Jacques Damade, président de l’association des éditeurs indépendants L’Autre livre a déploré cette mesure : «Coup double pour le livre dont l’aspect international est un aspect important. Avec cette mesure, nous évaluons la santé du livre et la diffusion de la culture française. Seul Amazon, pauvre contribuable, peut se réjouir. »
L’industrie de la livre frappée à l’échelle mondiale
Mais l’offre ne séduisait pas seulement les éditeurs, puisqu’elle s’adressait aussi bien aux associations qu’aux particuliers – et donc en même - aux libraires. Philippe Mesnard, qui dirige le Comptoir du livre ancien et moderne (Ruelle-Sur-Touvre en Charente) tente alors de faire appel à l’intelligence collective.
« La fédération des éditions indépendantes a exprimé sa réelle inquiétude et les conséquences économiques liées à cette décision, mais sans réels résultats immédiats.», assure-t-il. Et en effet, Esther Merino et Dominique Tourte, présidente-directrice générale de la Fedei, avaient pris position dans les colonnes d’Actualité.
«C’est certes un nouveau coup dur pour l’édition indépendante, en raison des surcoûts, mais c’est aussi un mauvais signe pour la langue française, un coup de pouce supplémentaire à la concentration éditoriale et un frein dans les rouages de la pluralité des pensées. », ont-ils écrit.
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Et d’ajouter : «Le monde politique français agit à la lumière de ses propres errances, n’ayant plus rien à dire au monde, il pense peut-être que c’est le cas de tout le monde. Ne supprimez pas le prix des livres et des brochures, nous n’avons pas abandonné l’idée d’un dialogue universel.»
Les commerçants dans la foulée
Philippe Mesnard, souligne avec eux que «le groupe La Poste, dont l’État et la Caisse des Dépôts restent actionnaires majoritaires, négocie des tarifs préférentiels pour les plateformes de e-commerce alors même qu’Amazon, par exemple, a tout fait pour contourner efficacement l’application de frais de port obligatoires pour l’envoi de livres».
Avec pour conséquence immédiate que le groupe La Poste «renforce avec cette décision, les géants de la nouvelle économie et ses multiples collaborateurs».
Et de cette manière, cela contribue à fragiliser les petites structures indépendantes et professionnelles. Ces acteurs essentiels de l’économie locale et nationale se retrouvent fragilisés au profit de modèles de consommation privilégiant la concurrence généralisée, encouragés par le slogan « tous commerçants ».
Selon lui, les libraires indépendants réaliseraient 15 à 20 % de leur chiffre d’affaires via ce prix. “Cette perte de revenus importante liée aux expéditions internationales va gêner le fonctionnement de ces petites structures dans un contexte déjà très concurrentiel. Ces structures proposent également leurs services aux consommateurs locaux et nationaux en tant qu’intermédiaires de distribution. Certaines sont directement menacées d’extinction.»
La Poste, à côté de l’édition ?
Le libraire spécialisé dans les ouvrages anciens estime – et peu seront en désaccord – qu’un «un nouveau tarif préférentiel étudié et réservé aux professionnels du livre, permettant au groupe La Poste de ne pas perdre d’argent (comme il l’a affirmé en 2018 à la commission des affaires culturelles) même s’il n’en gagne pas, sur les envois internationaux, serait le bienvenu».
Problème, a expliqué le ministère de la Culture : «Il s’agit d’une offre gratuite proposée par le Groupe La Poste qui ne résulte d’aucune obligation légale au titre du service postal universel. L’objectif du Groupe est de maintenir un service économique tout en poursuivant l’effort de réduction du déficit généré par cette offre qu’il soutient pleinement.»
A ce titre, personne n’a réellement la possibilité d’obliger l’entreprise à maintenir cette offre.
Solution, proposée par Philippe Mesnard : «Une voie médiane peut être trouvée pour que le Groupe La Poste continue d’être le partenaire du développement des professionnels indépendants sur nos territoires et l’acteur du rayonnement de la culture française à l’étranger.»
Pour attirer l’attention des pouvoirs publics et des lecteurs sur ce sujet, il a récemment lancé une pétition, consultable à cette adresse.
Crédits photos : roi paresseux, CC BY SA 2.0
Par Clément Solym
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