Les histoires sont souvent similaires : l’histoire, racontée par l’héroïne, est celle d’une jeune femme rencontrant un homme plus puissant, plus riche, appartenant bien souvent à un monde illégal (vol, vol, drogue, armes, violence). Elle est généralement mise en danger : menaces de mort, enlèvement, séquestration, viol, violences physiques et verbales… Mais cela n’empêchera pas une histoire d’amour de naître entre les deux protagonistes.
La romance noire, ce nouveau genre littéraire, cartonne auprès des jeunes, notamment des femmes. Vous vous souvenez peut-être du phénomène Cinquante nuances de Greysorti en 2011. Ici, les récits vont plus loin que la littérature érotique. « Nous mettons en avant la figure du bad boy, il est l’archétype du mâle alpha. L’héroïne va même découvrir le défaut intérieur du héros qui explique son comportement violent. Il y a toujours une asymétrie entre l’homme et la femme, mais ils finiront quand même ensemble, tous parsemés de scènes de sexe, décrit Camille Emmanuelle, auteur du livre coucou
. Il existe une forme de glorification et d’érotisation de cette violence. On ne cesse de répéter que ce type de profil masculin est attractif et protecteur », ajoute-t-elle.
Une large communauté de fans sur les réseaux sociaux Ce genre issu de la littérature sentimentale a pris son essor sur internet, via les plateformes de partage d’histoires et via les sites d’auto-publication. En 2020, la sagaCaptif
postée par Sarah Rivens sous le pseudo « theblurredgirl » sur le site Wattpad, attire plus de 7 millions de lecteurs et crée le buzz sur les réseaux sociaux.
Ce succès est repéré par une maison d’édition qui décide de sortir cette saga en version papier, qui sera en tête des ventes en librairie. « Les auteurs de ce genre se font souvent connaître à travers le mouvement « booktok » que l’on voit sur TikTok et les communautés créées autour de ces lectures sur les réseaux sociaux. Ce sont évidemment des accélérateurs de tendances », analyse Alexandre Leforestier, fondateur de Panodyssey, plateforme collaborative de streaming littéraire.
Ce phénomène a pris une telle ampleur que chaque année, des festivals dédiés à la romance noire sont même organisés, comme à Toulouse ou à La Rochelle.
Une idéalisation des relations violentes et dangereuses
Avec des codes très addictifs, des tensions érotiques, des histoires d’amour, une narration à la première personne pour pouvoir s’identifier, le style d’écriture est très efficace.
Problème : ces Livres sont majoritairement consommés par des jeunes filles, parfois dès l’âge de 12 ou 13 ans. Lire ces récits prônant une idéalisation des relations toxiques ou des comportements violents à un âge où l’on se développe peut « influencer la vision de la sexualité et du couple. Cela peut même créer un fantasme incarné si vous recherchez ce genre d’homme ou de relation dans la vraie vie », précise Camille Emmanuelle. Une tendance très paradoxale dans l’ère post-#MeToo, où ces comportements sont dénoncés. Comment réagir face à ce genre de lecture ? Il est difficile de décourager votre enfant de se plonger dans un livre, dans un monde dominé par les écrans. Dans son romancoucou
Comédie romantique aux codes féministes, Camille Emmanuelle apporte une autre grille de lecture et transforme ce sujet en autodérision pour pouvoir en rire et réfléchir à ces questions sans être dans un jugement moral. Si l’un de ces livres finit sous le sapin, il est peut-être temps d’entamer une discussion. L’idée n’est pas de censurer mais d’attirer l’attention sur des points de vigilance. “Qu’on soit parent ou proche d’un adolescent, il faut lire ce genre de livre pour comprendre et se questionner, se demander ensemble : n’est-ce pas compliqué de faire un personnage sexy d’un homme qui a un comportement violent ?, conseille l’auteur. On peut aussi suggérer autre chose, il y a des histoires d’amour dans la littérature qui ne s’appuient pas sur ces schémas, comme le recueilL’ardeur
de Thierry Magnier, qui s’adresse aux adolescents et jeunes adultes et parle de sexe et d’histoires d’amour. C’est aussi aux adultes d’être prescripteurs », ajoute-t-elle.
Alexandre Leforestier plaide pour sa part pour une notice, prochainement mise en place sur Panodyssey, qui renseignera sur les travaux en termes d’exposition de ces contenus et sensibilisera les lecteurs. « Sur internet, il n’y a pas le filtre qu’il y a chez un éditeur, donc c’est à nous d’être vigilants », explique-t-il.
Proscrire, c’est souvent donner envie de braver cet interdit. Passer par la discussion et profiter de cet intérêt pour la lecture pour orienter son adolescent vers d’autres ouvrages sont des moyens de limiter les risques.coucou
de Camille Emmanuelle, chez Verso, 19,50 euros.
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