La biographie d’Alain Paco : « Un livre comme une thérapie ! »

La biographie d’Alain Paco : « Un livre comme une thérapie ! »
La biographie d’Alain Paco : « Un livre comme une thérapie ! »

L’ancien talonneur de l’AS Biterroise et de l’équipe de , sextuple champion, vainqueur du Grand Chelem en 1977 dans une équipe mythique, a accepté de raconter son histoire dans une biographie écrite Jean-Luc Fabre. Il raconte avec émotion une vie marquée par la mort tragique de son père alors qu’il avait à peine quinze ans.

Pourquoi avoir écrit un livre dans lequel vous vous dévoilez, ce qui n’est pas courant chez les anciens joueurs de Béziers ?

En tant que joueur, je n’avais pas conscience du contenu de ma carrière. C’est arrivé très vite, en écrivant cette œuvre avec Jean-Luc Fabre, j’ai pu, sans prétention, en apprécier la profondeur. J’ai l’impression d’avoir complété ma panoplie de trophées (rires). Je dis cela avec modestie et avec cette humilité que notre coach, Raoul Barrière, le sorcier de Béziers, a toujours prôné. Malgré les titres et les honneurs, chaque début de saison était l’occasion d’une grande remise en question. Cette éducation a été la clé de la réussite du Grand Béziers, j’y fais encore référence. Raoul répétait sans cesse qu’il fallait respecter nos adversaires.

Que signifiait pour vous respecter votre adversaire ?

Cette équipe, qui a remporté dix titres de 1971 à 1984, a donné une fausse impression d’arrogance, mais elle n’a jamais cessé de prendre en compte les forces et les faiblesses de ses adversaires. Avant que le rugby ne devienne professionnel, chaque équipe avait son propre style, ce qui nous obligeait, sans magnétoscope, au début, sans ordinateur, à étudier leur jeu en profondeur. Notre besoin portait sur ce travail d’analyse. Béziers ne s’est jamais senti intouchable. Barrière nous a mis en tête qu’on allait souffrir, il a été à la limite cruel à l’entraînement. On le traitait à tort de rustre, c’était un chercheur hors pair, il travaillait seul, s’occupant à la fois de la technique et de la physique.

Avant de devenir talonneur de l’ASB et de l’équipe de France, votre parcours sportif ne ressemble à aucun autre.

C’est vrai, je débute par le football. C’est là que j’ai rencontré Armand Vaquerin (dix boucliers, recordman du genre). Il a joué au but dans l’équipe adverse, avec lui j’ai gagné six Brennus. Je dois ma progression à de très belles rencontres, celles de professeurs de sport, d’éducateurs et d’entraîneurs, dont deux qui ont marqué ma vie de rugbyman, Raoul Barrière et Jacques Fouroux. Très tôt, je me suis passionné pour le sport. Après le football, j’ai opté pour le rugby à 11 ans. Je débute comme ouvreur, je suis même buteur. Je passe à la troisième rangée puis m’installe à la queue. J’ai même joué une finale pilier. Je suis fier de dire qu’en 1972, lors du premier match de rugby disputé au nouveau Parc des Princes qui opposait Béziers à Neath, champion du Pays de Galles, j’étais aligné en numéro dix.

Mais votre position à Béziers et en équipe de France était celle de talonneur.

Oui, c’est arrivé en quelques mois. En janvier 1974, suite à la blessure d’Elie Vaquerin, Raoul Barrière me bombarde au talonnage. Je m’adapte en sachant qu’autour de moi, j’ai des joueurs de confiance, des durs. Juste après le titre remporté contre Narbonne, je suis parti en tournée en Argentine avec l’équipe de France. Là, tout a très mal commencé : lors d’un match provincial joué dans la semaine, j’ai découvert la bajadita, une manière très particulière qu’ont les Argentins de pousser en mêlée. Ma tête est à dix centimètres du sol et il m’est impossible de talonner. J’ai perdu quinze balles lors de notre introduction, un véritable cauchemar. Je pense que ma carrière est terminée. Mais non, je suis resté à ce poste pendant six ans et ça m’a plu.

Comment était le haut niveau en 1974 ?

J’avais l’impression d’entrer dans une centrifugeuse. A Béziers, les anciens me jugeaient mais j’avais un avantage dans mon jeu, j’étais polyvalent et Raoul Barrière aimait ça. Il a très vite eu confiance en moi. J’avais la vision d’un demi d’ouverture, les jambes d’un troisième ligne. Ce poste de talonneur qui n’était pas très plaisant au début des années 70, j’ai fait autre chose parce que j’étais un joueur complet. Je me sentais libre. Avec l’ASB, personne n’était restreint, mais toute perte de balle était interdite. Il fallait le déplacer le plus possible tout en évitant tout arrêt. Raoul Barrière s’est inspiré des Noirs pour le jeu et des Boks pour la puissance. Béziers était une équipe qui a réalisé la synthèse.

Comment se déroulaient les relations entre les joueurs ?

Quand on avait souffert, à Bayonne, à Toulon, à Montferrand, enfin, dans le bus ou sur un quai de gare, on se racontait tout. Personne n’avait peur de souligner ses faiblesses. Des problèmes ont également été résolus dans le vestiaire ou au joug où nous avons passé beaucoup de -. On a beaucoup parlé de rugby. Avec des hommes de la trempe de Saïsset, Cabrol, Astre, Martin, Cantoni… quelque chose sortait toujours de ces discussions. Nous avons cherché et nous avons trouvé.

Vous faites partie de cette équipe mythique de 1977 qui a remporté le Grand Chelem avec les mêmes quinze joueurs. Comment a-t-il été construit ?

Avant que Jacques Fouroux ne devienne capitaine, l’équipe de France avait un fonctionnement particulier : en gros, chacun jouait pour soi afin d’être sélectionné pour le match suivant. Mais tout a changé parce que Jacques a insisté pour qu’il n’y ait plus de mauvaise concurrence. L’aventure de 1977 est née de cette idée et de la tournée de 1974 en Argentine. Fouroux a eu raison de Richard Astre qui était mon capitaine à Béziers dont il était l’enfant roi. Il prenait soin de lui avant de prendre soin des autres, tout le contraire de Fouroux. L’un cherchait à se faire remarquer, il était techniquement le meilleur, tandis que l’autre réunissait un groupe avec un projet simple mais réel. Il a fait une sélection en club. Il aurait aimé que je dise qu’un résultat sportif est le résultat d’un combat, pas d’un spectacle. Comme à Béziers, nous avons gagné des titres en faisant peur à nos adversaires. Souvenez-vous, la presse anglaise décrivait l’équipe de France de 1977 comme une horde sauvage.

A à peine 29 ans, vous décidez de ne plus jouer en équipe de France. Pourquoi partir si tôt ?

J’étais chef d’entreprise et il ne m’était plus possible de partir en tournée. Je n’avais pas 30 ans et j’ai dit stop. J’avais tellement donné, cela dit, c’est sur un coup de tête que j’ai quitté l’équipe de France en 1981 et l’ASB en 1982. Je ne me voyais pas faire un mauvais match. Je ne supportais pas l’idée d’être un joueur moyen.

Dans votre biographie, vous racontez des passages intimes de votre jeunesse marquée par la mort subite de votre père alors que vous n’aviez que quinze ans.

Il m’a fallu un an pour être convaincu, je trouvais ça prétentieux. Je l’ai fait, il était -. Beaucoup de sentiments, de souvenirs étaient restés enfouis. Mon fils m’a dit qu’il avait appris des choses sur moi en lisant ce livre. J’ai été profondément marqué par le décès de mon père, André, avec qui j’allais à Sauclières, l’ancien stade de l’ASB, étant enfant. La première fois que j’ai porté le maillot rouge et bleu de l’équipe première, mes pensées sont allées vers lui qui ne m’avait jamais vu jouer au rugby. Ce jour-là, j’avais l’impression d’avoir fait quelque chose de ma vie. J’étais devenu quelqu’un. À chaque match, je me voyais comme le porte-drapeau de ma famille. Les gens de ma génération ont été élevés dans une certaine pudeur, on ne parlait pas de choses. J’ai évolué et cela a ravivé un sentiment d’absence, de perte. J’ai vécu ce travail de co-écriture comme une thérapie. Maintenant, je me sens mieux. J’avoue que ça flattait mon ego, pour les supporters je suis toujours en vie. Un jour, sur le GR 20, un fan de rugby australien m’a reconnu, et nous avons pris une photo. Aujourd’hui, grâce à ce livre, j’ai le sentiment de ne pas m’être trompé de route.

Vous étiez entraîneur et manager une fois que vous avez raccroché vos crampons. En lisant votre livre, force est de constater que vous n’avez pas de bons souvenirs de ces périodes.

Jouer est meilleur et plus abouti. Le coach vit le rugby par procuration. J’ai eu mes succès et mes échecs. J’étais parfois timide. Un grand joueur n’est pas forcément un grand entraîneur, surtout quand on lui tend des pièges. Au fur et à mesure que le rugby évoluait et devenait plus professionnel, j’ai vu que les choses m’échappaient. S’entraîner, c’est prendre des décisions qui peuvent être ennuyeuses. Certains anciens vous disent bonjour, d’autres non. En exerçant ce métier j’ai pu constater à quel point Raoul Barrière et Jacques étaient de grands coachs, ils contrôlaient tout. En leur -, les joueurs se taisaient ou réglaient leurs affaires avec l’entraîneur. Aujourd’hui, ils vont directement voir le président. En tant que joueur, je n’ai jamais eu l’impression de jouer un rôle, la télévision n’entrait pas dans le vestiaire où chacun restait soi-même. Je ne pense pas que ce soit le cas aujourd’hui. Concernant le jeu, je n’ai pas honte du rugby qu’on jouait au début des années 70. Il n’a pas vieilli. Je ne suis pas un attardé, je comprends toujours ce jeu. Les règles ont été modifiées pour en faire un spectacle et le public joue un autre rôle, un peu à la manière des jeux de cirque. Un détail, je ne comprends pas cette histoire de dépossession car je m’en tiens toujours aux propos de Raoul Barrière. Il a dit : “Plus vous avez le ballon, moins vous courez de danger. Les gars, si vous pouviez garder le ballon pendant quatre-vingts minutes, ce serait parfait.”

 
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