Après Bleu, Noir, Verte, Rouge, Jauneet Blancl’historien Michel Pastoureau poursuit son travail sur la couleur avec Roseparu aux Editions du Seuil le 4 octobre.
Dans ce bel ouvrage magnifiquement illustré et richement documenté, Michel Pastoureau passe au crible l’histoire de cette couleur en Europe, de l’Antiquité grecque à la pop culture. Une couleur mal aimée des scientifiques, qui ne la reconnaissaient pas comme une couleur, tout comme une nuance de rouge.
Les hommes s’approprient généralement cette couleur, bien qu’elle soit présente dans la nature, assez tardivement. Ils ont du mal à lui donner un nom, au point que ni le grec ni le latin n’ont de mot pour désigner le rose. Alors, où devons-nous classer cette couleur sans nom ? « Nulle part, puisqu’il n’avait pas de nom et que la classification est avant tout une question de vocabulaire »explique l’historien. Ce sera finalement une fleur qui lui donnera son nom.
Au 15èmee le rose du siècle trouve enfin sa place dans les répertoires chromatiques, « qui deviennent une question de teintes, et non plus seulement de mots ». Mais étonnamment, le rose est placé en premier parmi les jaunes, pour la seule raison que les teinturiers et les peintres ne parviennent pas à réaliser des roses vifs et saturés. Il faudra attendre le 18e siècle pour que le rose soit « définitivement pensé comme un mélange de rouge et de blanc ».
Très en vogue à l’époque romantique, le rose est aujourd’hui au centre des préoccupations de genre. Elle n’était cependant pas réservée aux femmes sous l’Ancien Régime. Au XVIIIe sièclee siècle, “Beaucoup d’hommes aristocratiques portent du rose.”
Puis le rose est tombé en disgrâce dans la seconde partie du XIXe siècle.e siècle. « Le rose devient mièvre, petit bourgeois, démodé, pour ne pas dire ringard »note l’historien. La couleur passe ensuite aux petites filles, “dédié au rose bien avant que les petits garçons ne se consacrent au bleu ciel.” Cette habitude d’habiller les filles en rose était réservée aux classes privilégiées. Les enfants issus de la classe ouvrière étaient, filles et garçons, vêtus de blanc. Il faudra attendre les années 1930 pour que la coutume se généralise, lorsque les couleurs résistent au lavage.
Quant à la féminisation massive du rose, “c’est sans doute du côté de la poupée Barbie et de tous les jouets et accessoires qui s’y rapportent qu’il faut rechercher”, explains Michel Pastoureau. « Pour l’historienne, le plus remarquable est que cette intensification de la mise en scène de Barbie rose intervient à l’heure où, aux Etats-Unis comme en Europe, différents mouvements féministes commencent à s’élever contre tout ce qui distingue trop fortement les filles et les femmes. les garçons, surtout les couleurs »il analyse. “Le rose Barbie est-il donc un ‘rose choc’, c’est-à-dire une provocation délibérée contre de tels mouvements, et ce faisant, la défense d’une certaine morale conservatrice ?”demande l’historien.
Thus, Michel Pastoureau retrace l’histoire tourmentée de cette couleur et analyse en profondeur son histoire en Europe, pas seulement sous l’angle de la peinture et de l’art. « J’ai essayé d’étudier cette couleur sur le long terme, et sous tous ses aspects, du lexique aux symboles, en passant par la vie quotidienne, les pratiques sociales, les connaissances scientifiques, les applications techniques, la morale religieuse, les créations artistiques, le monde des emblèmes et des représentations » .
L’ouvrage est d’autant plus passionnant que le rose a jusqu’ici fait l’objet de très peu d’études. Avec ce livre, Michel Pastoureau ajoute un nouveau chapitre à son colossal travail éditorial sur la couleur, commencé il y a près de vingt-cinq ans.
« Rose, histoire d’une couleur », de Michel Pastoureau (Seuil, 192 p., 39,90 €)
Related News :