Intelligence artificielle et édition – Livres Hebdo – .

Intelligence artificielle et édition – Livres Hebdo – .
Intelligence artificielle et édition – Livres Hebdo – .

Comment l’intelligence artificielle générative va-t-elle révolutionner le monde de l’édition ? La question interroge, inquiète ou laisse indifférent. Elle n’est pas nouvelle et elle n’est pas près d’être résolue. Quoi qu’il en soit, il est possible de conclure que les avancées technologiques liées à l’IA, notamment l’IA générative, bouleversent et continueront de bouleverser le monde de l’édition autant qu’elles l’apportent et l’apporteront.

En effet, cette révolution a déjà commencé. Des transformations majeures se préparent ou s’imposent déjà tout au long de la chaîne du livre : fabrication, traduction, méthodes de vente, création de métadonnées et création. Grâce aux données exploitées, de plus en plus d’applications concrètes apparaissent tout au long de la chaîne de valeur, aussi bien au stade de la création qu’au stade de la consommation pour recommander des contenus aux internautes, en passant par l’étape de production afin de prendre les décisions d’investissement adaptées et de renforcer, voire de remplacer, les intuitions et expertises humaines habituelles.

Dans la mesure où la quantité et la qualité des données utilisées pour alimenter le développement de l’IA deviennent un facteur de compétitivité, le partage et la circulation des données soulèvent des questions spécifiques. Au-delà de l’enjeu de transparence pour une répartition équitable des revenus, au bénéfice des ayants droit, c’est en réalité l’ensemble des équilibres au sein du secteur qui sont susceptibles d’être remis en cause.

Premiers impacts visibles

Aujourd’hui, les premiers impacts de l’IA générative sont déjà visibles dans le domaine de la traduction, de la conversion de manuscrits de livres ou de livres déjà publiés dans une multitude de formats (audio, numérique, etc.), des outils de recherche dans des bases de données de livres numérisés ou encore dans les processus de rédaction de textes courts et simples par un nombre croissant de journaux ou d’agences de presse.

Si certaines avancées sont perçues comme des avantages, comme anticiper ou accroître les attentes des consommateurs, ou encore faciliter la distribution et la gestion des stocks, certains sujets soulèvent des questions juridiques évidentes, dont la principale concerne la titularité et la protection des droits de propriété intellectuelle et artistique, tant en amont (sur le statut des œuvres qui alimentent l’IA) qu’en aval (sur la qualification de la réalisation algorithmique et sur le régime juridique pertinent).

En ce qui concerne la protection de ces droits, il convient d’accorder une attention particulière aux questions suivantes :

  • la loyauté et la transparence des traitements de données sous-jacents au fonctionnement de ces outils ;
  • la protection des données accessibles au public sur Internet ;
  • la protection des données transmises par les utilisateurs lorsqu’ils utilisent ces outils, allant de leur collecte à leur éventuelle réutilisation, en passant par leur traitement par des algorithmes d’apprentissage automatique ;
  • les conséquences sur les droits des individus sur leurs données, tant par rapport à celles collectées pour la formation des modèles que celles qui peuvent être fournies par ces systèmes, comme les contenus créés avec l’IA générative ;
  • protection contre les préjugés et la discrimination qui peuvent survenir ;
  • les enjeux de sécurité et de protection des libertés publiques de ces outils.

Plus généralement, derrière l’une des avancées technologiques les plus significatives du 21e siècleet Au cours du siècle dernier, des questions juridiques complexes se sont cachées, soulevant des questions éthiques, des questions de responsabilité et de protection des droits fondamentaux, à savoir :

1. Responsabilité :

L’un des principaux défis juridiques de l’IA est de déterminer la responsabilité des dommages causés par les systèmes autonomes. Qui est responsable lorsque l’IA prend une décision préjudiciable ? L’opérateur, le concepteur de l’algorithme ou l’IA elle-même ? La législation actuelle peine à définir clairement la responsabilité, augmentant ainsi le risque de failles juridiques.

2. Protection des données et confidentialité :

L’IA fonctionne en grande partie grâce à l’exploitation massive de données. La collecte, le stockage et l’utilisation de ces données soulèvent des préoccupations majeures en termes de protection de la vie privée. Des réglementations telles que le Règlement général sur la protection des données (RGPD) ont été mises en place, mais leur adaptation aux spécificités de l’IA reste un projet ouvert.

3. Discrimination et biais algorithmiques :

Les systèmes d’IA peuvent perpétuer, voire amplifier, les biais présents dans les données sur lesquelles ils sont entraînés, ce qui conduit à des discriminations injustes, notamment dans l’emploi, l’accès aux services financiers ou dans le système judiciaire. Il est essentiel de développer des mécanismes juridiques pour atténuer ces biais afin de garantir une utilisation éthique de l’IA.

4. Transparence et explicabilité :

Les décisions prises par les algorithmes d’IA peuvent souvent paraître opaques, ce qui pose un défi pour établir la responsabilité juridique. La législation future devra probablement imposer des normes de transparence et d’explicabilité, obligeant les concepteurs d’algorithmes à rendre compte des critères utilisés par leurs systèmes.

5. Propriété intellectuelle et créativité artificielle :

La création générée par des algorithmes soulève des questions de propriété intellectuelle. Qui détient les droits sur une œuvre produite par l’IA ? Les créations autonomes doivent-elles être protégées par le droit d’auteur et, si oui, qui en est le créateur légitime ? Ces questions doivent être examinées attentivement pour éviter des litiges juridiques complexes.

6. Sécurité et cybercriminalité :

L’IA peut être exploitée à des fins malveillantes, que ce soit pour manipuler l’opinion publique, créer des deepfakes ou mener des attaques ciblées. Les lois doivent évoluer pour faire face à ces nouvelles formes de cybercriminalité, en garantissant la sécurité des individus et des institutions.

Pour illustrer la difficulté de ces questions, l’exemple significatif est celui introduit par la directive européenne du 17 avril 2019, qui a édicté une nouvelle exception au droit d’auteur en autorisant le text and data mining (TDM), y compris à des fins commerciales. Concrètement, tout opérateur de solutions basées sur l’intelligence artificielle peut librement « récolter » tous les contenus, y compris ceux protégés par le droit d’auteur, dès lors qu’ils sont librement accessibles sur internet. Toutefois, cette nouvelle exception au droit d’auteur s’accompagne d’une possibilité pour les titulaires de droits de s’opposer expressément à ce text and data mining (clause « se désengager “). Ils obligent ces derniers à prendre les mesures nécessaires à la place des opérateurs. C’est le monde à l’envers, comme c’est souvent le cas dans le domaine des nouvelles technologies.

Quoi qu’il en soit, les défis juridiques liés à l’intelligence artificielle sont multiples et nécessitent une approche globale. Les législateurs, les chercheurs, les entreprises et la société civile doivent collaborer pour élaborer des cadres juridiques appropriés, en équilibrant l’innovation technologique avec la protection des droits et des valeurs fondamentaux. L’avenir de l’IA dépendra en grande partie de la manière dont ces défis seront relevés, façonnant ainsi un paysage juridique qui accompagnera le développement rapide de cette technologie.

Alexandre Duval-Stalla

Olivier Dion-Alexandre Duval Stalla

Alexandre Duval-Stalla est avocat au barreau de Paris et écrivain. Ancien secrétaire de la Conférence du barreau de Paris (2005) et ancien membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, il est le président fondateur de l’association « Lire pour s’en sortir » qui promeut la réinsertion des détenus par la lecture et du prix littéraire André Malraux.

 
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