Nelly Alard écrit un récit d’une rare puissance sur la violence d’État et capte avec beaucoup de subtilité l’air (pollué) de l’époque. « La Manif » raconte une époque et ce qui peut arriver.
France Télévisions – Culture Editorial
Publié le 11/01/2025 15:09
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C’est l’une des belles surprises de cette rentrée littéraire hivernale. Parfois, la raison d’État est tout simplement déraisonnable, notamment lorsque les caméras sont omniprésentes dans l’espace public pour démentir les versions officielles. Nous sommes en mai 2016, certains Français protestent contre la loi travail dite loi El Khomry, que le gouvernement de Manuel Valls aura finalement adoptée via le désormais très célèbre 49.3, obligeant son gouvernement à rendre des comptes.
Nelly Alard revient La Manif (Gallimard) sur les violences qui vont avoir des répercussions importantes sur une famille. Jeudi 26 Peut 2016, alors que la manifestation se diluait en fin d’après-midi, Romain est touché par une grenade. Il se retrouve dans le coma, sa vie étant en danger. Les autorités refusent d’accepter cette erreur et se réfugient dans le mensonge, malgré les preuves accablantes. Pour eux, il n’y a pas de violences policières mais “des barres de fer et des boules de pétanque volant à basse altitude avaient malheureusement heurté” Romain.
Pour son quatrième livre, Nelly Alard aborde un sujet d’actualité avec beaucoup de sensibilité et de subtilité. C’est à travers l’intime qu’elle interroge la violence d’État. Grâce à une écriture claire, simple, pleine d’empathie, l’auteur de La vie que tu as imaginé (Gallimard) s’est inspiré de faits réels pour raconter les conséquences de violences policières injustifiées sur la famille et les proches de la victime. Une tragédie qui laissera des traces. Nelly Alard choisit de se placer du côté de la victime pour raconter son combat pour la vérité.
Que vaut un destin brisé, une vie volée ? Comment faire face à la domination de l’État ? Par quels moyens ? Comment maintenir la cohésion d’une famille après un tel drame ? Nelly Alard s’intéresse à tous les proches de Romain. Elle parle de l’injustice de nier l’évidence. Et la colère contre l’amnésie. « 2019 a été l’année des Gilets jaunes, des yeux arrachés, des mains arrachées. À chaque œil arraché, à chaque main arrachée, Sandro s’indignait, non seulement, que le cas de Romain ne serve à rien, puisque malgré les tests et les expertises, les grenades de décerclement continuaient à être utilisées (…) ». La Manif, un grand roman politique qui interroge le présent avec sincérité et authenticité.
« La Manif », Nelly Alard, Gallimard, 219 pages, 20 euros
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