Le livre du jour. Le western calédonien d’Alice Zeniter

Le livre du jour. Le western calédonien d’Alice Zeniter
Le livre du jour. Le western calédonien d’Alice Zeniter

« Frapper l’épopée ». Alice Zéniter. Flammarion. 345pages. 22 €.

Que sait-on de la lointaine Nouvelle-Calédonie ? Pas beaucoup. La curiosité s’éveille lorsque le Caillou sort des gonds de l’indifférence générale pour évoquer la mémoire de la métropole. Cela s’est produit en 1988 lors des événements d’Ouvéa, puis encore ces derniers mois d’émeutes nées du flou laissé par trois référendums d’autodétermination. Coïncidence de la vie des lettres et de l’actualité, le roman d’Alice Zeniter arrive à point nommé.

Autour du personnage de Tas, lauréat du Goncourt des lycéens en 2017 avec « L’Art de perdre », bat le rappel d’une épopée qui embrasse l’histoire coloniale de l’archipel jusqu’à atteindre un écho plus personnel dont il livre les clés dans ses derniers chapitres.

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Voici donc Tas, professeur de lycée, ramenée à Nouméa par une rupture amoureuse doublée d’une envie de retourner dans son pays natal après des années passées en métropolitaine. Troublée par la disparition de deux de ses élèves, des jumeaux kanak, l’enseignante décide de partir à la recherche des deux fugueurs liés à un petit groupe indépendantiste qui préfère « l’empathie violente » aux actions subversives radicales. Leur révolte mijote un projet à la symbolique à la fois poétique et politique.

L’exploration du Caillou sur les traces des jumeaux promet à Tass la compréhension d’un territoire complexe où au cours des derniers siècles, les traces du bagne voulu par Paris, l’essor de l’exploitation des mines de nickel dans les années 1970 et les pages du origines des habitants, marqueur de l’identité(s) de cet archipel du Pacifique Sud. Mais peu à peu, les fils du passé dessinent le modèle des perdants de l’Histoire. Lorsque nous aurons obtenu l’indépendance, la plupart des Kanaks vivront comme des Blancs. Nous leur rendrons leurs terres et ils ne sauront plus comment en vivre. prédit l’un des personnages.

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Le roman sonde ainsi la profondeur du temps, constate les changements imperceptibles de la société calédonienne comme le départ régulier des « métros » (ils sont 2 000 à quitter l’archipel chaque année), interroge la légitimité dans l’ombre des rapports de pouvoir. entre les communautés. Sous l’excitation des sens née de la beauté de l’île, se dessine une carte de la Nouvelle-Calédonie qui donne toute sa place à la population kanak. La façon dont Alice Zeniter ajuste son regard révèle les lacunes des mémoires puisque sur cette terre colonisée, l’histoire a été écrite par les vainqueurs. Avec une touche de magie, le récit virtuose relie finalement la Grande Terre du Pacifique Sud à d’autres généalogies blessées.

 
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