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“J’ai eu pendant longtemps le sentiment qu’on m’avait volé mon regard”

Votre avant-propos est un « avertissement » plein d’humour : « Malgré mon joli costume de star, cet ouvrage, au risque de vous décevoir, ne contiendra aucune information juteuse, aucune révélation passionnante parfumée de scandale ou d’aveu qui sent le ragoût, aucune révélation érotique. de passage, enfin à priori je n’en vois pas, ni le moindre déballage sur Bidule ou Trucmuche qui aurait pu me gâcher la vie. » Pourquoi ce préambule ?
Disons que j’ai compris une chose : quand on est une personnalité, on ne peut pas échapper aux clichés. Je voulais avertir les lecteurs qu’ils n’entendraient pas ce type de commentaire de ma part. Je n’ai pas choisi cette voie. D’un autre côté, je montre quelque chose d’intime. J’ai pris beaucoup de distance par rapport à ce que j’avais vécu. C’est ce qui a alimenté ma production photographique. J’ai pris des photos comme une anthropologue qui s’étudie elle-même, ou qui observe tout ce qui lui arrive d’un point de vue sociologique.

Pourquoi avez-vous souhaité photographier les journalistes qui vous ont interviewé lors de la promotion de vos films ?
J’avais besoin de garder un souvenir, une trace de ce que je vivais, des gens rencontrés et de ce que je ressentais. Je devais donner un sens à tout ce qui se disait sur moi. Dans cette aventure, je devais fabriquer quelque chose qui m’appartiendrait et que je pourrais garder. Je l’ai très vite traduit sous une forme créative puisque ce moyen d’expression fait partie intégrante de ma vie. Cela m’a amené à travailler instinctivement, sans idées préconçues. Je n’avais aucune idée de ce que je ferais de ces photographies. Ces dernières années, j’ai pris le temps de monter le projet de livre et de le mener à bien.

Une partie de votre travail consiste à photographier des scènes de vie et de rue, avec des individus de dos. Est-ce lié à la manière dont vous avez vécu votre soudaine renommée ? Vous écrivez : « J’ai fermé des paupières invisibles pour ne plus voir ceux qui me scrutent et me jettent mon nouveau visage à la face. »
Pendant longtemps, j’ai eu le sentiment qu’on m’avait volé mon point de vue. Je ne pouvais pas regarder les gens. A chaque fois, je me rendais compte qu’ils me regardaient déjà. Je l’ai vécu comme une perte de propriété. C’était difficile, d’autant plus que je suis très contemplatif. J’avais besoin de me réapproprier mon regard en choisissant ce que je photographiais parmi ce que j’avais le droit de regarder.

Une autre partie très touchante du livre comprend des photos de lettres qui vous ont été envoyées. Des lettres de fans, d’actrices en herbe, mais aussi de détracteurs ou des invitations amusantes – comme celle du Musée des Slips, en Belgique.
J’ai toujours eu un rapport assez sauvage avec le public. Je ne suis pas très à l’aise d’être approché. J’avais tendance à me replier sur moi-même. J’ai voulu faire exister ces lettres différemment, car elles signifient beaucoup. Tous ces témoignages représentent autant de personnes qui ont pris le temps de m’adresser un geste d’affection, de partager leur vie, leur point de vue ou encore de m’écrire des trash. Montrer ces textes, c’est aussi respecter leur opinion. Cela montre que leurs lettres ont une réelle importance et ne sont pas allées à la poubelle.

Votre livre est traversé par l’idée que vous n’avez jamais résolu de vous comporter comme une star au sens cliché du terme, tout en étant conscient du fait que vous en êtes une. “J’ai joué le rôle de la fille normale du mieux que je pouvais, en essayant de cacher mon impatience de sortir de cette foutue foule floue et en priant pour qu’aucune forme ne s’approche de moi, qu’aucune forme ne reprenne son regard, qu’aucune forme ne s’approche de moi. demandez-moi si c’est vraiment moi ou non, pas maintenant, pas ici, pas devant mes amis », écrivez-vous.
Dans notre société, nous avons intégré la notion de notoriété. C’est considéré comme normal pour certaines personnes connues. Mais si on y réfléchit bien, si on s’attarde sur cette idée, c’est très singulier. Pourquoi avons-nous besoin d’idoles ? Pourquoi certaines personnes deviennent-elles célèbres ? Comment créer une telle différence entre les gens ? Je n’ai jamais résolu de vivre cela comme d’habitude. Je ne suis pas intéressé. Il y a quelque chose de très superficiel dans cette approche. Je me dévalorise trop, j’ai du mal à prendre ça au sérieux. Enfin, je prends la vie des gens, leurs opinions au sérieux et je les respecte. En revanche, je ne peux pas en être fier. Je n’arrive pas à croire que j’ai « quelque chose en plus ». Impossible. J’y vois trop de futilité.

 
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