l’enneigement est particulièrement faible en montagne : il ne permettra pas de reconstituer les réserves avant l’été. Seules des pluies importantes au printemps permettraient d’éviter des conséquences catastrophiques. Vue d’ensemble des barrages des Pyrénées-Orientales.
Barrage de l’Agly : priorité à l’eau potable
Un simple regard suffit pour mesurer le déficit hydrique du seul barrage de la vallée de l’Agly. Depuis mai 2022, le niveau baisse continuellement, semaine après semaine. Actuellement, le plan d’eau ne compte que 8,8 millions de mètres cubes d’eau, moitié moins que d’habitude dans cette période. Chaque année, l’ouvrage est censé se remplir durant l’hiver, pour atteindre son niveau maximum fin avril (soit 27,5 millions de m3). Seul un épisode de pluie très soutenu permettrait de rattraper le retard.
Attendre, toute irrigation est arrêtée en aval du barrage. La priorité est de conserver suffisamment d’eau pour assurer l’approvisionnement alimentaire au cours des prochains mois. eau potable des communes de Belesta et Cassagnes, et accessoirement de Latour de France, Rasiguères, Montner et Estagel.
Ne pouvant irriguer avec l’eau du barrage, les viticulteurs, maraîchers et abricotiers n’ont d’autre solution que d’utiliser leurs forages. Cela ne fait qu’aggraver la situation des eaux souterraines, déjà sous haute tension. Une terrible épée de Damoclès plane sur la Salanque : si le niveau de la nappe phréatique baisse trop, l’eau de mer peut s’infiltrer et saliniser l’eau potable
. Ce serait une catastrophe aux conséquences irréversibles.
Barrage des Bouillouses : une retenue quasi à sec
Considéré comme le “château d’eau” de la Plaine du Roussillon et du Conflent, le barrage des Bouillouses, à 2 000 mètres d’altitude, affiche en fin d’hiver le niveau le plus bas de son histoire. D’après les calculs, lorsque le peu de neige aura fondu sur les pentes environnantes, le plan d’eau ne sera rempli qu’à 20% de sa capacité.
Le niveau a tellement baissé que la Shem (la Compagnie hydroélectrique du Sud), qui gère les installations, a dû arrêter la production d’électricité début mars, avec un mois d’avance sur le calendrier habituel.
Barrage de Vinça : l’angoisse des arboriculteurs
Comme le barrage de l’Agly, le barrage de Vinça est censé se remplir au printemps, à la fonte des neiges, pour atteindre 24,5 millions de mètres cubes en juin. Pour l’instant, le remplissage du barrage est en retard (6,35 millions au lieu de 13). Et comme il n’y a déjà quasiment plus de neige dans les montagnes catalanes, seules de fortes pluies pourraient encore limiter la casse.
En attendant, les agriculteurs du Conflent et du Roussillon se sont mis d’accord pour créer restrictions d’irrigation exceptionnellement strictes. L’objectif est de conserver autant d’eau que possible pour plus tard dans la saison. Mais s’il ne pleut pas, le stock sera largement insuffisant pour survivre à l’été, et les conséquences seront dramatiques, notamment sur les vergers de pêches et de nectarines qui font la fierté (et les métiers) du Ribéral.
Réservoir de Villeneuve-de-la-Raho : baignade interdite ?
Depuis plusieurs mois, le niveau du lac de Villeneuve-de-la-Raho ne cesse de baisser : le canal de Perpignan, qui l’alimente depuis la Têt, est à sec. A ce jour, il ne reste plus que 6,2 millions de mètres cubes utiles, pour une capacité de 17,5.
La priorité absolue sera donnée dans les mois à venir à irrigation des cultures maraîchères, au détriment d’autres usages comme le tourisme. Mais depuis une semaine, les agriculteurs ont pour consigne de diviser par trois les prélèvements au lac (60 litres/seconde maximum, au lieu de 160 litres/seconde). Sans ces restrictions, le lac serait vidé avant la fin de l’été.
Déjà, les pompiers ont été prévenus qu’ils ne pourraient probablement pas ne remplissent pas leurs canadairs dans le lac l’été prochain car le niveau est trop bas. Ils devront donc se rabattre sur la mer, qui risque parfois de perdre de précieuses minutes.
Une question encore sans réponse : la baignade sera-t-elle possible l’été prochain ? La baisse du niveau entraînera un réchauffement plus rapide de l’eau et pourrait favoriser la prolifération d’algues et de bactéries.
Lacs de Puyvalador, Matemale, Lanoux…
La situation n’est pas meilleure dans les autres grands barrages des Pyrénées-Orientales. Mais l’impact sur le territoire sera moins fort. Plus grand lac des Pyrénées françaises, le Lanoux se jette dans le Carol puis dans le Sègre, rivière de Catalogne. Quant aux lacs de Matemale et de Puyvalador, ils sont situés dans le bassin versant de l’Aude.