Dans « C’est ce que nous désirons », recueil à trois voix, les poètes cherchent dans les échos de leurs écritures entrelacées un langage commun qui nous permet de voir un autre monde.
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Tous trois sont poètes. Le premier est également critique, co-rédacteur en chef de la revue littéraire Diacritique. Le deuxième est performeur et le troisième, vidéaste et ancien producteur de radio. Mais surtout Jean-Philippe Cazier, Claude Favre et Frank Smith, forment dans leur collection à six mains, C’est ce que nous voulons, publié par LansKine, une chorale indistincte en quête d’un langage onirique. Autrement dit, trois voix qui, unies, entrelacées et entremêlées, cherchent ce qui dans l’écriture poétique et ses ramifications peut faire cause commune, peuvent trouver des échos partagés.
« La versification du monde / Littérature de la Terre / Ou rien »résume autrement dit le trio, qui poursuit la tentative collective initiée sur la place politique du corps dans Vingt-quatre états du corps par seconde, par le couple Cazier-Smith. Successions de fragments dans une prose elle-même fragmentaire (vers d’économie souvent très brefs), la proposition, qui se veut performative, avance à tâtons dans ses propres errances et murmures – «amas» de mots, « échantillonnages » et “aphorismes” – jusqu’à ce qu’il jaillisse “une langue qui n’existe pas encore”, comme si le poème réalisait un souhait dans un rythme lié au flux. Comme: « Une poésie qui créerait /Le ciel l’effondrement du ciel la /Destruction du monde. » Cela pose aussi la recherche d’une langue vivante – dans le sens où elle est pleine d’une nouvelle vitalité – et sensible, parce qu’elle démontre une vulnérabilité, mais absolument pas textualiste ou formelle, comme un acte de résistance.
C’est ce que nous voulons de Jean-Philippe Cazier, Claude Favre et Frank Smith, éd. LansKine, 144 pp., 12 euros.
L’extrait
Ils disent que la poésie est ceci ou
C’est ce qu’on dit de la poésie
La poésie ne sait rien, elle ne sait rien
Défait et dit tout ce qui peut être dit
Tout ce que nous ne pouvons pas dire
La poésie a plus de questions que
Les réponses sont le nom de l’ignorance
Un analphabétisme profond
La poésie est un fait, c’est un
Dislocation des faits un
La dislocation de la poésie est
Ce que nous voulons
Un désir de violations du code
Capitaliste ambiant