Sally Rooney présente « Intermezzo » comme un roman « ambitieux », « dérangeant » et « étrange »

Sally Rooney présente « Intermezzo » comme un roman « ambitieux », « dérangeant » et « étrange »
Sally Rooney présente « Intermezzo » comme un roman « ambitieux », « dérangeant » et « étrange »

Si un vent d’automne soufflait dans les rues quelques pages du quatrième roman de Sally Rooney, les saisissant au vol, bien des lecteurs devineraient aisément l’auteur. Ils reconnaîtraient les phrases construites avec autant de précision que des ponts à longue portée, soucieux de répartir le poids. Ils y retrouveraient les émotions de chaque instant, froidement enregistrées ; des dialogues monosyllabiques surgissant parfois des flots tandis que de puissants remous d’introspection surgissent sous la surface ; des ébats d’une intensité et d’une sensualité stupéfiantes, perçus de l’intérieur et vus avec vénération comme une force morale.

Dès les premières pages et tout au long du roman, on retrouve ici le style distinctif de Conversations entre amis, Les gens normaux Et Où es-tu, monde admirable ? [publiés en 2019, 2020 et 2022 et traduits en français aux éditions de l’Olivier]. Interlude est une continuation magistrale du style qui a fait de Rooney un phénomène mondial. Ce nouvel opus [paru chez Gallimard] est aussi plus ambitieux dans sa philosophie, plus varié dans son style, parfois dérangeant et indéniablement plus étrange.

Deux frères dans le miroir

Deux frères viennent de perdre leur père ; on les découvre dans les semaines de confusion qui suivent les funérailles. Ivan Koubek, 22 ans, intellectuel timide, excelle dans les tournois d’échecs et est cruellement conscient de son inadaptation sociale. Selon Peter, il est « totalement allumé »*Mais Peter, avocat au discours facile et qui veut toujours avoir raison, a tort sur bien des points. Au fil des chapitres alternant entre les points de vue des deux personnages principaux, qui perdent et retrouvent leurs repères, Ivan entame une relation passionnée qui surprend tous ceux qui le connaissent, tandis que Peter, de dix ans son aîné et à la libido débordante, est déchiré par son désir pour deux femmes que tout oppose.

La vision neurodivergente du monde d’Ivan, rendue lentement et minutieusement, nourrit des formes d’éloquence singulières – marquées par son langage hésitant, contrastant avec l’apparente aisance verbale de Peter, ses silences chargés d’émotions, son esprit et son corps frémissants de doutes et de sensations. Alors que les émotions refoulées sont évacuées, Ivan se retrouve plongé dans un ravissement étonné, tandis que la complaisance de Peter confine au désespoir nihiliste.

Dans chacun de ses romans, Sally Rooney place ses protagonistes dans des chorégraphies changeantes, où le rythme de l’attention pivote sur des paires étroitement liées. Après le quatuor de Conversations entre amis et deOù es-tu, monde admirable ? et le duo époustouflant formé par Marianne et Connell dans Les gens normauxnous assistons ici à une pièce de théâtre pour cinq personnages : deux

 
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