Le « beau livre » qui célèbre les Jeux olympiques de Paris 2024 saute la salve paralympique. Les retards de fabrication ne peuvent excuser cette impasse spectaculaire et paradoxale, qui revient à piétiner l’inclusivité prônée par les organisateurs de la grand-messe.
Dès la fin des Jeux Paralympiques, le 8 septembre, personne n’était dupe : la partie était loin d’être gagnée. « Et maintenant, et ensuite ? » était nécessaire. Après le succès populaire des épreuves, qu’allait faire la France pour réellement promouvoir, dans la société, l’inclusivité célébrée par tous dans le sillage de sportifs époustouflants ? Comment allons-nous enfin et concrètement intégrer le handicap dans l’inconscient et l’espace collectifs ? Libé croise les doigts : « Les Jeux Paralympiques ont suscité de grands espoirs. Serons-nous capables de ne pas le gâcher ? Trois mois plus tard, il suffit de se rendre à la librairie pour les récupérer. Un « beau livre » qui célèbre la grand-messe de cet été fait l’impasse sur la section paralympique qui n’a droit qu’à deux photos. L’impasse est d’autant plus choquante que Paris 2024 : le livre officiel des Jeux Olympiques est un projet validé par la société organisatrice. L’ancien président et héros national Tony Estanguet signe également la préface.
Objectif de Noël
Le grand album blanc (44,95 euros), qui a bénéficié d’un tirage record de 200 000 exemplaires, est rutilant, 320 pages dorées (littéralement) sur la tranche et truffées de photos. L’intégralité de l’Olympiade est retracée, vante l’éditeur Hugo Sport dans son argumentation, « du relais de la flamme jusqu’à la cérémonie de clôture au Stade de France, en passant par la cérémonie d’ouverture et bien sûr tous les exploits sportifs. […] Les 45 disciplines sportives sont minutieusement détaillées, avec un résumé de chaque épreuve pour les catégories hommes et femmes, offrant un aperçu complet de la compétition. Podiums, records, statistiques, « citations inspirantes », « anecdotes insolites »… Rien ne semble avoir été oublié. Sauf donc les athlètes et événements paralympiques. Invisibilisés jusqu’à leur symbole, les agitos. Les anneaux olympiques trônent majestueusement sur la couverture.
La gêne est palpable chez l’éditeur, Hugo Sport, où un attaché de presse nous l’explique : “En raison de retards de fabrication (en Italie, ndlr), ce livre devait absolument être terminé début septembre.” CLe timing excluait automatiquement les Jeux Paralympiques prévus du 28 août au 8 septembre – alors que les JO se déroulaient du 26 juillet au 11 août. L’idée était évidemment que ce produit dérivé serait livré suffisamment avant Noël pour se retrouver au bon endroit. sous l’arbre. “On parlait d’un projet de livre sur les Jeux Paralympiques qui serait réalisé par des acteurs du handisport, on n’en sait pas plus”, complète notre interlocuteur.
Estanguet entre en touche
Aucune trace de ces travaux hypothétiques ne peut être trouvée. Et même si cela devait se concrétiser un jour, le mal serait fait. Contrairement à tous les discours, l’Album blanc marginalise les athlètes paralympiques et donc les personnes handicapées. Symboliquement, elle établit une hiérarchie implicite : on peut se passer de leurs exploits, mineurs comparés à ceux des Olympiens, de second ordre. Interrogé par France Info, le champion paralympique de tennis en fauteuil roulant Stéphane Houdet a logiquement déploré « un énorme échec ». Et Houdet pointe du doigt un potentiel jackpot saboté : « Je voudrais plaindre les éditions Hugo Sport. Vous perdez la possibilité de vendre des milliers de livres, car beaucoup de gens aimeraient avoir ces belles images pour qu’elles puissent durer plus longtemps.
Tony Estanguet entre en touche, selon les informations Midi libre : “Le comité d’organisation ne s’en est pas du tout occupé” a répondu l’ancien patron du Cojop ce jeudi, lorsqu’il a été interrogé sur le livre lors d’un déplacement à Montpellier. Et d’inviter, de manière assez nébuleuse, “les uns et les autres à prendre leurs responsabilités”. Estanguet a également rappelé que les Jeux Paralympiques avaient eu du mal à attirer : « Le grand public a attendu le dernier moment pour se précipiter aux guichets » et » idem pour les droits TV ou les éditions. Dès qu’on sort un livre sur les Jeux paralympiques, il ne se vend pas. Il y a une réalité économique. Aujourd’hui, le système paralympique n’est pas suffisamment mature pour générer des revenus significatifs. Les Jeux Paralympiques de Paris ont néanmoins enregistré 2,5 millions de places vendues, dont il s’est lui-même réjoui…
On en déduit que l’impasse du livre tient à une simple realpolitik, après avoir évalué la balance bénéfice-risque : étant donné que Paralympism ne se vendrait pas, mieux vaut s’en passer plutôt que d’en retarder la sortie et de se priver de la manne des achats de Noël. Et tant pis pour les belles résolutions. Qui a dit « moche » ? Nous. N’offrons pas ce cadeau empoisonné.
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