un roman d’initiation plein d’humour d’Alain Robbe-Grillet

un roman d’initiation plein d’humour d’Alain Robbe-Grillet
un roman d’initiation plein d’humour d’Alain Robbe-Grillet

Dans un récit vivant et plein d’humour, l’héroïne, une jeune doctorante, se voit confier la mission de constituer les archives de l’auteur du Gommes. Lettres, manuscrits, photos, affiches, jusqu’aux moindres frais de nourriture ou de déplacement : il faut classer tous les documents qu’ont pu conserver le couple de collectionneurs compulsifs qu’étaient Alain et Catherine Robbe-Grillet.

Aussi, à l’instar du « chef » d’Imec, décrit comme un « lecteur des lecteurs »entre autres savoureux sketchs de personnalités importantes de l’édition française, Aucun respect il s’adresse apparemment à un public intéressé à découvrir les coulisses du monde littéraire parisien.

Mais ce qui lui donne la portée universelle d’un roman d’initiation, c’est le regard de cette jeune femme arrivant dans un milieu dont elle ne maîtrise pas les codes, et qu’Emmanuelle Lambert recompose avec beaucoup de sincérité et d’intelligence. et de la vivacité.

Quels livres offrir aux enfants pour la Saint-Nicolas ? Voici nos dix albums préférés

Les Robbe-Grillet et le SM

Les détails de l’histoire, joyeux mais pas tropl’évolution de la relation entre ce jeune chercheur irrévérencieux et un écrivain dont la renommée et la fortune sont faites – une relation strictement professionnelle, même si la question sexuelle apparaît plus d’une fois sur le radar, dans des pages intransigeantes et souvent drôles sur les mœurs de ce curieux couple .

Sans s’y attarder, l’héroïne voit sa propre vision du désir et des normes sociales ébranlées, notamment lors de ses rencontres avec Catherine Robbe-Grillet, qui, outre ses écrits sous le pseudonyme de Jeanne de Berg, était connue pour organiser des scènes sadomasochistes – des pratiques de domination consensuelle auxquelles son mari n’était pas insensible.

Catherine Robbe-Grillet, un 2014. ©Joël Saget/AFP

Dans ses yeux parfois confus, fatigués, indignés, mais pas naïfs, on voit aussi, en miroir, se refléter un univers qui reste très masculin. Non seulement cela, et c’est une chance, puisqu’elle peut trouver, à l’intérieur et à l’extérieur des murs de l’Institut, un soutien et un chemin vers l’émancipation.

Que s’est-il passé pour que la sœur de Sylvia Aguilar Zélény se convertisse à un islam rigoureux ?

La difficulté du projet d’Emmanuelle Lambert était de trouver l’équilibre, la bonne distance entre l’auteur et son sujet, incarné par son double fictionnel, sans tout ramener à elle. Un pari globalement réussi, même si, en s’éloignant du microcosme littéraire et du centre de gravité narratif que sont les Robbe-Grillet, on se désintéresse parfois.

D’un point de vue plus collectif, c’est aussi le portrait d’une époque. Ou plutôt la plongée introspective, après MeToo, de toute une génération dans l’époque qui l’a bâtie. Comment penser la relation entre pouvoir et sexualité, entre perversion et création, hier et aujourd’hui ? C’est l’une des questions ouvertes de la dernière partie du texte, la plus forte.

Aucun respect | Roman | Emmanuelle Lambert | Stock, 225 pp., 20 €, numérique 15 €

Extrait :

« Quand on dit qu’on ne peut plus rien dire, peut-être croyons-nous sincèrement que ce nouvel accès à une parole qu’on ne peut plus ignorer, cette déchirure au cœur du silence, s’est fait sur le dos de la liberté d’expression. Qu’on ne peut plus rien dire parce que d’autres parlent, comme s’il existait un quota de parole publique disponible, la foule silencieuse ne pouvant s’exprimer qu’à la condition de. une réduction drastique du discours des bavards.

Or, ce que les femmes voulaient dire, c’est que même ce que la loi interdisait, la coutume le tolérait, qui disait : les enfants vous appartiennent ; ce qui se passe dans les familles ne nous regarde pas ; et quant aux femmes, adultes, mineurs : open bar. Parlant en chiffres, ils ont révélé la vérité statistique. Ce que nous pensions être de la déviance était en réalité la norme.

La morale de l’histoire est qu’il n’y a, hélas, rien d’irréaliste dans les histoires cruelles.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Livre : « Inventer le jardin de l’Antiquité à nos jours » : l’herbier du réel
NEXT Annie Ernaux : ses 5 livres incontournables