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“Que reste-t-il de tout ça”, l’hommage aux petites choses de Fanny Desarzens

Dans « Que reste-t-il de tout ça », son troisième roman, l’auteure vaudoise Fanny Desarzens raconte avec tendresse et simplicité la vie de quatre générations d’une famille apparemment sans histoire. Une histoire d’où émane une grande paix, rythmée par la douceur d’un quotidien sans enjeux majeurs.

Elles sont bien pratiques, ces deux lettres qui forment l’article indéfini « ça ». Une sorte de petit sac magique dans lequel il est possible de ranger tout un monde, des choses qu’on ne peut définir, et même toute une vie. « Honnêtement, je ne saurais pas le définir moi-même, et c’est ce qui me plaît », répond Fanny Desarzens, lorsqu’on lui demande ce qu’elle y met. “C’est toute cette question de ce qui n’est pas contrôlable.”

Dans ce troisième roman du lauréat du Prix littéraire suisse 2023 (pour «Galel», 2021), il est une nouvelle fois question d’histoire familiale. Alors que « Chesa Seraina » (éd. Slatkine, 2023) traitait de la reconstruction d’une maison familiale après un incendie, « Ce qui reste de tout ça » veut raconter l’histoire simple de gens qui semblent « sans histoire ».

À l’aide de phrases courtes, dans le style ramuzien qu’elle affectionne tant, Fanny Desarzens procède par zoom pour s’approcher de ses protagonistes en toute discrétion, tel un oiseau survolant un territoire avant de se poser, en l’occurrence dans le Gros-de-Vaud.

Au milieu de cette clarté, nous le voyons. Marianne est là, entre cette grande ligne de vert et cette grande barre de gris. C’est cette forme stable dans le décor, cet intervalle qui relie tout le reste.

Extrait de « Que reste-t-il de tout ça » de Fanny Desarzens

Transmettez un morceau de vous-même

Marianne est mariée à Adrien. Ses parents tenaient une petite épicerie dans une petite ville. Il fait partie d’une famille de six enfants, élevés par leur père. Quand Adrien et Marianne se rencontrent, ce n’est pas un coup de foudre, mais le sentiment immédiat qu’ils vont bien s’entendre. «Ils vivaient dans une sorte de gratitude parce qu’ils aimaient leur travail, ils aimaient le village et leur maison, ils s’aimaient», écrit Fanny Desarzens.

De leur union sont nés André puis Daniel. Il y a des déménagements vers des villes plus grandes – jamais nommées, même si Lausanne est reconnaissable. Nous sommes probablement entre les années 1960 et 1990, car il y a les thermos, le plein emploi, l’omniprésence de la radio et les épaulettes. C’est un monde de petits appartements, d’apprentissages, de petits boulots ; travailler là où il y a du travail. Il y a de la place pour le rêve, mais pas beaucoup, car il faut avant tout vivre, travailler, payer, mettre de côté pour transmettre un morceau de soi.

Les petites choses comptent dans un petit foyer. Chez eux, c’était cette absence de grands bâtiments, de gros animaux, de gros objets, de grands projets.

Extrait de « Que reste-t-il de tout ça » de Fanny Desarzens

Près du conte

Loin d’être un acte politique qui porterait l’étendard de toutes ces voix auxquelles on ne donne jamais la parole, le roman de Fanny Desarzens est plutôt un conte, empreint de roulages et de bercements réguliers de gestes que l’on répète, jour après jour. jour. Les points cousus par les mains de Marianne, couturière. La signature qu’Adrien doit apposer quotidiennement sur le registre, à son arrivée et à sa sortie du travail.

Geste qu’après sa retraite, ses mains continueront à se reproduire, mais dans les airs, comme pour ne pas rompre ce fil invisible qui le relie à son ancienne activité. « Il y a une certaine noblesse dans cette façon de vivre, disait l’auteur dans le podcast QWERTZ du 25 septembre, une beauté que je trouve merveilleuse, non pas dans l’absence de rêves, mais dans le simple fait de se contenter de ce qu’il y a. est.” Et si c’était « ça », la recette du bonheur ?

Ellen Ichters/mh

Fanny Desarzens, « Que reste-t-il de tout ça », éd. Slatkine, août 2024.

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