Le président du RN dédicace son livre ce samedi à Marseille. «Je l’ai fait pour dire ma vérité», nous explique-t-il. Entretien.
Comment interprétez-vous la vente de 60 000 exemplaires de votre livre en quelques semaines ?
C’est un très bon début. Je l’ai fait pour dire ma vérité, pour raconter cette séquence électorale vertigineuse du printemps et pour mieux me faire connaître. Il ne s’agit ni d’une autobiographie, ni d’un mémoire ou d’une ébauche de programme politique. Mais je pense que notre parti est à la croisée des chemins. Il y a une attente concernant le Rassemblement national qui a recueilli onze millions de voix aux législatives.
Pourquoi l’as-tu écrit ?
Ce livre est un tête-à-tête avec les Français. Il n’y a que ce format qui permet de se confier sans le prisme de la question, le filtre des médias et des réseaux sociaux. C’est aussi la revanche du long terme pour moi qui dois commenter la vie politique en première ligne et de manière très immédiate depuis cinq ans. Une nouvelle en chasse une autre, le livre reste. L’idée est de préciser que j’ai un parcours ordinaire. C’est unique dans le sens où je fais à 29 ans ce que je devrais faire à 50 ans. Mais c’est comme ça et j’avais besoin de préciser d’où je viens. Je suis née en Seine-Saint-Denis, j’ai été élevée aux valeurs du travail et du mérite par une mère qui gagnait 1 300 euros par mois. J’en suis très fier.
Cela va-t-il aussi à l’encontre de cette idée selon laquelle les élus seraient déconnectés de la réalité ?
Cette déconnexion existe et j’ai voulu montrer aux Français que je suis comme eux. Ils voient notre parti comme une boussole dans un pays où règne la confusion politique. Nos choix en matière de politique migratoire, agricole et industrielle détermineront ce que sera la France de demain. Malgré tout, nous renouvelons le paysage politique, même si notre parti est déjà ancré dans le paysage. Nous n’avons jamais gouverné, notre projet est aux antipodes de celui de la majorité politique aujourd’hui. Nous avons une rupture.
Mais cette rupture n’est plus aussi nette… Fallait-il espérer accéder au pouvoir ?
Nous devenons un parti gouvernemental. Nous étions une force de protestation et ce que je cherche, c’est de rassembler les classes populaires et moyennes, les élites entrepreneuriales et une partie des orphelins de la droite. Je souhaitais que notre image évolue et que notre ambition économique soit plus claire.
Mais vous vous dites désormais prêts à voter la censure en cas de vote du 49.3 sur le budget. Avec le risque de chaos politique qui pourrait survenir derrière…
Le pays avait besoin d’un gouvernement après ces mois de confusion et j’ai toujours indiqué que je jugerai sur la base des preuves. Ce gouvernement n’a aucune légitimité démocratique et le budget punitif qui se construit affaiblit la France laborieuse et cible les classes populaires et moyennes. Il le fait en voulant dé-rembourser les médicaments, augmenter la pénalité automobile et les impôts sur les sociétés. Si ce budget était voté tel quel, nos lignes rouges seraient dépassées et nous voterions la censure. Mais nous ne serions pas responsables d’un éventuel chaos. Le responsable est Emmanuel Macron qui a plongé le pays dans l’incertitude avec la dissolution puis en organisant une alliance électorale contre nature et en refusant qu’une alternance se produise.
Les politiques français sont opposés au traité de libre-échange avec le Mercosur. Vous êtes donc d’accord sur ce point ?
Je suis en première ligne contre ce traité au Parlement européen. C’est le fruit d’une politique de décroissance de l’Union européenne qui multiplie les accords de libre-échange, systématiquement au détriment de nos agriculteurs. J’ai promis le patriotisme économique et la sortie de notre agriculture de ces accords de libre-échange. Nous avons perdu 100 000 agriculteurs dans notre pays en dix ans et la situation de concurrence déloyale tue notre agriculture. Il y a une incapacité de l’Europe à comprendre cela, qui promeut un Green Deal, ou « Green deal » qui multiplie les contraintes environnementales. Les libéraux et la droite française ont été les architectes de ces accords en multipliant les compromis. Notre groupe, désormais troisième au Parlement européen, rebat les cartes. Notre travail a déjà conduit à une augmentation des tarifs douaniers de 10 à 35 % pour faire face notamment à ce que font les États-Unis.
L’actualité du RN est aussi judiciaire avec l’affaire dite des « assistants parlementaires » et les réquisitions vous paraissent lourdes et sévères. Jusqu’où irez-vous ?
Ce sont les réquisitions d’un procureur que je considère comme partial. Nous ferons appel. L’objectif est de tuer le Rassemblement national et sa candidate, Marine Le Pen, en vue de la prochaine élection présidentielle. Il s’agit également de compromettre l’état de nos finances. Ces réquisitions politiques semblent totalement disproportionnées, y compris pour tous ceux qui ont signé notre pétition en ligne. Nous avons déjà enregistré 250 000 signatures. Je répète que cette épreuve n’est ni celle d’emplois fictifs, ni celle d’un quelconque enrichissement personnel. Nous parlons d’un désaccord administratif. (Marine Le Pen est poursuivie pour détournement de fonds publics et complicité, NDLR).
N’avez-vous pas peur, vous qui réclamez toujours la stricte application des peines, de discréditer la Justice avec ce discours ?
Nous ne mettons aucune pression sur la Justice. Beaucoup de Français sont indignés et il est normal qu’ils le disent. La justice est très indulgente avec de nombreux délinquants et ne l’est pas du tout avec nous. Ces réquisitions me paraissent étranges et peu sincères. Dangereux même, car priver Marine Le Pen de l’accès au suffrage universel créerait un trouble à l’ordre public.
Serez-vous le plan B en cas d’inéligibilité avérée ?
Nous n’y pensons pas. Nous sommes certains que nous serons entendus et que les réquisitions ne seront pas suivies. Quant à moi, je n’y pense pas. Je suis aux côtés de Marine Le Pen. Elle connaît ma loyauté et ma fidélité.