l’essentiel
Historienne de formation, originaire de Bordeaux, Pauline Valade vit à Paris. Une ville qu’elle ramène d’un passé lointain au cœur d’une humanité déchirante.
Dans une France du XVIIIe siècle sortie affaiblie de la guerre de Succession d’Autriche et d’une paix décriée, comment se concevait la bonne morale ? Et plus particulièrement, comment l’homosexualité était-elle perçue ? Ce mercredi 30 octobre, la librairie « Le vent des mots » accueillait l’historienne et écrivaine Pauline Valade à l’occasion de la sortie de « Bruno et Jean », son premier roman publié chez Actes Sud. Un roman historique qui frappe par la richesse de ses descriptions, par la crudité de son récit, que la brièveté des phrases contrastant avec l’écriture élaborée, rend encore plus prenante. Il est vrai qu’avec « Le Goût de la joie » publié 3 ans plus tôt, l’auteur montrait un certain penchant pour la société du XVIIIe siècle. Mais pourquoi, au-delà de son aspect anecdotique, avoir fait ce choix d’une tragédie vraie mais mystérieuse, celle de la condamnation de deux amants masculins ? « Ce sont les deux derniers condamnés à mort pour homosexualité, et cette condamnation a eu lieu en 1750, à Paris », commente Pauline Valade. « C’est une anomalie judiciaire, car ils n’auraient jamais dû être exécutés, les homosexuels n’étaient pas punis de mort à cette époque. Il s’agit donc d’un archaïsme judiciaire qui ne s’explique pas historiquement ».
De quoi interpeller un historien. Et nécessitent de longues recherches dans les archives nationales. Mais ce qui les ponctue le plus souvent, ce sont les manques, les manques, qui rendent parfois le travail de recoupement quasiment impossible et n’aboutissent qu’à des interrogations : « Il y a une part de fiction, depuis que j’écris, j’invente la vie de ces deux-là. des hommes à partir de bribes que j’ai apprises dans les archives judiciaires », souligne l’écrivain. « Ce sont deux hommes du peuple. Bruno était un cordonnier de 20 ans ; Jean était un peu plus âgé, il avait 40 ans et était domestique dans une boucherie. Deux hommes du peuple qui n’avaient aucune protection en haut lieu. Mon « Le travail était de leur redonner vie pour créer de l’empathie avec ces gens, pour ne pas les oublier, et enfin restituer l’atmosphère du Paris de 1750. »
Avec sa rigueur d’historienne, Pauline Valade fait bien plus que restaurer une époque : à travers les lignes de son œuvre, tout Paris revit avec une clarté cinématographique, autour de personnages qu’on pourrait croire tirés d’un roman de Zola. il avait vécu sous Louis XV. Une œuvre puissante et profondément humaine qui donne le sentiment troublant de remonter le temps.
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