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L’Épiphanie de la mort — Critique Les Libraires

Et si feindre la mort nous rendait plus heureux ? C’est sur ce thème que David Foenkinos a construit son roman, Une vie heureuseparu l’hiver dernier. En confrontant l’intransigeance de notre époque à ce besoin irrépressible de s’en libérer, l’auteur bouscule le destin de ses personnages tout en proposant un autre chemin vers le bonheur et la beauté.

Dans Une vie heureuseLa notion de renaissance est omniprésente grâce à cette expérience thérapeutique sud-coréenne autour de la mort. Vous-même avez bénéficié d’une seconde chance, n’est-ce pas ? Votre expérience vous a-t-elle inspiré ce livre ?
Oui, absolument. J’ai été forcément touchée par ce sujet, et par cette thérapie incroyable, car j’ai vécu une expérience de mort à l’âge de 16 ans. Une expérience qui a changé ma vie, et a débloqué, d’une certaine manière, ma sensibilité. Je sais à quel point l’expérience de l’extrême, d’une maladie grave au deuil d’un être cher, peut vous propulser dans une façon radicalement différente de voir la vie.

Curiosités : Comment avez-vous découvert cette thérapie ? La feriez-vous si elle était exportée ?
Je suis tombée sur un reportage. Et j’en avais déjà entendu parler lors d’un voyage à Séoul. Les images étaient très impressionnantes. En Corée du Sud, pays où le taux de dépression est élevé, c’est devenu un véritable phénomène. Oui, je ferais le rituel avec plaisir. Je conseille à tout le monde de se mettre dans un cercueil !

Il est aussi question, en arrière-plan, de cette réussite que l’on affiche, de ces ambitions certes légitimes, mais qui ne font parfois que combler un vide. Avez-vous souhaité mettre en avant cette pression sociale, à l’image de vos deux personnages qui, chacun à leur manière, en souffrent ?
Oui, vous avez raison. C’est un livre sur la recherche du bonheur et de l’épanouissement. C’est un livre qui parle de changer de vie pour atteindre ce bonheur. Beaucoup de gens traversent leur destin sans se demander ce qui est essentiel pour eux. J’aime l’idée que mes personnages vont changer radicalement de vie et laisser derrière eux une forme de superficialité moderne.

Le passage où Eric et Amélie vivent une soirée en toute liberté, un peu hors du temps, est l’un de mes préférés du roman. C’est un moment de grâce rare, n’est-ce pas ? Faire tomber les barrières est de plus en plus difficile, n’est-ce pas ?
C’est parce que tu es romantique ! C’est un peu un passage Perdu dans la traduction. Deux collègues ensemble, à l’autre bout du monde, peuvent être propices à une sorte d’errance intime. Si mon livre parle de bonheur, il est aussi une histoire d’amour sur trente ans. Ma référence a été le film Quand Harry rencontre Sally.

Le sentiment de culpabilité d’Eric s’avère être un frein pour lui. Il se sent coupable de la mort de son père, subit les humeurs de sa mère tout en sachant qu’il est un mauvais père pour son fils depuis le divorce. C’est lorsqu’il se libère de ses fardeaux qu’il devient plus intéressant, moins beige. Une seconde vie réussie passe-t-elle nécessairement par une « mort » bien orchestrée ?
Chacun a ses problèmes, et c’est ce qui nous empêche d’atteindre la légèreté du bonheur. Pour Eric, c’est une immense culpabilité qui l’étouffe. On comprend plus tard dans le livre pourquoi. Changer, c’est aussi changer son regard sur son passé, et s’accepter tel qu’on est. L’expérience du rituel lui permettra de prendre les bonnes décisions, et de savoir comment agir pour adoucir une situation familiale qui semble terrible.

La quête de la beauté, du bonheur ou de l’absolu imprègne votre travail. Nous pensons bien sûr à Charlottea Délicatessea Vers la beauté mais aussi aux titres Le potentiel érotique de ma femme Ou Le mystère d’Henri PickTrouvez-vous le bonheur facilement ?
La beauté est au cœur de tous mes livres. Et simplement ici la beauté de vivre de façon paisible. C’est le travail d’une vie d’être heureux. Pour ma part, je suis plutôt un dépressif de bonne humeur. Dans tous les cas, j’essaie d’être joyeux le plus souvent possible, même si la mélancolie est présente.

Vous êtes drôle aussi. Votre écriture a souvent une pointe de sarcasme, une pointe d’ironie, une suffisance qui fait rire. Une façon pour vous de dédramatiser des propos plus sérieux ?
Absolument. J’admire plus que tout les gens qui me font rire. On parle de l’humour comme de la politesse du désespoir. J’adore cette formule. Il y a dans l’humour une façon de contourner la gravité des propos. J’espérais que ce roman serait aussi léger et même divertissant, malgré son sujet.

David Foenkinos est invité à la Maison de la littérature, le lundi 21 octobre, à 17h30, dans le cadre du festival Québec en toutes lettres. Bien que ce ne soit pas obligatoire, il est préférable de réserver votre place ici. Pour en savoir plus sur la programmation du festival, cliquez ici.

Photo : © Francesca Mantovani

 
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