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Pour les fêtes de Noël, les livres climato-sceptiques cartonnent

A quelques heures de Noël, Steven Koonin occupe la deuxième place des œuvres « le plus offert » d’Amazon, catégorie géologie, derrière Minéraux et pierres précieusesde François Farges. Koonin, figure majeure du mouvement climato-sceptique, a été secrétaire adjoint au ministère de l’Énergie sous l’administration de Barack Obama. Un rôle de premier plan qui lui confère une certaine légitimité.

Il rejette cependant catégoriquement les conclusions des scientifiques du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Trop alarmiste, dit-il. Selon lui, le réchauffement climatique n’est pas prouvé et les rapports de l’organisme intergouvernemental reposent sur un agenda politique caché.

En 2021, Koonin a publié ses hypothèses dans son livre Instable : ce que la science du climat nous dit, ce qu’elle ne dit pas et pourquoi c’est important. Un best-seller traduit en 2022 par la maison d’édition L’Artilleur, connue pour ses textes polémiques. Le climat, la part d’incertitude connaît depuis un grand succès en avec plus de 30 000 exemplaires vendus selon les informations du quotidien français La Croix.

« Le discours des climato-sceptiques rassure »

En troisième place sur Amazon, dans la catégorie climat, c’est cette fois le livre de Daniel Husson qui se place sur le podium. Un français climato-sceptique pour qui les émissions de dioxyde de carbone ont un effet dérisoire sur la température globale de notre planète. Selon le physicien, le climat n’est pas en train de « se laisser emporter ».

Pourtant, les propos des climatologues sont clairs : le réchauffement climatique est déjà en marche, les activités humaines l’accélèrent, et il faut agir immédiatement pour éviter le pire.

Cette accentuation de la plateforme est inquiétante, car selon le ministère de la Culture, les sites Web vendus, en 2023, 22,2 % de livres neufs achetés en France (grands magasins culturels — Fnac, Cultura, Espace Culturel Leclerc, etc. — 28,4 % et librairies 23,3 %).

Manipulation et arguments grossiers »

Comment expliquer cette liste d’ouvrages niant la responsabilité humaine dans le changement climatique en cours, alors qu’il existe un consensus scientifique sur le sujet ? ? « Face à un avenir incertain, le discours des climato-sceptiques rassure et affirme que rien ne changera dans la vie des gens »déclare Renaud Hourcade, chercheur à CNRS spécialiste des politiques environnementales. Il n’y a rien de scientifique dans ce débat, « c’est un combat politique, réactionnaire et conservateur ».

Cette confrontation tente de brouiller les savoirs établis. Selon le spécialiste, « une bataille d’opinion est en cours et les scientifiques doivent la gagner, même si avec les travaux anti-GIEC, les climato-sceptiques gagnent du terrain ». Pour Daniel Boy, directeur de recherche émérite à Sciences-Po, spécialiste des relations entre science et société, « ce scepticisme se développe grâce à d’anciennes méthodes de manipulation qui consistent à utiliser des arguments grossiers pour créer le chaos dans le travail scientifique ».

Dans la catégorie climat, les ouvrages climato-sceptiques sont mis en avant, aux côtés des livres de vrais spécialistes, par Amazon.
Capture d’écran du site Amazon

Certains experts du climat se battent donc et tentent de se faire une place dans les premiers palmarès des ventes. Un défi difficile face aux algorithmes.

Tout comprendre (ou presque) sur le climatpublié par le CNRS lui-même, arrive difficilement dans le classement des livres sur le thème. « Les climatologues tentent d’intervenir mais le travail est difficile. Il y a un manque de temps. C’est une grande responsabilité et enseigner ne fait pas partie de leur travail. »poursuit Daniel Boy.

« Les moyens des climato-sceptiques sont massifs »

« Le problème est aussi financier. Les ressources des climato-sceptiques sont énormes contrairement à celles des scientifiques, et les librairies en ligne ont leur rôle à jouer »ajoute Renaud Hourcade.

« Dans une librairie [physique]il existe un filtre humain qui se protégera de la mise en avant des livres douteux. Il serait utile de créer des formes de responsabilité pour les plateformes de vente en ligne. Nous devons équiper les gens pour qu’ils comprennent ce qui les attend. Nous ne pouvons pas laisser ces plateformes s’autoréguler »continue-t-il.

Un argument à double tranchant qui ne fait pas l’unanimité, puisque les avertissements pourraient aussi donner crédit à des propos climato-sceptiques.

De fausses œuvres mais « très bien construit »

« Ces livres, vendus en grand nombre pendant les fêtes de fin d’année, ont le pouvoir de convaincre ceux qui n’ont pas de véritable opinion sur le sujet du réchauffement climatique. Si les thèses relayées n’ont aucun fondement scientifique, les ouvrages sont bien sourcés et très bien construits. »souligne Renaud Hourcade.

Un avis partagé par un spécialiste du climat qui souhaite rester anonyme. « Il est facile de se laisser berner. Les auteurs, souvent physiciens, ont une certaine crédibilité scientifique, un effet blouse blanche qui légitime leur pensée. Sur des livres qui comptent parfois des centaines de pages, personne ne vérifiera chaque source, une à une. Même en tant qu’expert, ces livres sont difficiles à démystifier [vérifier la véracité de l’information]. Il s’agit d’un travail exigeant, nécessaire mais chronophage qui n’est pas à la portée de tous. »

Leur succès actuel est d’autant plus alarmant que l’année 2025 est une année charnière pour limiter les effets du changement climatique. En effet, les pays ayant adopté l’Accord de Paris en 2015 devront détailler leurs projets sur les cinq prochaines années pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Donald Trump, un « héros » climato-sceptique

Pour que des mesures soient décidées par le pouvoir en place, il faut qu’il en accepte le coût. Sinon, « le monde de l’action publique se retrouvera en dissonance avec certains citoyens, et il deviendra difficile d’investir dans les politiques climatiques »soutient Renaud Hourcade.

Le problème ne concerne bien entendu pas uniquement la France. L’arrivée de Donald Trump le 20 janvier 2025 à la tête des Etats-Unis, lui qui est convaincu que le réchauffement climatique n’existe pas, légitime les idées climato-sceptiques, et donne de la crédibilité aux auteurs d’ouvrages anti-écologiques.

Le magnat de l’immobilier pourrait ainsi devenir un symbole pour les climato-sceptiques, « le héros qui leur ressemble »ironise le spécialiste.

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