La littérature, qui influence et reflète les mentalités, a été traversée au XVIIème siècle en France par l’idée que l’amour était une passion destructrice, et que la première rencontre annonçait des malheurs. Au siècle suivant, le sentiment amoureux devient peu à peu porteur d’un sens de moins en moins négatif. L’amour apparaît comme la grande affaire de la vie et le topos littéraire de sa naissance se métamorphose. La dernière publication importante sur ce sujet fut Leurs regards se croisèrent. La scène de première vue dans le roman (José Corti) de Jean Rousset, qui date de 1981 et couvre une large période, allant jusqu’au XXe siècle. Depuis quarante ans, aucune étude n’a revisité cette thématique à la lumière de l’histoire récente des émotions, du genre et du corps. Voici la perspective critique renouvelée dans un ouvrage collectif qui se concentre sur le seul XVIIIe siècle. Entretien avec Elodie Ripoll, maître de conférences à l’Université de Trèves et co-directrice du livre.
Pourquoi avoir choisi le XVIIIe siècle comme tournant ?
C’est à ce moment qu’apparaissent deux expressions qui ont longtemps fait fortune dans la langue française, “tomber amoureux” et “coup de tonnerre”qui associent la naissance de l’amour au sentiment du corps, qui est tout à fait nouveau. C’est à la fois une rupture avec la théorie cartésienne des passions, et avec la séparation entre l’âme et le corps, rupture rendue possible notamment par l’empirisme et les travaux de John Locke,
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