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Yves Aubin de La Messuzière, former diplomat, Gard resident, gives his view on Gaza

Il vit entre Paris et Lussan (Gard) et publie un livre sur Gaza : l’ancien diplomate Yves Aubin de La Messuzière décrypte le conflit et son escalade ces dernières semaines.

Vous venez de publier début septembre « Gaza, analyse d’une tragédie ». En quelques semaines, la situation s’est encore aggravée. Quel regard portez-vous sur les derniers événements ?

En fait, j’ai terminé mon manuscrit en août. Nous sommes aujourd’hui au bord d’une conflagration régionale. Mon livre est une analyse objective et sans parti pris. Je n’appartiens à aucun camp sauf celui de la paix et des humanistes, dont Stéphane Hessel qui fut mon mentor en diplomatie. Je connais Israël ainsi que les pays arabes. J’essaie de fournir les informations les plus objectives sur le massacre du 7 octobre, la réaction de Tsahal, et ces chiffres de 40 000 morts qui, si l’on en croit toutes les agences onusiennes, vont sans doute doubler. Nous assistons non seulement à une crise humanitaire mais aussi à l’effacement d’un territoire.

Vous connaissez l’Afrique et le Moyen-Orient pour y avoir été ambassadeur…

J’ai en effet été en poste à Bagdad, puis à Tunis et à Rome comme ambassadeur, mais j’ai également été directeur au Quai d’Orsay pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Je suis resté dans ce kibboutz qui a brûlé, je suis allé plusieurs fois à Gaza, y compris après ma retraite, après 2009, lorsqu’on m’a demandé d’effectuer des « missions discrètes », pour faire passer des messages au Hamas. J’y ai rencontré Ismaël Haniyeh, tué à Téhéran le 31 juillet. Il était alors Premier ministre démocratiquement élu. J’ai effectué trois missions, non pas secrètes, mais discrètes, auprès de diplomates américains et britanniques.

La diplomatie n’a pas vu venir le 7 octobre, ni la crise actuelle ?

On a considéré à tort que la question palestinienne était devenue un conflit de faible intensité, qu’elle avait perdu sa centralité depuis les accords d’Abraham. C’était une énorme erreur d’analyse et d’anticipation ! Il était évident que les choses allaient exploser, que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie, faute de résolution de la racine du problème, à savoir la reconnaissance d’un Etat palestinien. Connaissant bien le terrain, j’ai souvent dit soyez prudent et je pense que de nombreux autres diplomates ont rédigé des rapports en ce sens. La situation à Gaza était devenue une sorte de cocotte minute qui explique la sauvagerie, non seulement du Hamas, mais aussi de ces jeunes à moto qui massacraient d’autres jeunes, prenaient des otages…

Selon vous, le Hezbollah est-il capable de se réorganiser très rapidement après l’élimination de son leader Hassan Nasrallah ?

Sur le plan militaire, le Hamas est extrêmement affaibli et n’est plus en mesure de pénétrer sur le territoire israélien comme il l’a fait en commettant ce massacre du 7 octobre. Le Hezbollah est bien plus puissant que le Hamas. C’est plus qu’une milice, c’est une armée, c’est un proto-État qui contrôle les quartiers sud de Beyrouth et l’aéroport. Grâce à l’Iran, ils disposent d’une puissance balistique. Leurs combattants, entre 20 000 et 30 000, sont mieux entraînés que ceux du Hamas. L’élimination du leadership politique les a certainement affaiblis. Avec l’affaire des pagers, on a pensé qu’ils ne pouvaient plus communiquer entre eux, puis on s’est rendu compte qu’ils avaient un autre réseau, via la fibre optique. Il ne faut pas négliger le fait que le Hamas, comme le Hezbollah, imprègne une partie des sociétés ! Israël pariait sur des affrontements intercommunautaires au Liban qui, jusqu’à présent, n’ont pas eu lieu.

Comment voyez-vous l’évolution du conflit ?

Si Kamala Harris est élue aux USA, il semble qu’elle se mobilisera, comme Clinton l’a fait au moment de Camp David. Un accord n’est pas si compliqué, mais il nécessite une forte volonté politique. Qui succédera à Netanyahu est un autre facteur déterminant. Il porte la responsabilité de l’ouverture d’un nouveau front, de l’escalade actuelle. Il y a maintenant l’attaque contre l’Iran, qui est le véritable diable pour les Américains. Ne négligeons cependant pas le poids des puissances du Sud, Brésil, Inde, Afrique du Sud, qui vont plus loin que les autres États. L’Afrique du Sud parle de crimes de génocide et a porté l’affaire devant la Cour internationale de Justice, qui n’a pas encore statué. Mais c’est aussi un phénomène nouveau : la justice internationale se mobilise. La Cour pénale internationale s’apprête à émettre un mandat d’arrêt contre Netanyahu, comme cela a été fait contre certains membres du Hamas, ou contre Poutine. De même, la Cour internationale de Justice vient de rendre un arrêt très important, qui dénonce de manière très claire et argumentée la politique d’occupation et de colonisation d’Israël qui est à l’origine du problème.

Gaza, analysis of a tragedy, Israeli-Palestinian conflict: the urgency of a political solution, Yves Aubin de La Messuzière, editions Maisonneuve & Larose / Hémisphères, €18, 256 pages.
 
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