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“Nos livres audio s’adressent à un public particulier”

ENTRETIEN – Chaque année, l’association Donneurs de Voix décerne un prix national de lecture audio à un livre. Rencontre avec Claudine Barideau, sa présidente.

La popularité des livres audio ne cesse de croître. Début 2022, la France en comptait 9,9 millions “lecteurs audio”selon le baromètre des usages du livre numérique et audio réalisé par la Société française des intérêts des auteurs écrits (SNE). Il y a cinq ans, seuls 8 % des Français avaient écouté un livre audio au cours de l’année écoulée. Depuis, une enquête publiée en avril 2023, réalisée par OpinionWay et commandée par Audible, la filiale de livres audio d’Amazon, révélait que 57 % des personnes interrogées révélaient écouter régulièrement du contenu audio.

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Mais, parmi les géants de l’audio que sont Apple Books, Nextory, Kobo et Storytel, il existe un site hébergeant un catalogue gratuit de plus de 76 000 titres dont 17 000 titres téléchargeables. Mais pas n’importe lequel : celui de « Bibliothèques sonores »géré par l’association Donneurs de Voix créée en 1972 et reconnue d’utilité publique en 1977. Et pour un public bien précis. A l’occasion de la remise du prix national de lecture audio au lauréat Anthony Passeron pour son titre Les enfants endormis (Globe) and awarded by the Donneurs de Voix association in Lyon, we met its president, Claudine Barideau.

LE FIGARO. – How was the Donneurs de voix association born?

Claudine BARIDEAU. – L’association est née en 1972 à l’initiative d’un groupe d’amis dirigé par un ophtalmologiste nommé Charles-Paul Wannebroucq. De par sa profession, il était conscient des problèmes de vision. Avec l’aide du Lions Club de Lille-Centre, dont ce dernier était membre, ils ont commencé à enregistrer des cassettes de 90 minutes dans un appartement appartenant à l’association philanthropique. Au départ, l’idée était de les donner à des personnes âgées qui, après avoir atteint un certain âge, devenaient aveugles. Pour cela, ils ont créé la première bibliothèque sonore puis l’association des « Donneurs de voix ». L’idée a ensuite été reprise, il existe aujourd’hui 105 sonothèques en France qui sont toutes des établissements secondaires de l’association. Aujourd’hui, nous comptons plus de 30 000 membres auditeurs.

Vous avez même un prix littéraire pour les livres audio.

Ce prix existe depuis quatorze ans. C’est pour nous une manière de promouvoir la littérature et la lecture auprès d’un public qui est empêché de lire. Nous proposons à nos lecteurs d’être membres du jury, nous leur soumettons plusieurs livres qu’ils classent (nous disposons d’environ 400 lecteurs audio répartis dans 61 bibliothèques sonores). On ne suit pas forcément la logique des grands prix littéraires, on sélectionne en effet le premier ou le deuxième livre d’un auteur français résidant en France et qui n’a pas reçu de prix littéraire significatif. Cette année, notre choix s’est donc porté sur un livre qui avait remporté de nombreux prix, mais nous avions entamé la procédure de sélection bien à l’avance puisqu’il faut environ un an pour choisir le gagnant. Les bénévoles identifieront les livres, les choisiront, les proposeront, les enregistreront avant de les proposer à nos lecteurs audio qui ont plusieurs mois avant de se décider. Cette année, c’est le titre Sleeping Children d’Anthony Passeron qui a vraiment intéressé nos auditeurs.

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Avec le succès grandissant du livre audio, n’y a-t-il pas une concurrence avec votre association ?

Notre association a un rôle particulier. Nos lecteurs audio sont toujours des personnes « empêchées de lire ». Nous avons effectivement une exception au droit d’auteur en cas d’invalidité. Mais au-delà du handicap visuel, nous sommes désormais ouverts aux différentes formes de handicap grâce aux autorisations légales. Beaucoup de nos jeunes lecteurs souffrent de dyslexie ou de dyspraxie. Nous avons également des personnes aphasiques qui auront accès à nos livres audio.

Nous leur proposons gratuitement nos enregistrements, qu’il s’agisse de livres ou de magazines, puisque nous sommes uniquement bénévoles. Sont autorisées à accéder à notre site les personnes inscrites chez nous et disposant d’une attestation sur l’honneur attestant qu’elles souffrent d’un handicap les empêchant de lire. Nous avons aussi des médecins qui nous orientent vers des personnes malentendantes car il semble que cela leur permette d’entraîner l’audition qui leur reste. Comme pour les livres papier, il existe différents éditeurs, nous pouvons être complémentaires. Je suis sûr que certains de nos lecteurs audio sont également abonnés à Audiolib.

J’ai découvert plein d’auteurs grâce à l’association et aux livres audio et c’est vraiment un grand plaisir

Claudine Barideau, president of the Donneurs de Voix association

Êtes-vous surpris par la popularité des livres audio auprès d’un public sans besoins particuliers ?

On ne lit pas de la même manière avec nos yeux ou avec nos oreilles. Avec les yeux, on a tendance à scruter tandis qu’avec l’ouïe, on découvre des passages qu’on n’avait pas captés et qui ont été lus rapidement. On a des lecteurs audio qui nous disent qu’ils gardent le papier, même s’ils ne voient plus très bien, parce qu’ils ont besoin de l’odeur du papier par exemple. Chacun a une relation très personnelle avec le livre. La société évolue, certains préfèrent l’audio, d’autres préfèrent lire sur tablette tandis que d’autres souhaitent conserver le livre papier. Cela permet à différents publics de rencontrer un imaginaire.

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Comment sélectionnez-vous les livres à lire pour votre catalogue ?

Il faut avant tout que celui qui vote ait envie de le lire puisqu’on ne lit qu’un livre qui nous plaît ou un thème qui nous plaît. Ensuite, il arrive qu’à la demande d’un lecteur audio, on enregistre un livre qu’il a choisi. Nous accompagnons également les jeunes dans leur scolarité en leur offrant des livres en français étudiés en classe. Leurs professeurs nous disent quels livres ils vont étudier, s’ils ne les ont pas sous forme audio, nous demanderons à un donneur de voix de les lire.

Après, nous essayons d’avoir tous les prix littéraires et d’être suffisamment éclectiques dans nos enregistrements pour que l’auditeur retrouve une variété de livres sur notre portail comme s’il allait dans une bibliothèque. Certains lecteurs sont venus pour un type de lecture, ils ont fini par découvrir une diversité de livres. Personnellement, j’ai découvert plein d’auteurs grâce à l’association et c’est vraiment notre grand plaisir.

 
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