Anne Gorouben raconte son histoire dans « Une jeunesse en secret »

Anne Gorouben raconte son histoire dans “Une jeunesse avec un secret”

Il s’agit d’une autobiographie écrite et dessinée. L’auteur décrit son mal-être au sein d’une famille juive française dans les années 1960 et 1970.

Publié aujourd’hui à 22h47

Abonnez-vous maintenant et profitez de la fonction de lecture audio.

BotTalk

Nous l’avons rencontrée en 2011. Cette année-là, Anne Gorouben publie dans « Les Cahiers Dessinés » un roman autobiographique intitulé « 100, boulevard du Montparnasse ». C’était déjà un retour tardif à une enfance douloureuse. Née en 1959, la femme a depuis donné à d’autres éditeurs des ouvrages d’écorchage, où elle dénonce les injustices de la société. Il y avait les sans-abri, les migrants de Calais (si loin de la bourgeoisie de la même ville !) ou « le poids des silences » de Prague. Anne est sérieuse. Anne est une tragédie. Anne doit affronter la dureté de la vie des autres pour faire face à la sienne, longtemps faite de culpabilité et de haine de soi.

Le dessin comme thérapie

L’écrivaine et dessinatrice revient aujourd’hui avec « Une jeunesse au secret », où elle nous raconte sa ville familiale entre les années de Gaulle et les excès d’après mai 68. Tout a commencé par une découverte au Musée d’art et d’histoire du judaïsme. à Paris. Anne y a vu les cahiers du peintre Maryan, à qui son psychanalyste avait demandé de mettre en forme visuelle ce qu’il ne pouvait exprimer oralement. De retour dans son atelier, elle prend un crayon pour raconter son enfance faite de silences, de non-dits, de conflits latents et de manque d’amour. Les symptômes d’une génération juive après l’Holocauste, alors appelée « la Catastrophe ». Un génocide dont on n’a jamais parlé, ce qui l’a rendu encore plus présent. Le père et la mère d’Anne avaient passé la guerre, l’un réfugié en Suisse et l’autre caché en province. Ils avaient un peu honte d’avoir survécu alors que les autres étaient morts. Un mauvais début de vie…

Au fil des pages, toujours composées de la même manière (le texte à gauche et l’illustration à droite), le lecteur constate le comportement d’une famille dystopique, faisant toujours bonne figure à l’extérieur. Il y a les parents, qui ont quitté leur monde modeste pour devenir médecin et elle orthophoniste. Un adieu arraché au monde de la friperie et de la couture représenté par les grands-parents. Il y a aussi une grande sœur et un petit frère, la fratrie se déchire entre deux reproches maternels et le silence glacial du père. L’accord entre maman et papa semble tout aussi fragile. Dans « Une jeunesse au secret » chacun devient tour à tour le bourreau et la victime de l’autre. Le tout avec une sorte de complaisance face au malheur. D’où un recours fréquent aux psychologues de tout poil. On finit par penser que Sigmund Freud n’est pas né par hasard dans une famille israélite dépourvue d’humour juif.

Sans indulgence

Anne abandonnée, Anne qui se déteste devient ainsi anorexique, puis boulimique. Elle avale et vomit. L’école publique, puis l’école des beaux-arts, ne la sortent pas de ses angoisses nombrilistes. J’avoue qu’après m’être plaint d’elle pendant 200 pages, j’ai alors ressenti le besoin de la gifler deux fois. La pitié a ses limites. Mais c’est là toute la force d’un livre où l’auteur regarde dans le rétroviseur en combinant les mots justes et des dessins un peu flous qui rappellent parfois Georges Seurat. L’Anne actuelle considère sans indulgence celle qu’elle a été dans un milieu à la fois juif, athée et communiste, lui aussi décoloré. Si son grand-père est bel et bien décédé à Tel-Aviv, il a été renversé par un chauffard ivre alors qu’il était en visite. Le symbole d’une relation difficile avec une Terre Promise sanctifiée sans rien attendre de concret d’elle. L’œuvre se termine sans offrir de véritable fin. Disons qu’il interrompt. Il pourrait donc y avoir une suite dans le futur.

Pratique

“A youth with a secret” by Anne Gorouben, Editions Les Cahiers Dessinés, 320 pages.

Un des nombreux dessins du livre. Un flou à la Georges Seurat.
Bulletin

« La semaine d’Etienne Dumont »

Chaque vendredi, retrouvez l’actualité culturelle croquée par le célèbre journaliste.

Autres bulletins d’information

Se connecter

Né en 1948, Etienne Dumont étudié à Genève qui lui furent de peu d’utilité. Latin, grec, droit. Avocat raté, il se tourne vers le journalisme. Le plus souvent dans les sections culturelles, il travaille de mars 1974 à mai 2013 à la Tribune de Genève, commençant par parler de cinéma. Viennent ensuite les beaux-arts et les livres. A part ça, comme vous pouvez le constater, rien à signaler.Plus d’informations

Avez-vous trouvé une erreur ? Merci de nous le signaler.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

NEXT La médiathèque dispose également de son coffret à livres