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Les éditeurs québécois se réunissent pour imprimer ici

En écrivant Le grand voyage de M. Paper (2013), qui explique aux enfants le fonctionnement du recyclage, l’auteure et éditrice Angèle Delaunois s’est penchée sur la grande chaîne du livre. Certaines démarches, dont le transport des œuvres et leur impression à l’international, lui paraissent totalement « absurdes ».

Pour le fondateur des éditions isatis, il fallait agir… Mais comment ? En passant des commandes groupées auprès des imprimeurs. Car plus le tirage – le nombre de livres imprimés – serait important, plus leur coût unitaire serait faible.

En 2019, six éditeurs ont convenu de regrouper leur production autour d’un calendrier commun, chez TC Transcontinental, à Beauceville.

« L’idée de la consolidation est assez simple : c’est l’idée d’utiliser le même papier, la même reliure et l’impression en même temps pour bénéficier d’économies d’échelle. Mais l’enjeu n’était pas seulement économique. C’était aussi culturel et écologique», explique André Martin, responsable du programme auquel participe le groupe jeunesse de TC Transcontinental.

Les livres du groupe sont imprimés à environ une heure de Québec, à Beauceville, dans une usine de TC Transcontinental qui emploie environ 300 personnes. (Frédéric Matte, Le Soleil)

Afin de créer un produit « 100 % québécois », les éditeurs ont demandé à imprimer leurs produits sur du papier fabriqué ici.

«[L’initiative] fait baisser nos prix de revient ! On a peut-être économisé environ 20 % sur l’impression», se réjouit Mme Delaunois, qui a vendu son entreprise l’an dernier aux Éditions Écosociété.

« J’ai toujours dit à mes collègues : nous sommes des concurrents, mais nous ne sommes pas des ennemis. Si nous pouvons nous entraider et faire des choses ensemble, faisons-le.

— Angèle Delaunois, auteure et fondatrice des Editions de l’isatis

Aujourd’hui, une vingtaine de maisons d’édition participent désormais au regroupement.

Au-delà des profits

Au-delà des chiffres et des marges bénéficiaires, les participants du groupe se rassemblent donc autour d’une cause commune.

Les Éditions Fonfon et La Court Escale ont été parmi les premières maisons à participer à la fusion. Et ce, principalement pour une question de valeurs.

S’il contribue à réduire l’écart entre le marché québécois et le marché international, le regroupement ne permet pas de rivaliser avec les coûts d’impression en Asie ou en Europe. Mais cela crée néanmoins une véritable option pour de nombreuses entreprises locales, estime Mariève Talbot, directrice générale de La courte éscale.

« La seule chose que nous envoyons actuellement à l’extérieur, c’est la « boîte complète » car cette expertise n’existe pas ici. […] Nous pensons toujours qu’il est important qu’il y ait une proposition locale pour [les jeunes enfants]», souligne Mariève Talbot.

En se regroupant, les maisons d’édition doivent accepter d’imprimer leurs livres avec le même type de couverture, de reliure et de papier. (Frédéric Matte/Le Soleil)

Chez Fonfon, les livres ont toujours été marqués « imprimés au Québec ». Mais Véronique Fontaine, directrice générale de la maison d’édition, n’a pas hésité très longtemps avant de rejoindre le groupe.

« Parfois je me dis que ce n’est vraiment pas un choix business [d’imprimer ici]. En même temps, [au début]Je me suis beaucoup appuyée sur la sensibilité des gens aux produits locaux… Je pense qu’aujourd’hui elle est encore plus grande », observe Mme Fontaine, également vice-présidente de l’ANEL.

“À mon avis, [imprimer au Québec]cela a toujours été important. Je l’ai toujours fait. Mais pour ceux qui ne le font pas, je comprends parfaitement pourquoi.

— Véronique Fontaine, general director of Fonfon editions

Se rassembler, une solution à grande échelle ?

L’idée de regrouper les carnets de commandes des éditeurs n’est pas ancrée dans une tendance claire et nette, mais TC Transcontinental n’était pas étrangère à ce concept.

«[C’est un projet] ce qui était assez facile pour nous. Nous avions de l’expérience car nous avions déjà créé des programmes comme celui-ci pour d’autres marchés. Nous avions déjà cette culture ici [à l’usine de Beauceville]», explique André Martin, responsable de l’initiative jeunesse.

Un programme comme celui-ci pourrait-il convaincre d’autres éditeurs de rapporter leurs tirages ici ? Peut-être, selon M. Martin.

Responsable du programme qui regroupe les éditeurs jeunesse québécois, André Martin œuvre depuis plus de 30 ans dans le domaine de l’imprimerie. (Frédéric Matte/Le Soleil)

« Cette année, nous avons décidé d’ouvrir le programme aux marchés anglophones canadien et américain. Plus il y a de participants, plus il y a de bénéfices pour tout le monde », ajoute M. Martin, qui travaille dans le domaine depuis 32 ans.

Face aux tendances du marché du livre, TC Transcontinental est confiante dans le produit qu’elle offre aux éditeurs d’ici et d’ailleurs. Et ce, même si la concurrence est « féroce en Amérique du Nord comme partout dans le monde ».

«Il faut comprendre que l’Asie offre un prix plus abordable, mais n’a pas la qualité du travail nord-américain», soutient Pierre Deslongchamps, vice-président principal chez TC Transcontinental et responsable du segment des livres.

S’il est évident que plusieurs maisons d’édition se tournent désormais vers l’international pour imprimer une partie de leur production, M. Deslongchamps estime néanmoins que cette tendance risque de s’atténuer à moyen ou long terme.

« C’est une question de temps. On le voit : il y a une classe moyenne qui se construit dans les pays asiatiques. Inévitablement, les salaires augmenteront. Il y a là un attrait concurrentiel qui va disparaître. […] Le coût du transport maritime augmente également et il y a aussi une préoccupation environnementale», observe M. Deslongchamps, confiant quant à l’avenir de l’imprimerie au Québec.

 
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