Depuis mars 2022, l’État de Floride a autorisé le retrait de la circulation de plusieurs milliers de Livres (plus de 10 000 selon l’association Pen America, jusqu’en septembre 2024 !), ce qui, selon les Américains les plus conservateurs, pourrait présenter un danger pour la jeunesse. public. Parmi ces livres, qui ne sont plus proposés dans les bibliothèques, figurentle Journal d’Anne Franck, Bien-aimé par Toni Morrison, 1984 de George Orwell, L’attrape-coeur par JD Salinger, Sa Majesté des mouches de William Golding, La servante écarlate par Margaret Atwood ou Les cerfs-volants de Kaboul par Khaled Hosseini. D’autres États conservateurs ont décidé de suivre l’exemple de la Floride, comme l’Iowa, le Texas ou le Missouri.
C’est le point de départ du nouveau roman de Marc Levy, La Librairie des Livres Interditsqui paraît ce mardi 19 novembre 2024 par Robert Laffont. On y découvre Mitch, un libraire solitaire qui faisait la promotion de nombreux livres censurés, avant et après ses cinq ans d’emprisonnement. Désireux de se venger du juge qui l’a condamné, il tombe amoureux d’Anna, de retour en ville après avoir reconstruit sa vie à l’étranger. Ces deux survivants, eux aussi passionnés de littérature et de lecture, ont touché le cœur de l’écrivain. Lors de son passage en France, l’homme qui vit à New York nous a fait découvrir les coulisses de la création de cette histoire d’amour engagée.
Comment est né La Librairie des Livres Interdits ?
Sa genèse est ce paradoxe de la censure du livre, raconté dans le roman, et qui est un sujet qui redevient d’actualité. Au nom d’une soi-disant liberté, certains gouvernements censurent les ouvrages qui traitent de sujets qui les dérangent. Je voulais avant tout parler du pouvoir des livres pour nous rassembler et, peut-être, nous aider à nous sentir moins seuls. C’est un roman sur la magie des livres et de la lecture.
Votre roman s’inspire d’une loi américaine qui permet de censurer les livres destinés au jeune public. En tant qu’écrivain, quelle a été votre réaction lorsque vous l’avez découvert ?
Sans surprise… et avec consternation. Sans surprise, car les autoritaires ont toujours attaqué la culture ; les gens à court d’arguments attaquent la culture. Les mouvements extrémistes ont toujours eu ce leitmotiv : créer la peur, trouver les coupables, les pointer du doigt et se présenter en sauveurs de la société avant d’éliminer les coupables désignés. Et rien ne leur fait plus peur que d’avoir des électeurs intelligents, cultivés ou informés. C’est la tragédie de l’Amérique d’aujourd’hui, où le poison de la haine ne cesse de se distiller depuis plusieurs années.
En lisant Toni Morrison, on est forcément conscient du racisme et de la xénophobie aux Etats-Unis. Mais, comme ses textes, les romans féministes sont aussi censurés car ils ne veulent pas que les femmes se libèrent. Cette guerre menée contre la littérature prend des proportions considérables outre-Atlantique.
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Peut-on donc qualifier La Librairie des Livres Interdits engagé?
Je ne veux pas le présenter comme un livre de combat parce que la plupart des gens, pour être très honnête, ne veulent pas se joindre à un combat. Cela n’arrive que lorsque quelque chose les touche. La notion de résistance fait peur. C’est pourquoi je présente ce roman tel qu’il est : un roman d’amour… qui donne aussi envie de résister !
Justement, Mitch et Anna tombent amoureux, poussés l’un vers l’autre grâce à leur amour de la littérature…
Leur histoire d’amour est née très spontanément. Ils partagent finalement tous les deux un travail : elle est chef cuisinier, lui libraire. Cette envie de partager avec les autres les définit et les caractérise ! Quand je crée des personnages de fiction, ils entrent dans ma vie et je finis par les aimer vraiment. Mais je n’avais personne en tête en les imaginant, même s’il y a toujours un peu de l’auteur, par endroits, dans un personnage. Pas toujours masculin d’ailleurs, grâce à cette liberté de voyager sans barrières et a priori ! [Il rit.]
La librairie de Mitch joue un rôle central dans ce roman. C’est un lieu de résistance, de confiance, de flirt et de retrouvailles. Est-ce ainsi que vous imaginez votre librairie idéale ?
Exactement ! Je pense que les librairies devraient vraiment être des lieux de rencontre. Il n’y a pas de plus bel endroit pour faire cela, ne serait-ce qu’en regardant les livres que l’autre personne a en main. Et ça ne sert à rien de mentir : en choisissant un livre qui ne vous plaît pas, juste pour le plaisir, vous vous préparez à un très long mensonge. [Il rit.] C’est une telle intimité de voir quelqu’un choisir un livre, le voir tourner les pages, voir comment il réagit… C’est aussi le cas dans les transports en commun : ces gens riant tout seuls, ou les larmes aux yeux, qui sortent un mouchoir en au milieu d’une rame de métro… C’est merveilleux de voir des gens y lire des livres.
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