Lawrence Hill dénonce l’interdiction des livres imposée par les conseils scolaires de l’Ontario

Le célèbre auteur canadien Lawrence Hill critique la récente interdiction imposée par un conseil scolaire de l’Ontario aux élèves de lire des livres qui mentionnent le mot n. Il estime que la mesure « rendra impossible une discussion sérieuse sur le racisme anti-Noirs » en classe, que son roman à succès aurait notamment pu susciter. Aminata.

[Cette décision] vous empêche complètement de lire des auteurs noirsdéplore-t-il, soulignant que les élèves perdent ainsi la possibilité de découvrir, dans leurs cours, que ce soit Martin Luther King, Toni Morrison, Alice Walker […]tout autre écrivain noir canadien ou américain majeur dont les écrits incluent le mot n.

L’auteur dit qu’il avait une réaction de déception après avoir été contacté le mois dernier par un enseignant du conseil scolaire catholique anglophone de London, dans le sud-ouest de l’Ontario. Cette dernière l’a informée qu’elle ne pourrait plus utiliser la version anglaise deAminata car l’ouvrage mentionne, à quelques reprises, le mot n.

Même si ce mot est douloureux et souvent très insultant, car il fait partie de notre expérience et de celle de nos ancêtres aussi, en tant qu’artistes, nous y allons. On explore parfois le contexte dans lequel apparaissent ces propos insultantsdit M. Hill.

Supprimer la possibilité d’utiliser ces livres en classe rend impossible une discussion sérieuse et approfondie du racisme anti-Noirs au Canada et ailleurs dans le monde.

La commission scolaire a décidé d’adopter une approche éclairée selon laquelle certains livres contenant un langage et un contenu potentiellement pénibles ne devraient pas être obligatoirement lus ou soumis à une évaluation dans nos écolesexplique un porte-parole dans un courriel envoyé mercredi à -.

Il précise quece n’est pas de la censure et que les étudiants qui le souhaitent peuvent toujours se procurer ces livres dans les bibliothèques scolaires.

Le bien-être de nos étudiants passe toujours en premier. […] Nous devons prendre en compte les différentes sensibilités et expériences de nos étudiants.

La justification est loin de convaincre Lawrence Hill, qui enseigne également à l’Université de Guelph.

Il est possible d’explorer des thèmes difficiles et importants dans la société canadienne sans nuire au bien-être émotionnel de nos élèves.note-t-il.

Devons-nous demander à nos professeurs de lycée de ne pas parler de l’Holocauste sous le régime nazi en Allemagne ? […] Il va sans dire que la littérature les interpelle et les oblige à se poser des questions difficiles sur la condition humaine.

Nous ne pouvons pas cacher l’histoire

La décision de la commission scolaire est également condamnée par la militante Alexandra Kane, membre du groupe Les vies des noirs comptent de Londres, qui estime qu’une salle de classe est plutôt le meilleur endroit avoir une discussion sur le mot n, contrairement à une cour d’école où certains élèves peuvent l’utiliser de manière offensive.

Elle croit qu’en interdisant l’enseignement de livres comme celui de Lawrence Hill, la commission scolaire minimise l’attention qu’ils méritent.

Aminata explore notamment l’arrivée, en Nouvelle-Écosse, de milliers de loyalistes noirs, dont d’anciens esclaves après la guerre d’indépendance américaine. Après avoir fait face à l’hostilité de leur nouvel environnement, nombre de ces loyalistes ont choisi de retourner s’installer en Afrique.

Cet épisode était très, très peu connu au Canada des lecteurs, des étudiants avant la parution du livre de Lawrence Hill en 2007 (la version française est parue en 2011), souligne l’auteur lui-même, convaincu que parfois, un roman est un excellent outil pour initier les étudiants à l’histoire des Noirs.

Un livre aussi gigantesque, aussi important historiquement, qu’il valide pour les Noirs, l’interdit dans les écoles, encourage pour moi cette image faible et négative des Noirs alors qu’au Canada et aux États-Unis, les Noirs ont contribué» dit la médiatrice culturelle Justine Gogoua, basée dans le Nord de l’Ontario.

Nous ne pouvons pas cacher l’histoire. […] L’histoire d’un peuple n’est pas un conte de fées. Si nous voulons guérir et créer les prochains citoyens qui contribueront au développement et à l’équilibre de cette société, nous devons maintenant dire la vérité aux gens, aux enfants et entamer de véritables processus de guérison.

Elle travaille souvent avec des étudiants et veille à ce queavec une bonne intention pédagogique, […] nous pouvons trouver des solutions ce qui nous permet de discuter respectueusement avec eux des œuvres qui contiennent le mot n.

Lawrence Hill dit qu’il espère que le conseil scolaire finira par revenir sur sa décision et consulter d’autres conseils scolaires qui ont des politiques plus élaborées en la matière, comme le conseil scolaire catholique anglophone de Toronto.

En 2023, ce dernier a adopté une politique autorisant l’utilisation à des fins pédagogiques des œuvres contenant le mot n, mais uniquement lorsque leurs auteurs sont noirs.

Nous encourageons les enseignants à faire preuve de discernement et de réflexion dans le choix des livres, dans une perspective centrée sur l’élève.dit un porte-parole.