News Day FR

rencontre avec 3 libraires passionnés, basés à Strasbourg

On les croise tous les mardis, jeudis et samedis en passant devant la place Kléber ou la rue des Halberdes. Leurs stands ornent Strasbourg de mille trésors littéraires, et pourtant nombreux sont ceux qui passent sans y jeter un coup d’œil. Nous sommes donc allés à la rencontre des passionnés qui tiennent toute l’année ces stands de livres d’occasion. Nous vous le disons.

Bandes dessinées, chefs-d’œuvre classiques, beaux livres, affiches, livres pour enfants ou éditions rares : le troisième marché du livre de France, Strasbourg, regorge de joyaux. Depuis plus de 30 ans, une vingtaine de bouquinistes dévoilent leurs trouvailles dans les rues de Strasbourg, trois jours par semaine.

Nous sommes allés à la rencontre de ceux qui, toute l’année, vendent les livres qui nous suivent dans nos sacs de voyage, nos insomnies ou nos moments de rêverie. L’occasion de découvrir un métier pas comme les autres.

Liberté chérie

Juste en face de la place Gutenberg, Paulo et Jean-Claude dirigent ensemble, comme ils le font depuis 30 ans. Dans un premier temps, les deux hommes ont travaillé, dans les années 1990, au Village du Livre de Fontenoy-la-Joûte, avant de créer leur propre entreprise. Ils nous racontent leurs journées avec cœur, comme un vieux couple qui se connaît comme sa poche.

Jean-Claude commence : « Je suis ici par passion. Je n’ai jamais aimé le travail en atelier. Internet, ce n’est pas mon truc. Ici, sur le marché, j’ai ma liberté. »

Parlant de liberté, Paulo ajoute : « Le travail n’est pas facile. Nous travaillons souvent des journées de plus de 12 heures, du déballage des stands le matin au réemballage le soir. Sans compter le temps que l’on passe à chasser les livres, à les transporter, et parfois à les restaurer lorsqu’ils sont un peu abîmés. Mais j’ai ce privilège de travailler comme je le ressens. »

À ces journées fatigantes s’ajoutent des événements imprévus, notamment météorologiques. Jean-Claude poursuit : « La météo constitue un grand danger. Bien sûr, lorsque des orages ou de la pluie sont annoncés, cela ne sert à rien de penser à venir travailler. La marchandise est trop fragile. »

Paulo complète : ” Cependant, vendre sur le marché réduit au maximum nos coûts : pas de charges fixes, de loyer, d’électricité. Alors oui, parfois nous avons de mauvais jours pendant lesquels nous vendons peu ou avec une météo épouvantable, mais ça vaut toujours le coup, car dans la rue, on vit des moments de vie magnifiques. »

© Marie Goehner-David / Pokaa

Quand la passion s’unit

Paulo nous explique qu’il y a « toujours une histoire dans la rue ». Sur le marché du livre, de nombreux profils se rencontrent : curieux, étudiants, passionnés, chineurs, et ce joyeux mélange est Source d’échanges galvanisants.

Il continue : « Nous avons simplement une clientèle passionnée et passionnante. Nous croyons vraiment à cette idée de partage : elle apprend de nous, autant que nous d’elle. C’est un privilège. »

Jean-Claude désigne alors un jeune homme en casquette : « Il vient depuis qu’il est petit. Aujourd’hui, c’est un jeune homme. On crée de vrais liens, on voit les gens grandir et vieillir, on construit un réseau d’habitués. Et quand on ne les voit pas, on s’inquiète ! Ce marché est une grande famille. »

© Marie Goehner-David / Pokaa

Un métier en voie de disparition ?

« Ce qui est dommage, c’est qu’avec la nouvelle génération, ces échanges se perdent. » Détails de Paulo : avec Internet et les nouveaux supports de lecture (tablette, liseuse…), les jeunes ont moins d’ambition d’acheter et de conserver.

Sans oublier la concurrence qui menace leur profession. Entre Amazon et les autres « monstres » du web qui se lancent eux aussi dans le business de la brocante, le tout avec des frais de port parfois très faibles, le métier de libraire perd de son verve. Et beaucoup se découragent.

Jean-Claude ajoute : « Avant, les étudiants en lettres venaient nous acheter tous leurs livres. Ils sont venus avec leurs listes pour l’année. Désormais, la vente en ligne a changé la donne… Mais les passionnés continuent de venir sans faute ! » Comme quoi, le bonheur de sentir le papier sous ses doigts et l’odeur des vieux livres séduit toujours.

© Marie Goehner-David / Pokaa

Les bouquinistes, symbole de Strasbourg

Nous continuons notre route pour rendre visite à Patrick, qui vend la Place Kléber avec son fils. Nous ne nous sommes pas arrêtés chez lui par hasard : Patrick est le porte-parole des bouquinistes strasbourgeois. Il a également organisé le tout premier marché du livre de l’histoire de Strasbourg, il y a plus de 30 ans.

Le libraire aguerri nous explique : « Quand on nous voit là, debout dans la rue, tout semble simple. Mais c’est bien plus compliqué : on dépend directement de la mairie, il y a une autorité, celui du service des foires et marchés. Plusieurs fois par an, des commandes ont lieu dans ce cadre, et mon rôle est d’intervenir sur les demandes relatives au marché du livre. »

Le dernier en date a été une grande déception. « Strasbourg a été nommée capitale mondiale du livre. Et nous avons été surpris de ne trouver absolument aucune mention de bouquinistes dans la programmation… Beaucoup de gens rêvent d’avoir un tel marché dans leur ville et nous nous sentons invisibles. »

Pourtant, les libraires continuent, trois fois par semaine, de danser sur leurs stands des milliers de pages de contes et de récits en tout genre. Et perpétuer le partage de leur passion, avec ceux qui ne se lassent pas de ces stands multicolores.

Et pour les plus motivés, l’association Autour du livrequi comprend les bouquinistes, organise bon nombre d’événements que l’on retrouve en Alsace. Toutes les informations sont ici et surtout bonne lecture ????

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :