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le retour de l’irrésistible Jean Echenoz est un hommage loufoque au cinéma

Ecrivain du mouvement, Jean Echenoz n’a pas son pareil pour mener une intrigue sans avoir l’air d’y toucher, s’amusant avec les codes du policier et du récit d’aventures dans ce style inimitable et virtuose qui lui a valu tant d’honneurs depuis son premier roman. , Le méridien de Greenwich en 1980, dont le Prix Médicis pour Cherokee en 1983 et Goncourt pour je pars en 1999, le tout publié aux Editions de Minuit.

Chez Jean Echenoz, la page comme un écran de cinéma

De la série noire à la série B

Ici, même le protagoniste semble désintéressé par l’intrigue. Robert Bristol, qui donne son nom au titre, n’a rien vu ni entendu de la chute alors qu’il quittait l’immeuble de la rue des Eaux. Ou il a mieux à faire, en plus il a “J’ai déjà vu beaucoup de morts dans beaucoup de films, y compris ceux qu’il a tournés”plusieurs fictions de genres variés et au succès très relatif. La véritable chute est sans doute la sienne, mais avant cela il a rendez-vous pour porter à l’écran un livre de Marjorie des Marais, la célèbre « femme aux trois cents best-sellers ». Une fois réglé les négociations qui verront la jeune actrice Céleste Oppen préférée aux bien plus bancable Nadia Saint-Clair, l’adaptation emmènera le lecteur en Afrique australe. On croisera, entre autres rôles secondaires, un beau gosse nommé Jacky Pasternac qui “ce serait assez facile à décrire mais nous ne voulons pas vraiment le décrire” ; le commandant cinéphile d’un groupe rebelle du Botswana ; ou un éléphant qui se révèle être un excellent acteur.

On passe à autre chose et de la Série Noire voici Jean Echenoz rendu en série B complète, ce qui n’est certainement pas un hasard puisque l’auteur est devenu maître des techniques narratives empruntées au cinéma, des changements d’échelle et de focale, des plans séquences, des off- écran et coupes fendre un menhir.

Jean Echenoz, Écriture

Un grand styliste

Discret hommage au septième art, Bristol évoque le cinéma populaire des années soixante-dix (impossible de ne pas penser Magnifique de Philippe de Broca) comme Werner Fassbinder et ses contemporains allemands (sujet d’une tirade mémorable du commandant Parker), entre autres références plus ou moins explicites comme Bernardo Bertolucci, Chantal Ackerman, Billy Wilder.

De ce dernier, Echenoz a un sens du rythme, un humour imparable et une légèreté extraordinaire. Son orfèvrerie de haute précision lexicale (allez-y et laissez-moi vous en envoyer “melliflu”de la“infrutescence” un toi “malafoutier”) et son immense talent de styliste (et allez-y, laissez-moi vous zeugme, vous oxymorer et vous anacolyte), sans oublier d’inclure ici un alexandrin, là un commentaire sur ses propres démarches (“préférons l’ellipse à l’hypotypose”) et des faiblesses alléguées (“un professionnel saurait très bien le faire, mais quand on n’est qu’un amateur”), voler si haut qu’on perd parfois toute sensation de gravité.

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Le risque, au petit jeu de se moquer de sa propre intrigue – au point parfois “regret[r] un peu que ça frise le pantalon”note même l’enquêteur Claveau – est d’éteindre le lecteur. A ce titre, ce n’est peut-être pas le plus grand Echenoz que nous ayons lu, mais Bristol reste un délice de choix.

Bristol | Roman | Jean Échenoz Minuit, 208 pp., 19 €, numérique 14 €

Extrait

« Très joli, répète Claveau en désignant le futon, je me suis toujours demandé s’il était vraiment confortable. Voulez-vous l’essayer? » propose Michèle en s’asseyant dessus. Venez vous asseoir, n’ayez pas peur. le fait en gardant une distance réglementaire, elle le regarde et s’approche. Tu sais que tu m’as manqué, dit-elle. Coupé au noir.

Mais comme nous avons oublié de couper le son, certains échos de cette scène nous parviennent.

 
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