Caroline Goldman partage ses conseils pour la rentrée scolaire

Caroline Goldman partage ses conseils pour la rentrée scolaire
Caroline Goldman partage ses conseils pour la rentrée scolaire

Non, les enfants ne naissent pas avec le mode d’emploi attaché au cordon ombilical. Et la parentalité est un long chemin semé d’interrogations, d’hésitations, voire de faux pas. Alors, à la rentrée, Caroline Goldman, docteur en psychologie de l’enfant, enseignante, formatrice, publie un « Guide du parent d’aujourd’hui » pour apporter des réponses éclairées. Entretien.

Cette année scolaire 2024 s’annonce très mouvementée : un ministre de l’Éducation nationale démissionnaire, de nouvelles réformes, une grève et beaucoup d’incertitudes. Quel impact ce contexte d’instabilité a-t-il sur les élèves ?

Dans mon livre, je parle de la notion de « présentation d’objet » (ndlr : « Object presenting », en anglais, la manière dont la mère présente le monde à l’enfant). Cette notion psychologique, absolument fondamentale, indique que le parent a tout le pouvoir de coloration émotionnelle sur le croisement des événements pour son enfant. En clair, si le parent vit ces mouvements comme dramatiques, l’enfant sera impacté. Au contraire, s’il les vit comme absolument anodins, ce sera un non-événement.

Et cela ne vaut pas seulement pour les grèves et les réformes, mais aussi pour les notes, les mots des enseignants, qui sont beaucoup plus fondamentaux et universels. Si le parent reçoit ces données de la vie scolaire quotidienne de l’enfant de manière anxiogène et tendue, cela va évidemment rendre l’enfant anxieux et tendu, alors que si les parents relativisent judicieusement, cela va détendre l’enfant face à ses apprentissages en général et à ses difficultés en particulier.

« L’éducation se fait à la maison, l’école est un lieu d’instruction intellectuelle »

Sauf que le quotidien scolaire est par nature stressant : dès la rentrée, il y a les évaluations nationales, sans parler de Parcoursup, etc.

Non, pas du tout. Demandez aux enseignants si tous leurs élèves sont stressés, ils vont rire ! Nous avons tous connu des élèves qui ne se souciaient pas d’avoir de mauvaises notes. Le discours parental est un véritable sas de décompression ou d’encouragement à l’anxiété entre le monde extérieur et la vie psychologique de l’enfant.

Selon vous, les parents ne devraient pas se concentrer sur les résultats scolaires, mais être plus exigeants sur le comportement de leur enfant à l’école. Pourquoi ?

Autant les mauvais élèves peuvent devenir bons, autant les élèves qui ne savent pas respecter leurs professeurs ou qui sont transgressifs ont de fortes chances de voir leur vie se compliquer en grandissant ! C’est une véritable condamnation à des échecs sociaux ultérieurs.

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« Plus il y a d’adultes devant l’enfant pour lui expliquer le respect des autres, l’humilité, plus l’enfant s’y conformera sereinement »

D’où l’importance des limites éducatives, de l’éducation familiale… A ne pas confondre avec l’instruction. Cette confusion n’est-elle pas à l’origine du problème ?

En principe, l’éducation se fait à la maison, l’école est un lieu d’instruction intellectuelle. Mais dans la réalité, on assiste aujourd’hui à un relâchement des règles éducatives, du respect de la parole des adultes et des règles de décence dans l’espace familial. Du coup, les enseignants récupèrent des enfants qui ont l’attitude de bébés incontrôlés. Alors évidemment, pour commencer à initier des processus d’apprentissage, c’est extrêmement laborieux.

Et c’est pareil dans les entreprises : les employeurs font état d’une incivilité croissante de la part de leurs jeunes stagiaires, qui ont une représentation horizontale des relations et sont sur le registre des revendications. Ils manquent cruellement d’humilité. Or, quand on est en situation d’apprendre un métier, il faut de l’humilité. Tout comme il faut être humble devant le professeur qui a les moyens de vous enseigner.

Vous écrivez également que la solidarité des parents avec les enseignants est cruciale. Pourquoi ?

Quand un adulte seul énonce une loi à un enfant, c’est une discussion. Quand deux adultes se placent devant l’enfant, cela devient une loi effective que l’enfant va respecter. Ainsi, plus il y a d’adultes devant l’enfant pour lui expliquer le respect des autres, l’humilité, plus l’enfant va s’y conformer sereinement, et l’entendre comme une loi.

Pourquoi est-il important de savoir remettre à leur juste place les conflits amicaux des enfants ?

Les conflits amicaux sont fréquents, surtout à l’école primaire, entre filles. Et les parents de notre génération, surtout les mères, ont tendance à s’attarder sur ces conflits en détail. Cette attitude empêche l’enfant de devenir indépendant dans son ajustement relationnel avec les autres.

Il faut donc accepter que l’enfant ait des déceptions relationnelles, et ne pas se laisser contaminer émotionnellement. Et lui dire qu’il est plein de qualités, qu’il se fera d’autres amis, que vous avez confiance en lui. Ainsi il croira en cette définition de lui-même et se comportera en conséquence.

Il est également important de savoir que les relations sociales des enfants ne sont que des reconstitutions de relations intrafamiliales : si tout le monde se dispute à la maison, les enfants trouveront des amis dont les familles se disputent pour se disputer avec eux.

Demandons-nous plutôt ce que leurs choix rejouent des modalités relationnelles qui se jouent à la maison. Et au lieu de reprocher à leur adolescent ses amitiés douteuses, je conseille au parent de rendre son adolescent heureux ; il aura des amis heureux.

« Il y a cinq ingrédients du bonheur : la joie, la tendresse, la visibilité des origines, les limites éducatives et donner confiance à l’enfant par les encouragements et les félicitations »

Raison pour laquelle vous réexaminez le problème du harcèlement scolaire…

Oui ! Bien souvent, il s’agit d’une reconstitution des difficultés de gestion de l’agressivité sur la scène familiale. Sachant qu’il existe plusieurs types de familles : celles où l’agressivité joue pleinement son rôle, ou à l’inverse, celles où l’agressivité n’a pas d’espace pour circuler ; l’enfant doit alors chercher à l’extérieur, à l’école en l’occurrence, les voies du conflit.

L’important est de rendre l’enfant heureux. Oui, mais comment ?

Il y a cinq ingrédients du bonheur : la joie, la tendresse, la visibilité des origines, les limites éducatives et donner confiance à l’enfant par des encouragements et des félicitations. L’adolescent a aussi besoin de nous pour survivre à ses attaques afin de s’individualiser et de se détacher des liens primaires de l’enfance.

« Guide du parent d’aujourd’hui », Caroline Goldman, éd. Flammarion, 304 p., 19 €. E-book : 13,99 €.

 
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