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Depuis son atelier de Trôo, elle fait partie des derniers restaurateurs de livres

Par

Nicolas Pelouas

Publié le

6 oct. 2024 à 12h26

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A proximité de la Collégiale Saint-Martin de Trôo (Loir-et-Cher), une petite maison ne paye pas de mine au premier abord, mais une fois à l’intérieur, on découvre un lieu « hors du temps »comme aime à le décrire Sandrine Salières Gangloff, la propriétaire des lieux.

Dans son atelier de 24 m², elle exerce le métier de restaurateur de livreset machine à relier.

Un voyage entre la Bretagne et la capitale

Avant de travailler et de restaurer des œuvres de toutes époques, l’artisan a vécu un parcours incroyable pour ensuite travailler sur le terrain.

Ayant grandi dans le nord de la Bretagne, à Perros-Guirec, elle « a toujours voulu faire une carrière artistique », confie-t-elle. “J’ai d’abord voulu être archéologue, et je suis resté sur l’histoire des arts, mais autour des livres.”

Après des études d’arts plastiques avec un Diplôme d’Etudes Universitaires Générales (Deug), elle rencontre et effectue un premier stage chez un relieur, dans la ville bretonne où elle a grandi. “C’était une révélation à 27 ans », dit-elle.

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Tout en continuant à exercer des métiers alimentaires, elle est admise l’Union Centrale des Arts Décoratifs (UCAD).

L’atelier de Sandrine Salières Gangloff possède des outils qui, pour certains, ont traversé les siècles. ©Le Petit Courrier

Elle a obtenu son CAP au musée Nissim-de-Camondo, près du parc Monceau dans le 8e arrondissement de Paris.

Elle commence alors à travailler dans deux ateliers, tout en enchaînant les petits boulots.

Après 3 ans, elle revient dans les Côtes-d’Armor.

Soutenue par le Département, Sandrine Salières Gangloff termine sa formation en retournant chez le relieur qui l’a initiée au métier.

Arrivée dans la région

Elle s’installe d’abord à Montoire-sur-le-Loir en 1996, avant de rejoindre Trôo avec l’aide de la maire de l’époque : Christiane Morin via le dispositif Cœur de village qui permet à un artisan de s’installer plus facilement dans une commune.

«Je travaille un peu avec des locaux, des familles aisées», explique Sandrine Salières Gangloff. Mais elle ne s’arrête pas aux alentours ni en France d’où sont originaires la plupart de ses clients.

Elle échange également avec des personnes venant de Suisse, du Luxembourg et même d’Espagne. « L’histoire des livres s’étend sur le temps et les lieux », explique le relieur.

Tout au long de sa carrière, certains étaient sceptiques quant à son activité.

« On m’a souvent dit d’arrêter. Il faut dire que la concurrence est rude. Mais j’ai désormais une solide base de clients », dit-elle.

« Un devoir de responsabilité »

Son travail va au-delà de la simple reconstruction d’œuvres.

Sandrine Salières Gangloff dit : « Il n’y a pas que l’art, il y a aussi un valeur patrimoniale.

Jusque dans les années 1990, la profession était sous-estimée. Il y avait un manque de contrôle, et donc beaucoup de pertes dans les livres. Il y avait notamment des éléments chimiques qui pouvaient se dégrader.»

Avec le passage au nouveau millénaire, la conscience va évoluer.

Désormais, une partie du métier de restaurateur d’œuvres consiste à « anticiper les dégâts », prévient-elle. « Il faut faire attention aux manipulations, lorsque l’endroit est trop sec ou trop humide, aux insectes et à la lumière. »

La cisaille à carton permet de découper les pages avec soin. ©Le Petit Courrier

Côté ressources, elles ont été revues pour altérer le moins possible le papier, comme pour les colles qui sont d’origine naturelle, et non animale.

« Le métier est devenu très scientifique », souligne le relieur.

« Sur un un devoir de responsabilité sur les œuvres qui passent entre nos mains», rappelle l’original breton.

La profession s’appuie fortement sur la confiance que lui accordent ses clients.

Si les institutions la contactent, c’est pour deux objectifs : une exposition, ou pour valoriser un fonds.

Toutefois, ces organismes exigent des normes que l’artisan ne souhaite pas respecter.

« Les institutions fonctionnent avec des marchés d’offre publique. Vous devez avancer l’argent pour être payé beaucoup plus tard. Je ne peux pas me le permettre », explique-t-elle.

De son côté, elle reste « sur un méthode très traditionnellequi date du 18èmee siècle “.

Et c’est pourquoi nombre de ses clients viennent la voir avec leurs œuvres à restaurer.

Un secteur en voie d’extinction

Sandrine Salières Gangloff est catégorique sur la situation de son métier : « C’est un métier où nous disparaissons dans un silence total. Il existe de nombreux clubs amateurs, mais il n’y a plus assez de travail pour en vivre.»

Les usages et le rapport au livre ont changé : « Le la matérialité du livre est différente aujourd’hui », explique-t-elle.

Il reste « aujourd’hui trois ou quatre ateliers semi-industriels en France. Ils ne sont pas rentables, mais ils compensent par leur activité industrielle.»

Autour d’elle pour la soutenir, les métiers du livre comme doreur ou tailleur se font de plus en plus rares.

Les fils sont très importants pour le relieur. Ils sont classés selon leur épaisseur et leur époque. ©Le Petit Courrier

La faute en revient à un secteur qui peine à survivre.

« Jusqu’en 2007, je gagnais quasiment ma vie », explique le relieur.

Aujourd’hui, malgré tout, elle parvient « à trouver l’équilibre ».

Elle est aujourd’hui la dernière, à sa connaissance, à faire à la fois de la conservation préventive et de la restauration.

« Je dois être la seule dans des ateliers comme le mien », déplore-t-elle. « Il y a une vitrine sur Internet, mais nous devons être une quinzaine. Quand j’ai commencé, il y avait 6 000 relieurs. Je vis la chute de l’intérieur ».

Un archéologue actuel

Avec presque 30 ans d’expériencela restauratrice assure pouvoir sauvegarder « n’importe quel livre ».

Mais son travail se divise en deux parties : elle passe 80 % de son temps à analysesans avoir l’assurance d’être rémunérés pour leur expertise.

Les 20 % restants sont consacrés à restauration pure.

« Nous avons du mal à être payés. On a beaucoup de contraintes et parfois on oublie la prévention», prévient Sandrine Salières Gangloff. Car une fois l’œuvre restituée au client, ce dernier doit continuer à préserver son bien.

Les clients qui viennent la voir sont des bibliophiles, de véritables passionnés de livres anciens qui souhaitent restaurer des ouvrages souvent rares ou insolites, et auxquels ils peuvent avoir un attachement affectif.

« C’est parfois irrationnel. C’est un environnement discret, mais aussi très compétitif », confie-t-elle.

Il faut aussi faire attention à l’origine des livres, il y a un travail de contrôle.

« Il faut toujours être sûr de la provenance de l’œuvre », explique-t-elle, car ce n’est pas le cas. jamais à l’abri des surprises.

Un cadre qui s’effondre

Sandrine Salières Gangloff a une sécurité dans son métier, en étant adhérente au Syndicat national de la reliure dorure (RBD), aujourd’hui rattaché à l’Union nationale des industries de l’imprimerie et de la communication (Uniic).

Une restauration ne se fait pas naturellement, elle est nécessaire » faire des choix. C’est stressant, on ne sait jamais si ça va te plaire. Il faut que ce soit à la hauteur des attentes du client », dit-elle.

Pour Sandrine Salières Gangloff, la presse est « l’âme des lieux » dans son atelier Trôo. ©Le Petit Courrier

Le restaurateur respecte le traité de Cesare Brandi de 1963, qui définissait les règles de restauration dans l’art.

« Nous n’inventons pas “, cite-t-elle avant d’ajouter : “On ne fait pas que réparer, il y a un côté enquête, avec les éléments qu’apportent les livres.”

Ateliers et journées portes ouvertes

Sandrine Salières Gangloff can organize ateliersmais elle prévient : « Il faut au moins 10 cours pour faire un livre », le temps de faire tout le travail. placementc’est-à-dire réaliser toutes les actions pour restaurer un livre.

« Il y a tout un vocabulaire » dans son domaine.

A 58 ans, elle envisage l’avenir avec sérénité : « Il me reste encore 10 ans pour travailler. Mais c’est un travail que vous ne pouvez pas arrêter.

Il faudra attendre les prochaines Journées Européennes de l’Artisanat pour ceux qui souhaitent jeter un oeil à son atelier Trôo, du vendredi 4 avril au dimanche 6 avril 2025.

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