Le professeur Gwenaël Le Moal devient chef du service des maladies infectieuses et tropicales en octobre 2024.
Quel a été votre parcours professionnel ?
J’ai étudié la médecine à Paris puis mon stage au service de médecine interne, maladies infectieuses et tropicales du CHU de Poitiers. J’ai choisi cette spécialité car je suis de la génération VIH et les bactéries et virus sont des êtres fascinants. A la fin de mon stage, j’ai effectué une clinique à l’issue de laquelle j’ai obtenu un poste de praticien hospitalier. Je suis officiellement devenu chef du département et professeur agrégé du département des maladies infectieuses et tropicales séparé de la médecine interne, le 15 octobre, mais j’occupe ce poste depuis juillet 2024 déjà.
Pourquoi avez-vous accepté ce poste ?
Je ne voulais pas accepter ce travail. J’ai accepté parce que si je ne le faisais pas, personne ne le ferait. Le service était dans une spirale négative, sans enseignants et avec peu de professionnels. Il y a un an, nous n’étions que trois. Les maladies infectieuses sont un domaine qui a beaucoup souffert pendant la période covid et post-covid car nous étions en première ligne. Plusieurs professionnels ont quitté cette spécialité qui attire également moins de stagiaires. La situation s’améliore progressivement. J’ai fini par accepter parce que des collègues m’ont fait comprendre que si je prenais la direction du département, ils me suivraient. C’est agréable de travailler avec des personnes motivées et qui ont envie de travailler. C’est ce qui me fait dire que cela vaut peut-être la peine, même si je dois sacrifier une partie de mon activité clinique et le contact avec les patients que j’apprécie beaucoup. Quelqu’un doit être identifié comme leader pour décider quand une décision doit être prise ou pour discuter avec la direction.
Parlez-nous du service des maladies infectieuses et tropicales ?
Le service compte trois praticiens hospitaliers, les docteurs Jean-Marie Turmel, Diama Ndiaye et Sébastien Vingerhoets, une professeure des universités-praticienne hospitalière, France Cazenave-Roblot, et moi-même qui suis professeur-praticienne hospitalière attachée. Un responsable clinique est également actuellement en poste. Le service est constitué d’une unité d’hospitalisation qui traverse actuellement une période difficile. Faute de moyens humains, notamment infirmiers, nous sommes passés de 27 à 18 lits. Nous nous efforcerons de revenir à un nombre de 22 lits, qui est le nombre nécessaire pour couvrir notre activité. Nous avons également une activité transversale importante sur le bon usage des antibiotiques au sein de l’établissement, sujet sur lequel nous sommes plutôt proactifs. Nous aidons les services en prenant en charge tous les patients ayant une hémoculture positive avec l’aide du laboratoire de bactériologie. Nous essayons de développer notre expertise pour améliorer l’usage des antibiotiques car les bactéries résistantes représentent un enjeu de santé publique.
Nous avons également des consultations selon les centres de compétences et d’expertise sur différentes pathologies comme le VIH, les endocardites, les infections chez les personnes immunodéprimées ou encore les infections ostéoarticulaires. Ainsi, nous travaillons en étroite collaboration avec d’autres services comme la cardiologie, l’onco-hématologie ou l’orthopédie. Nous sommes centre de référence contre la rage et centre international de vaccination, notamment contre la fièvre jaune, et bientôt centre départemental de vaccination.
Parlez-nous de ce projet de centre départemental de vaccination ?
Le projet est actuellement en cours de finalisation et devrait démarrer dans les premiers mois de 2025, avec le Dr Valentin Giraud comme praticien coordinateur. Il s’agit d’un projet initié par le professeur France Cazenave-Roblot il y a plusieurs années. Il répond à une demande de l’Agence régionale de santé car il n’existe pas de centre de vaccination dans la Vienne. Avec la vaccination des adolescents contre le papillomavirus, le projet a bien avancé. La création de ce centre de vaccination répond à plusieurs objectifs, le premier étant de vacciner les populations vulnérables en dehors de l’hôpital, dans tout le département, au sein de structures comme le relais Georges Charbonnier. Le centre soutiendra également la vaccination des patients immunodéprimés pour lesquels les vaccinations sont indispensables. Cela prend tout son sens avec l’extension du centre régional de cancérologie. Le centre aura également pour mission de promouvoir la santé en lien avec l’équipe de santé publique du professeur Marion Albouy. Le bureau du centre de vaccination sera ainsi situé à Vie la Santé.
Quels sont vos défis en tant que chef de service ?
La première est que tous les professionnels du service soient épanouis ; qu’ils sont heureux de venir travailler tous les jours. Des professionnels épanouis produisent un travail de qualité. Nous devons prendre en compte la manière de travailler des jeunes professionnels qui ont aujourd’hui des priorités différentes de celles qui étaient les nôtres. Nous essayons de trouver d’autres façons de travailler pour que tout le monde en profite, tout en restant exigeants sur la qualité de nos soins.
Être chef de service, c’est écouter et s’adapter. Ce n’est pas parce que je suis chef de département que les relations doivent être condescendantes. Quoi qu’il en soit, j’ai le privilège de l’âge donc je suis écouté. J’ai la chance d’être entouré de personnes qui ont envie de travailler avec moi. Cela rend les choses beaucoup plus faciles. J’essaie d’avoir une réunion une fois par semaine pour rencontrer l’équipe soignante. Je suis optimiste quant à notre capacité à travailler en équipe. J’aime le travail d’équipe, sinon je ne travaillerais pas à l’hôpital.
Chacun de nous doit aussi avoir sa propre expertise même si nous sommes obligés de connaître un peu toutes les maladies infectieuses en raison des contraintes. Là, nous nous en sortons plutôt bien. Il s’agira alors pour moi, en tant que professeur agrégé, d’accompagner les étudiants dans leurs projets professionnels, tant à l’université qu’à l’hôpital. Nous allons réintroduire l’enseignement au chevet qui a été quelque peu négligé ces dernières années. Seule universitaire du service, le professeur France Cazenave-Roblot ne pouvait y parvenir seule.
Le dernier enjeu concerne notre implication dans les recherches que nous développerons dans les années à venir. Nous participons ainsi à des projets de recherche plus fondamentaux avec l’unité de recherche INSERM-U1070 PHAR2 « Pharmacologie des anti-infectieux et résistance aux antibiotiques » dirigée par le Professeur Sandrine Marchand.
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