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Sélection
Le Rassemblement national est devenu, lors des élections européennes et des élections législatives anticipées, la première force politique du pays. Que lire pour mieux le comprendre ? « Le Nouvel Obs » vous en propose une sélection.
Votre petit cousin avait envie de lire le livre de Jordan Bardella, qu’il suit sur TikTok ? Votre oncle Chevènementiste clame que les élections législatives anticipées de 2024 étaient ses dernières « barrage de votes » face à l’extrême droite ? Votre sœur abstentionniste pense-t-elle qu’il n’y a plus rien de radical au sein du Rassemblement national ? Pour éclairer vos proches sur la formation lépéniste et parfaire votre culture politique, « Le Nouvel Obs » a sélectionné quatre ouvrages qui traitent du sujet, ouvrages académiques ou journalistiques, à glisser sous le sapin sans hésiter.
1. Le plus complet
« Les ressorts cachés du vote RN » de Luc Rouban
L’essai est académique, mais se lit facilement, comme un long article de presse. Luc Rouban, directeur de recherche CNRS au Cevipof, propose de répondre à une question en apparence simple. Pourquoi le Rassemblement national (RN) attire-t-il de plus en plus de voix ? Chiffres à l’appui, le chercheur montre qu’il faut se méfier des clichés – les électeurs de Le Pen seraient en colère, et leur vote serait le résultat de la montée du populisme – mais propose d’analyser en profondeur les raisons de l’appartenance à la première force politique en France.
Luc Rouban souligne que le vote RN serait souvent le résultat d’un sentiment d’abandon et de mépris, face à une mobilité sociale ascendante devenant impossible. Fruit, aussi, de trois échecs (échec de l’État-providence, à forte reproduction sociale ; échec de l’idée de communauté nationale, avec notamment la montée des violences contre les élus ; échec d’un contrôle de plus en plus fort). L’universitaire note que face à ces échecs, le vote RN représente souvent une manière de chercher à protéger un mode de vie. Une lecture qui permet d’en finir avec l’idée simpliste selon laquelle les électeurs RN ne seraient que des post-fascistes haineux et racistes.
2. Les plus informés
« L’extrême droite, nouvelle génération » par Nicolas Massol et Marylou Magal
Le livre aurait pu s’appeler « Génération Bardella », tant il raconte en détail et en anecdotes la construction amicale et intellectuelle du président du Rassemblement national et de ses proches. Nos confrères de Libération et de l’Express livrent une enquête précise et vivante sur la jeunesse du nouveau visage de l’extrême droite, mais aussi de tous ceux qui composent sa génération, qu’ils s’appellent Marion Maréchal, Sarah Knafo. , Geoffroy Lejeune, Pierre Gentillet…
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Des noms et des visages que l’on retrouve en politique, dans le journalisme (principalement dans les médias du milliardaire réactionnaire Vincent Bolloré), mais aussi dans de nombreuses associations. Qu’ont-ils en commun ? La conviction que le combat identitaire est le seul qui vaille, et la certitude qu’ils œuvrent tous pour porter leurs idées au pouvoir, quelle que soit la voie choisie.
3 – Le plus « pop »
« Pop Fascisme : comment l’extrême droite a gagné la bataille culturelle sur internet » par Pierre Plottu et Maxime Macé
Les fans du sujet se souviennent de l’excellent « Fachosphère » (Flammarion, 2016), de Dominique Albertini et David Doucet, qui racontait en 2016 comment l’extrême droite avait envahi le Minitel, puis le web (blogs, sites obscurs et vite réseaux sociaux), contourner le cordon santé et diffuser ses idées au plus grand nombre. L’heure n’était ni à Instagram ni à TikTok. Dix ans plus tard, alors que de nouveaux visages se sont imposés sur les réseaux – Thaïs d’Escufon, Alice Cordier, Baptiste Marchais… – et que des idées réservées à de petits groupes sont peu à peu apparues dans les médias grand public (la fameuse « vitrine d’Overton »), comment peut-on comprendre le phénomène ?
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Le travail de Pierre Plottu et Maxime Macé, tous deux journalistes à « Libération », part d’un postulat simple : le succès du RN n’aurait pas été possible sans l’occupation préalable des réseaux sociaux par une pléthore d’agitateurs radicaux. Cette influence a permis à des idées initialement placées en marge de se retrouver soudainement acceptables. Mais n’allez pas croire que ces influenceurs parlent tous à longueur de journée de politique ou d’un hypothétique « grand remplacement ». La plupart se contentent d’offrir un « mode de vie » à la française (musculation, viande et traditions), ou parler des relations hommes-femmes (le chasseur, le foyer, etc.).
S’ils peuvent faire sourire, ces récits souvent caricaturaux sont l’expression d’une politisation intégrale de l’existence, rappellent les deux journalistes, et ces contenus sont d’autant plus efficaces pour propager un projet culturel antilibéral qu’ils semblent a priori dépolitisés. Des agitateurs qui peuvent aussi compter sur « l’écosystème » médiatique de Vincent Bolloré pour accéder au pouvoir. Un monde où tous les acteurs ont parfaitement conscience de se livrer une guerre de pouvoir, pour imposer leurs idées à la tête du pays.
4. Le plus pointu
« Paris Moscou. Un siècle d’extrême droite » par Nicolas Lebourg et Olivier Schmitt
Nicolas Lebourg est chercheur associé au Centre d’études politiques et sociales (Cepel, CNRS-Université de Montpellier), spécialiste de l’extrême droite. Olivier Schmitt est professeur de relations internationales au Centre d’études sur la guerre de l’Université du Danemark du Sud. Leur défi est ambitieux : mettre en perspective un siècle de liens entre l’extrême droite française et la Russie. Et montrer qu’elles ne se limitent pas à la rencontre entre Marine Le Pen et Vladimir Poutine, au Kremlin, le 24 mars 2017.
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Les deux chercheurs reviennent dans cet ouvrage complet, informé et approfondi sur les liens anciens, souvent intéressés, qui touchent l’ensemble du champ d’extrême droite française et ses courants, et la Russie. Un penchant pro-russe « qui montre avant tout la volonté de reconstruire l’ordre mondial, avec un monde moins unipolaire et des nations plus souveraines, une société moins multiculturelle et postmoderne »écrivent les deux auteurs. Le pouvoir russe, de son côté, cherche essentiellement « modifier la structure socio-politique des sociétés occidentales, en favorisant l’émergence ou mieux l’arrivée au pouvoir de mouvements populistes-conservateurs, dont la pente idéologique est proche de la sienne ». Les auteurs soulignent également la vulnérabilité de la France face à la propagande russe. De précieuses clés de compréhension en temps de guerre en Ukraine.
By Camille Vicogne Le Coat
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