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Nicolas Fargues met en lumière ce trou noir de la société qu’on ne veut pas voir

Il a été invité à animer une résidence d’écriture à la prison de la Santé, à Paris, de juin à décembre 2023, où sont souvent incarcérés les condamnés de longue durée. Pendant sept mois, à raison de deux ateliers par semaine.

Il raconte cette expérience de plongée dans le monde carcéral et ses rencontres avec les détenus, dans son nouveau récit Nous sommes le mauvais garçon que nous pouvons être. On retrouve son écriture pleine d’humanité et d’humour mais aussi une autodérision bienvenue.

Nicolas Fargues et Iegor Gran écrivent un roman épistolaire léger et corrosif, jouissif et stupide

La prison est souvent le point aveugle de la société, l’endroit que nous ne voulons pas voir. Dans l’opinion publique, les prisonniers devraient y vivre moins bien que les citoyens les plus pauvres.

La mélancolie est mon outil de travail.

Par petites touches, Nicolas Fargues illumine ce trou noir, ce précipice. Il raconte en phrases courtes ce que les détenus ont écrit dans ses ateliers et les dialogues qu’il a eu avec eux. On entend, à travers ses paroles, le bruit des portes qui se ferment, la liberté qui s’est enfuie, le soleil qui ne brille plus. Mais aussi l’humanité de tous ces hommes, leurs désirs, leurs désillusions que la prison ne guérira pas. Leurs petites affaires aussi comme cette femme venue rendre visite à son mari avec des merguez cachées sous ses seins !

Remises de peine

Souvent, il éprouve la même surprise lorsqu’il fraternise avec un détenu et lorsqu’il rentre chez lui, il découvre sur Google que cet homme a fait la Une de l’actualité judiciaire. Il découvre que même les pires criminels peuvent aussi être des étudiants en écriture sympathiques et doués.

Il ne se fait aucune illusion sur la capacité de l’écriture à permettre aux détenus de s’évader de leur quotidien, d’échapper un instant à leurs angoisses en écrivant des mots. L’un d’eux lui dit : « Je ne vais pas te mentir, hein. Si je me suis inscrit à votre atelier, ce n’est pas pour l’écriture mais pour les réductions de peine.

Nicolas Fargues se met dans la peau et dans l’esprit d’une femme qui doute.

Il ne se fait plus d’illusions sur ses propres peurs, sur ses ambitions, sur sa place privilégiée parmi les prisonniers. «C’est avec une fierté naïve que j’ai cherché, et parfois réussi, à me faire accepter par eux pour tenter de maîtriser ma peur. Et surtout faire un livre de tous ces mots et de tous ces faits et gestes que je leur ai volés. Nous sommes les mauvais garçons que nous pouvons être.

L’écrivain a même touché un peu à la transgression : « M’offrir à mon âge le frisson d’un délit insignifiant que je pourrai ensuite justifier en disant que je l’ai commis pour une bonne cause. Et puis, après tout, je suis écrivain. Pour le goûter d’adieu de ses élèves, il leur a apporté les brochettes dont ils rêvaient. Mais la réglementation l’interdit. Il les a donc fait entrer clandestinement, à la grande colère de la prison. “Nous sommes le pire garçon possible.”répète-t-il.

Nicolas Fargues a tiré de cette expérience une histoire pleine de fraternité, de traces de telles rencontres humaines, avec des détenus capables d’écrire des aphorismes comme « La faiblesse des forts est de ne compter que sur leur force. »

Nous sommes le mauvais garçon que nous pouvons être | Récit | Nicolas Fargues, POL, 137 pp., 16 €, numérique 12 €

EXTRAIT

« On n’invente pas notre propre justice, il y a des règles. La compassion n’est pas un laissez-passer, surtout en milieu carcéral. Je ne suis ni un vrai mauvais garçon, ni un garçon vraiment sérieux. Nous sommes le mâle comme nous pouvons.

 
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