Loin de l’urbanité de Que notre joie demeurecelui qui signe désormais ses romans sous le nom de Kev Lambert plonge ses lecteurs dans une toute nouvelle ambiance.
En explorant l’enfance et cette période particulière qu’est les fêtes de fin d’année, l’auteur invite le public à se placer à l’écart, le temps de 424 pages, afin d’observer cette société parfois brutale, ce monde peuplé d’adultes. à la fois triste et heureux, bavard et silencieux.
Dans une certaine mesure, en raison des thèmes qu’il explore dans Sentiers de neige (l’enfance, la région, une forme de fantasme), Kev Lambert convient que ce nouveau livre fait peut-être écho à son tout premier roman, Tu vas adorer ce que tu as tué (2017), malgré une forme très différente.
« Tous deux ont du matériel autobiographique. Là, c’est un retour à l’enfance, aux expériences de l’enfance, mais je comprends beaucoup mieux aujourd’hui ce que j’ai vécu étant enfant que lorsque j’écrivais mon premier livre”, déclare Kev Lambert, en entretien à Soleil.
Avec plus de recul et un regard plus aiguisé sur cette période de sa vie, l’auteur n’hésite pas à soulever des questions politiques et à critiquer la société ou l’époque dans laquelle il a grandi.
Face à ces constats parfois difficiles, il juxtapose néanmoins l’imagination fertile dont font preuve les enfants. Notamment à travers de nombreuses références aux jeux vidéo.
« J’ai vraiment abordé l’imaginaire, dans ce livre, comme un mode de résistance, comme une voie d’évasion. Comme la réalité est trop dure, ils s’en échappent en construisant un monde imaginaire », explique le lauréat du prix Médicis 2023.
La candeur de ses deux jeunes protagonistes, Zoey et Émie-Anne, est ainsi accentuée par le temps des fêtes. Une période particulière de l’année où les journées passent au ralenti.
« Tout le monde part en même temps. Dans la vie, c’est vraiment rare. […] Il y a des gens qui travaillent pendant les fêtes mais, même quand on travaille, on sent que ce n’est pas le même travail. Il y a quelque chose de plus léger», observe-t-il.
Un peu comme lors des premières semaines de la pandémie ?
« Oui, c’est vrai. C’était super anxiogène à cause de l’événement. […] Mais tout le monde acceptait d’un commun accord que nous étions en pause, que le travail, la productivité, toutes ces injonctions des sociétés capitalistes [étaient diminuées]. Je pense que nous avons réalisé à quel point c’était agréable de soulager ces pressions.
« Imaginez ce qui pourrait émerger comme projets collectifs, comme envies de changement si nous avions plus de temps [de vacances collectif] comme ceux-là, des moments de désengagement», songe l’auteur de 32 ans, à qui l’on doit aussi Querelle de Roberval (2018).
Violence infantile
Sentiers de neige devait être d’abord « un tout petit roman », « une vignette », « un tableau réaliste » des Noëls qu’a vécus Kev Lambert lorsqu’il était plus jeune… Mais en suivant les chemins qui s’ouvraient à lui, il a néanmoins produit un un travail beaucoup plus important. Un livre où brille la lumière des fêtes de fin d’année, mais aussi l’ombre d’une violence sournoise.
Car les journées entre Noël et le Nouvel An sont, pour Kev Lambert, un moment de grande joie et d’une certaine magie, mais aussi d’une solitude particulière.
« Dans notre culture, nous vivons une époque où les personnes qui ne correspondent pas à la norme – la famille nucléaire traditionnelle – ressentent bien plus la solitude. […] Je pense que c’est une période d’autant plus douloureuse qu’elle est justement construite comme étant extraordinaire et exceptionnelle », estime l’artiste, pour qui il est nécessaire d’écrire sur ces réalités dont on parle rarement.
Même à travers l’imaginaire fantastique dans lequel ils baignent, ses deux jeunes protagonistes vont ainsi faire face à la brutalité du rejet.
« Ils pensent qu’ils vont juste trouver un espace où tout sera possible, où ils vont avoir une mission magique et enfin trouver leur place dans le monde… Mais ce qu’ils trouvent dans cet imaginaire, même s’ils construisent eux-mêmes, ils souffrent», ajoute l’auteur, qui baigne ainsi son nouvel ouvrage entre l’innocence de l’enfance et la cruauté de la réalité.
Kev Lambert sera en visite à la Maison des lettres de Québec le 22 novembre, dans le cadre d’une lecture du Sentiers de neigeinterprété par Marie-Thérèse Fortin et mis en scène par Denis Marleau.
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