- Auteur, Hugh Schofield
- Rôle, Nouvelles de la BBC
- Rapport de Paris
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il y a 16 minutes
Pour la première fois, un auteur algérien a remporté le prix littéraire le plus prestigieux de France, le Goncourt, avec un récit poignant de la guerre civile des années 1990 dans son pays.
Le roman Houris de Kamel Daoud raconte la « décennie noire » de l’Algérie, marquée par le sang, au cours de laquelle jusqu’à 200 000 personnes ont été tuées dans des massacres attribués aux islamistes ou à l’armée.
L’héroïne, Fajr (L’Aube en arabe), a survécu à la gorge tranchée par des combattants islamistes – elle a une cicatrice en forme de sourire sur le cou et a besoin d’un tube parlant pour communiquer – et raconte son histoire à la petite fille qu’elle porte en elle. .
Écrit en français, le livre “donne la parole à la souffrance d’une période sombre en Algérie, en particulier à la souffrance des femmes”, a indiqué le comité Goncourt.
« Cela montre comment la littérature… peut tracer une autre voie pour la mémoire, parallèlement au récit historique. »
L’ironie est que peu d’Algériens sont susceptibles de le lire. Le livre n’a pas d’éditeur algérien ; l’éditeur français Gallimard a été exclu du Salon du livre d’Alger, et la nouvelle du succès de Daoud avec le Goncourt n’a toujours pas été rapportée – un jour plus tard – dans les médias algériens.
Pire encore, M. Daoud, qui vit désormais à Paris, pourrait même faire l’objet de poursuites pénales pour avoir parlé de la guerre civile.
Une loi de 2005 sur la « réconciliation » considère « l’instrumentalisation des blessures de la tragédie nationale » comme un crime passible de prison.
Selon M. Daoud, cela a pour effet de faire de la guerre civile, qui a traumatisé l’ensemble du pays, un non-enjeu.
“Ma fille de 14 ans ne m’a pas cru quand je lui ai raconté ce qui s’était passé, car la guerre n’est pas enseignée à l’école”, a déclaré M. Daoud au journal Le Monde.
«J’ai coupé certaines des pires scènes que j’avais écrites. Non pas parce qu’ils étaient faux, mais parce que les gens ne voulaient pas me croire. »
M. Daoud, âgé de 54 ans, a eu une expérience directe des massacres car il était alors journaliste et travaillait pour le Quotidien d’Oran. Dans des entretiens, il a décrit l’horrible routine consistant à compter les cadavres, puis à faire modifier son décompte – à la hausse ou à la baisse – par les autorités, en fonction du message qu’elles voulaient envoyer.
“Vous développez une routine”, a-t-il déclaré. « Tu reviens, tu écris ton article, puis tu te saoules.
Il a travaillé comme chroniqueur pendant de nombreuses années, mais s’est progressivement attiré les foudres du gouvernement algérien en raison de son refus de se ranger dans le rang.
Il critique vivement ce qu’il considère comme une « instrumentalisation » officielle de la guerre d’indépendance de 1954-1962 contre la France, ainsi que ce qu’il considère comme la persistance de l’asservissement des femmes dans la société algérienne.
« D’une certaine manière, les islamistes ont perdu la guerre civile militairement, mais ils l’ont gagnée politiquement », a-t-il déclaré.
« J’espère que mon livre fera réfléchir les gens au prix de la liberté, en particulier pour les femmes. Et en Algérie, il encourage à se confronter à l’ensemble de notre histoire, et à ne pas en fétichiser une partie au détriment du reste.
Daoud a déjà écrit deux romans, dont l’un, très acclamé, Enquête sur Meursault, est une réécriture de L’Étranger d’Albert Camus et a été sélectionné pour le Goncourt en 2015.
En 2020, l’auteur s’installe à Paris, « exilé par la force des choses », et prend la nationalité française. « Tous les Algériens sont franco-algériens », a-t-il déclaré. « Par haine ou par amour.
En Algérie, c’est un personnage qui divise. Ses ennemis le considèrent comme un traître qui a vendu son âme à la France, tandis que d’autres le reconnaissent comme un génie littéraire dont le pays devrait être fier.
Lors de la conférence de presse qui a suivi la remise du prix, Daoud lui-même a déclaré que ce n’est qu’en venant en France qu’il pourra écrire Houris.
« La France m’a donné la liberté d’écrire. C’est un paradis pour les écrivains », a-t-il déclaré. « Pour écrire, il faut trois choses. Une table, une chaise et un pays. J’ai les trois.
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