C’est un livre qui peut se lire comme une histoire culturelle des civilisations à travers la street food : « street food ». On peut aussi le déguster en plongeant dans sa richesse encyclopédique si l’on veut connaître l’origine et l’histoire de plats qui appartiennent plus ou moins à notre quotidien et dont les débuts et les adaptations sont parfois insoupçonnés. Finalement, on peut évidemment le considérer comme un incroyable livre de recettes pour voyager à travers le monde.
Un ouvrage gargantuesque pour son auteur, Marcelle Ratafia, passionnée d’histoire culinaire : « J’ai dû croiser plein de sources différentesexplique-t-elle. Et il n’a pas toujours été facile de démêler la réalité de la fiction. Mais c’était vraiment passionnant car c’est comme un voyage différent à chaque fois et toujours dans un univers populaire. Cela me tient à cœur », ajoute celui qui a déjà écrit des ouvrages sur l’argot, l’habillement et le vin sous cet angle.
Des recettes parfois vieilles de plusieurs milliers d’années
Préfacé par le grand chef Mory Sacko, Cuisine de rue culturelle (Éditions Marabout) s’attache également à rendre hommage à la richesse de la street food. « Il n’existe pas d’ouvrage de référence sur le sujetcontinue-t-elle. Et en France, on a surtout une vision qui fait qu’on ne connaît pas grand chose d’autre que McDonald’s quand on parle de street food. Juste pour parler du kebab, qui n’est pas toujours bien vu, il y a une histoire particulière. Il passe par l’Allemagne, le Liban et la Grèce ». Et même si elle concède qu’il y a souvent “beaucoup d’huile” dans la street food, il y a aussi des recettes très saines comme en Inde par exemple.
Des monuments de la street food sont entrés dans les foyers, notamment français, comme le rouleau de printemps, «un concentré de cuisine vietnamienne»et « le rouleau de printemps qui est sa version frite ».
« Il y a des recettes qui ont presque mille ans et il y en a qui sont très récentes parce que les gens ont déménagé. Que ce soit au sein d’un grand pays comme la Chine ou l’Inde, il existe aussi des Chinois du Sud qui ont dû aller chercher du travail à La Réunion. Cela a donné le bouchon qui est aujourd’hui une sorte de mélange réunionnais-sino-français”.
“Il existe une sorte de communauté de pantoufles”
Le hamburger que tout le monde connaît “vient probablement d’Allemagne” et son steak haché des steppes mongoles de Gengis Khan sûrement. Les célèbres pastaìs de nata qui font la fierté des Portugais ont suivi la route de ses comptoirs jusqu’à Macao et Singapour, où elles se sont transformées et ont évolué vers une autre spécialité tout aussi délicieuse.
-Il est également frappant de voir qu’à des milliers de kilomètres, d’un continent à l’autre, sans qu’aucune interaction ne puisse être image, des techniques et des plats très similaires ont fleuri. « Tout ce qui est crêpes, crêpes, beignets… On en trouve partout dans le monde. Ils n’ont pas la même tête, parfois ils se ressemblent extraordinairement comme les petites pantoufles que l’on peut utiliser comme empanadas (en Argentine) Par exemple. Elles ont toutes un peu la même forme, pas tout à fait la même recette mais il y a une sorte de communauté de chaussons. »
Evidemment, ce livre richement illustré ne sert pas qu’à faire saliver ou stimuler les papilles à l’idée de se rendre dans ces marchés du bout du monde ou dans ces rues pleines de cuisines extérieures. Marcelle Ratafia encourage les lecteurs à reproduire ces plats chez eux. Tous ne sont pas simples, admet-elle, car comme ils sont destinés à être fabriqués en grande quantité, il faut parfois beaucoup d’huile ou des outils adaptés.
« Je pense à la calentica algérienne. Pour moi, elle est l’avenir de l’Humanité ! C’est une sorte de flan de pois chiches au cumin que l’on glisse dans un pain à la harissa. C’est un snack qu’on mange pour 20 centimes en Algérie et qui est très simple à préparer. Comme les crêpes chinoises Jian Bing. Je pense aussi aux suya, les brochettes haoussa très répandues en Afrique de l’Ouest. Ce sont des brochettes de bœuf avec un mélange de piment, de poudre de cacahuète, etc… et c’est divin. Pour les barbecues et pour frimer devant les amis, franchement, il n’y a rien de tel que ce mélange qu’on trouve en épicerie”.
« Street food culture » de Marcelle Ratafia, 360 pages, 39 euros aux éditions Marabout. Marcelle Ratafia sera en dédicace au festival Humour & Vin de Bourges, les 7 et 8 décembre et à la Fnac de Tours, le 11 décembre, de 15h à 18h.